Lorsqu’un savant inventa l’Infosphère, il permit à l’humanité d’effectuer un bond de géant. Combinant l’Internet tel que nous le connaissons et l’esprit de la ruche grâce à des implants cérébraux, l’information prit une dimension universelle. Cela n’allait pas se réaliser sans déplaire aux adeptes des ségrégations de tous poils et de l’obscurantisme et, comme cela s’était produit lors des siècles précédents, les forces de la réaction prirent le pouvoir et neutralisèrent sans ménagement le contrepouvoir universel qui était dans sa phase ascendante.
Suite à une répression sanglante, les survivants furent parqués dans Asulon, la cité-prison, où privés de contact avec une Infosphère neutralisée, mais également avec le monde extérieur, ils reconstruisirent une société avec leur propre système de communication, certes primitif, mais qui avait fait ses preuves par le passé. Ils n’étaient pas résignés pour autant et leur planche de survie passait par la préservation de la culture, sous toutes ses formes.
Les choses auraient pu en rester là, jusqu’à ce qu’un enfant vienne partager leur sort. Il deviendra bien plus qu’un simple codétenu supplémentaire, mais ils ne le savaient pas encore…
Avec Asulon, comme dans la plupart de ses écrits, Li-Cam s’attache à l’humain, à ses limites physiques et à ses dimensions spirituelles. Une fois encore, elle nous invite dans un univers d’une densité incroyable où beaucoup de non-dits nous laissent présager d’un monde d’une grande complexité. Elle n’explique pas tout, laissant au lecteur tout le loisir, toute la liberté pour s’imaginer ce monde. Et, étrangement, nous retrouvons cette liberté dans cette prison utopique et autogérée qui se limite à la seule fonction d’interdire la libre circulation des individus et donc leur cantonnement hors du reste de l’humanité.
Une autre approche intéressante est constituée par les références culturelles qui enracinent dans un monde que nous connaissons ces hommes et ces femmes privés d’identité et, par la même, nous démontre combien il est vital de préserver la culture, elle qui devient le dernier recours quand l’intolérance prend le pas sur le vivre ensemble.
Enfin, l’idée de l’Infosphère met en perspective l’opposition éminemment politique entre le pouvoir et l’information. Dans nos sociétés où les classes dirigeantes se cooptent, s’autoreproduisent jusqu’au déracinement absolu d’avec la réalité des peuples, il est vital de faire taire les lanceurs d’alertes, les éveilleurs de consciences, les Anonymous et les Wikileaks de tous genres pour la préservation de cette caste dégénérée et nombriliste. Loin d’aller dans le sens du « tous pourris », on observe régulièrement que les vérités qui surgissent de temps à autre ne vont pas sans secouer ces édifices parfois tout en artifices que sont nos sociétés.
La métaphore de Li-Cam peut parfois sembler bien hermétique tant l’univers décrit est riche de possibles, mais c’est l’humain qu’elle met en avant, même si la technologie est présente et participe de son évolution. Une fable SF où il convient de choisir son camp, suiveur ou révolutionnaire, tout en prenant conscience de ce qui fait de nous des êtres humains en constante évolution.
Asulon
Li-Cam
Couverture illustrée par Jean-Emmanuel Aubert
Griffe d’Encre
Collection Novella
2015
9,00 €