Les nains viennent à peine d’échapper à l’assaut d’Azog et ses sbires que les orques sont de nouveau sur leurs traces. Gandalf les conduit au pas de course chez Beorn, gardien mi-homme mi-bête, dernier de son espèce, qui veille sur l’entrée de la forêt noire. Ses dires quant aux étranges manifestations dont il a été témoin confirment les craintes de Gandalf : le Nécromancien est là, il attend pour frapper mais il menace déjà la Terre du Milieu. Le sorcier décide alors de quitter la compagnie pour vérifier ses soupçons et promet de rejoindre les nains dès que possible. Contre l’avis de Thorin, la compagnie se scinde donc, les nains poursuivant dans la forêt noire en direction d’Erebor avec Bilbon. Sans Gandalf, la compagnie peine à se frayer un chemin dans la sombre forêt. Très vite, les ennemis se succèdent, les araignées géantes d’abord, les elfes sylvestres ensuite. Les nains se retrouvent même emprisonnés dans la cité du roi elfique Thranduil tandis que Bilbon reste caché grâce à l’anneau. Legolas, fils de Thranduil, est persuadé que les nains cachent quelque chose, il veut connaître le but de leur quête. L’attitude secrète de son père presque haineux envers Thorin et la jalousie qu’il ressent à voir Tauriel, elfe guerrière dont il est proche, sympathiser avec les nains, le confortent dans son idée. Grâce à l’anneau, Bilbon pénètre la prison elfique et libère ses compagnons. Ils échappent de peu aux elfes et aux orques qui retrouvent leur trace. Mais le chemin vers Erebor est encore long. Il va leur falloir gagner Lacville, cité humaine rebâtie sur les ruines de la cité autrefois installée aux pieds d’Erebor, puis la moribonde cité des nains au soir du seul jour leur permettant d’y entrer. Plus rude encore, s’ils y entrent, Bilbon devra mettre en œuvre le talent qu’il n’a pas, celui de cambrioleur, et retrouver la fameuse pierre Arkenstone sans éveiller le terrible dragon Smaug… Un autre danger plane, l’Arkenstone pourrait bien pervertir l’esprit de Thorin comme elle a conduit son grand-père à la folie et provoqué la ruine d’Erebor !
Comme si l’on venait de voir la dernière image du premier volet, ce second opus de la saga Le Hobbit enchaîne directement sur la suite d’une histoire qui se veut plus riche que l’écrit dont elle s’inspire. Il était évident à mesure que se déroulait le premier film, que Peter Jackson quittait peu à peu le ton enfantin du roman éponyme de J.R.R. Tolkien prioritairement destiné à la jeunesse. Les éléments déplaisants du premier scénario s’effacent dans cette suite qui renoue volontiers avec un ton général plus sombre, guerrier, adulte, préfigurant un dernier volet tragique et tenant dignement son rôle de préquelle du Seigneur des Anneaux. L’humour essentiellement né de la personnalité des nains et de l’exubérance du sorcier Radagast passe cette fois au dernier plan. A l’honneur cette fois-ci, les sentiments contradictoires et profondément sombres de Thorin ; les tourments de Bilbon quant à sa récente trouvaille ; les pressentiments annonciateurs de malheurs de Gandalf, Galadriel et Bard ; le triangle amoureux Legolas, Tauriel, Kili ; la personnalité ambigüe et menaçante de Thranduil…
Le premier atout de ce film, contrairement à son prédécesseur, est son rythme. Peu de temps morts, à l’image du périple des nains, le spectateur ne s’ennuie pas, les courses poursuites se succèdent, contre les orques, contre les elfes, contre le temps lui-même. Les affrontements menés par les elfes sont spectaculaires de fluidité dans le traitement d’image et le jeu des acteurs.
C’est un plaisir de redécouvrir Legolas sous un tout autre jour, critique, acerbe, soupçonneux, jaloux mais guerrier d’exception, son énergie liée à celle de Tauriel entraînent le film pendant le séjour des nains au pays des elfes sylvestres.
A ces nouveaux personnages vient se greffer une vraie rencontre avec Thranduil que l’on ne faisait qu’apercevoir dans l’introduction du premier film. Le roi des elfes confirme l’impression donnée. Froid, avide, égoïste mais clairvoyant, il présage une réaction inattendue face aux actions futures des nains. L’entrée en scène de Bard, humain traînant un lourd tribut familial, est également enrichissante. Si le mystère autour de ce personnage est gardé soigneusement, il se délite à mesure que le film avance et cela avec mesure et suspense.
Le travail de réécriture pour construire un scénario fonctionne bien mieux dans La Désolation de Smaug. Un équilibre a été trouvé, respectant l’œuvre de Tolkien mais offrant un film à grand spectacle plus proche de la première trilogie de Peter Jackson et du public qui, fatalement, fait la comparaison. Frustrant néanmoins, ce second volet l’est beaucoup plus que le premier, tant les indices semés concernant le rôle passé et à venir de chaque nouveau personnage sont nombreux. Bien que ce soit là le lot ingrat de tout deuxième opus d’une trilogie, on ne peut s’empêcher de penser qu’il y a peut-être là trop d’attentes à satisfaire pour le troisième et dernier volet.
Evangeline Lilly que l’on n’attendait pas trop dans ce genre de film/rôle est particulièrement à l’aise avec le personnage de Tauriel, elfe pleine de contrastes. Lee Pace laisse sans voix dans la peau de Thranduil, sa diction, son ton glacial, il joue en finesse un être difficile à cerner et franchement antipathique. Luke Evans incarne le secret Bard, soupçonneux, inquiet, indécis, quelqu’un qui cache bien des choses mais pourrait bien se révéler un héros des Hommes. Enfin, Benedict Cumberbatch qui prête sa voix au Nécromancien et au dragon Smaug donne tant de force à ses interprétations qu’il semble être présent en chair et en os à l’écran. A ce titre, son doubleur français Jérémie Covillault ne démérite pas un instant.
C’est l’autre grande réussite de Le Hobbit : La Désolation de Smaug, ce fameux dragon que l’on ne pouvait que deviner dans l’introduction du premier épisode ou dans la bande annonce de ce second film. Surgissant de son matelas de pièces et d’objets d’or tel un sombre génie de sa lanterne, Smaug tourne autour de Bilbon comme un chat autour d’une souris et le dialogue entre la miniature et le géant absolus dans ce monde de la Terre du Milieu est remarquablement écrit, joué, mis en scène (et oui même si c’est devant un écran bleu ou vert de la WETA…). La bataille qui s’ensuit dans les entrailles de la cité des nains est palpitante, ça crache des flammes dans tous les sens, un grand plaisir pour les fans de fantasy et de dragons !
Peter Jackson n’a rien perdu de sa superbe esthétique, les vues sur paysages sont extraordinaires, les costumes, maquillages, décors, lumière, photographie, tout est soigné au millimètre, crédible à souhait, la magie est là.
Malgré tout, il manque toujours quelque chose de difficile à exprimer… La splendeur du Seigneur des Anneaux n’est pas au rendez-vous. C’est un bon film, qu’on a plaisir à voir, mais la quête des nains et l’aventure de Bilbon n’étant pas liées à la survie de la Terre du Milieu mais à une montagne gonflée de trésors que tout le monde veut posséder, peut-être que les émotions suggérées par La Désolation de Smaug et plus généralement par la trilogie Le Hobbit ne peuvent tout simplement pas souffrir de comparaison…
Le Hobbit : La Désolation de Smaug
Réalisateurs : Peter Jackson et Andy Serkis (2e équipe)
Production : Metro-Goldwyn-Mayer, New Line Cinema, WingNut Films
Scénario : Peter Jackson, Fran Walsh, Philippa Boyens, Guillermo Del Toro d’après J.R.R. Tolkien
Photographie : Andrew Lesnie
Effets spéciaux : WETA et ILM
Décors : Dan Hennah
Musique : Howard Shore
Avec : Martin Freeman, Ian McKellen, Richard Armitage, Orlando Bloom, Evangeline Lilly, Benedict Cumberbatch, Lee Pace, Luke Evans, Ken Stott, Graham McTavish, Aidan Turner, Dean O’Gorman…
Sortie France : 11 décembre 2013
La Bataille des Cinq Armées arrivant à grand pas, il est temps de revisionner celui-ci. :-)
Il faut absolument que j’aille le voir :D