Lucy, étudiante américaine installée à Taipei passe plus de temps en boîte à s’amuser qu’à se soucier de son avenir. Mais un matin, les sirènes des examens se rappellent à elle tandis que son benêt de petit ami tente de la convaincre d’entrer dans un hôtel de luxe et d’y déposer une mallette pour lui. Comme elle refuse obstinément, il lui attache la menotte de la dite mallette au poignet, l’obligeant à se plier à ce qui ressemble de moins en moins à une simple corvée, plus encore lorsque son copain se fait abattre à bout portant et elle amenée de force devant un certain Mr Jang. La mallette ouverte, Lucy pense que son cauchemar est terminé mais elle est assommée et se réveille avec une large cicatrice au ventre. Elle transporte à présent un des sachets que contenait la mallette et doit se rendre à Paris pour « livrer » le paquet. La situation empire lorsqu’elle est attaquée et battue par un des hommes de mains du réseau. Sous la force des coups, le sachet se déchire, diffusant dans son corps la substance dont les effets inattendus transforment peu à peu Lucy en un être transcendant l’humain.
Un film de Luc Besson reste quelque chose d’attendu, que l’on a envie de savourer même si c’est du film français à la sauce US. Car Luc Besson reste le premier et peut-être le rare réalisateur français à avoir compris comment faire un film à portée internationale, libéré de l’élitisme intellectualisé et de la grosse comédie bidon qui sont les deux modes d’expression les plus usités dans notre cinéma made in France et qui n’intéressent pas grand-monde en dehors de l’hexagone.
Lucy était donc attendue comme l’évènement et on était en droit de penser que la liste des films à réaliser, les dix après lesquels Besson ne tournerait plus, était obsolète. Un casting ravageur avec Morgan Freeman en scientifique ébloui par une Scarlett Johansson venant prouver ses folles théories après avoir subjugué le spectateur de ses nouvelles capacités, une recette qui faisait frétiller l’imagination. Mais la première réaction, aux antipodes de ces attentes, se résume à une question : tout ça pour ça ?
Loin l’idée de critiquer Luc Besson pour sa patte à la sauce US mais Lucy est le prototype du film de trop. On enchaine les clichés Besson, depuis les méchants mafieux asiatiques et le professeur reconnu mais qui n’a finalement jamais apporté la preuve de ses théories jusqu’à l’héroïne sans cervelle plongée du jour au lendemain dans les ennuis jusqu’au cou, transformée par une substance improbable, devenue un génie ? Ben non, simplement une Rambo au féminin et sans émotion, avec des plans Besson que l’on connaît tellement par cœur qu’on les devine avant de les voir (miss qui avance dans le couloir avec des deux flingues en main et au ralenti svp).
Le postulat de départ, ou la substance qui éveille les capacités inusitées du cerveau humain, ouvrant la possibilité d’interagir et d’agir sur tout ce qui entoure l’héroïne retombe comme un soufflé trop cuit à mesure que le film avance. Si on aime les effets visuels, la course véhiculée dans Paris et l’esthétisme général, on déplore le caractère sans profondeur du scénario qui passe de prometteur à médiocre faute d’une réelle exploitation de son potentiel de départ.
Heureusement pour lui, Morgan Freeman a peu de scènes et peu de répliques, il en ressort donc indemne mais Scarlett Johansson n’a pas cette chance. Pour retranscrire la transformation de Lucy qui, gagnée peu à peu par ses capacités nouvelles, perd tout de son humanité à commencer par ses sentiments et ses émotions, l’actrice accentue beaucoup trop le contraste entre nunuche post-adolescente et super cerveau dénué de tout. La nuance est presque absente si on excepte les plans de pure terreur précédant son indigestion chimique. Ensuite, mis à part ses soubresauts physiques qui la font grimper au plafond (trop c’est trop) ou se liquéfier dans une cabine d’avion, Scarlett Johansson n’exprime rien de tout le reste du film.
On se demande aussi où est passé le faramineux budget du film en dehors du cachet des deux têtes d’affiche et des quelques effets spéciaux. Filmer à Taipei ne doit pas coûter si cher et il est évident que les costumes de Scarlett Johansson n’ont pas exigé d’enveloppe spéciale, loin de là. A moins que les plans parisiens n’aient tout englouti… C’est possible.
Lucy est un film distrayant faute de marquer durablement le public, un film pop-corn qui explique son succès en salles mais qui, signé Luc Besson, laisse un goût amer de déception.
Lucy
Réalisation : Luc Besson pour EuropaCorp, Canal +, Ciné + et TF1 Films Production
Scénario : Luc Besson
Photographie : Thierry Arbogast
Musique : Eric Serra
Avec : Scarlett Johansson, Morgan Freeman, Choi Min-sik, Amr Waked, Pilou Asbaek…
Sortie France : 6 août 2014