Nul besoin de rappeler que l’adaptation cinématographique de la mythique trilogie Le Seigneur des Anneaux est remarquable. Mais un petit tour auditif du côté de la bande originale s’impose, car cette bande musicale est un élément crucial du succès planétaire. À tel point qu’une opération ciné-orchestre, qui n’est pas seulement commerciale, a été lancée dès 2012 pour offrir aux fans des films comme des romans une projection accompagnée d’un orchestre symphonique et d’un chœur qui interprètent la bande originale en direct pendant que les spectateurs regardent les films.
Le compositeur de musiques de films Howard Shore, connu aussi pour sa participation à quelques autres pépites de tous genres cinématographiques (Le Silence des agneaux, non ce n’est pas un jeu de mots, La Mouche, Philadelphia, Ed Wood, Madame Doubtfire, The Game, EXistenZ, Gangs of New York, Aviator…) s’est entendu très tôt avec Peter Jackson puisqu’il a commencé à composer dès la phase de production des films. Il a donc travaillé avec pour base première le scénario, le story-board puis les images.
L’ensemble a été enregistré à Londres, avec le London Philharmonic Orchestra dirigé par Shore lui-même. L’artiste a également investi ses propres deniers dans cette bande originale, c’est dire s’il croyait au succès de l’œuvre finale.
Dès le premier film, La Communauté de l’anneau, Shore a imposé un style qui reste le même sur la musique des trois films : chaque peuple et pays a droit à sa mélodie. Ainsi, le premier thème musical, The Prophecy, de la légende de l’anneau que conte Galadriel au début du film, est-il solennel, basé sur des chœurs très présents à l’unisson de cuivres et de cordes graves, s’allongeant sur les voix ou rebondissant sur elles : les intentions de l’anneau, objet maléfique, s’expriment pleinement. Les Hobbits sont accompagnés d’une composition gaie, espiègle, rapide avec flute haute perchée, instruments à vent et cordes joués très rapidement. On sent que l’univers des Hobbits est synonyme de paix, d’innocence, d’insouciance aussi. L’entrée en scène des sombres desseins de l’anneau, de son maître et de Saroumane est soulignée par une noirceur qui rappelle les accords de la Prophecy, mais avec un danger au présent : cordes basses, cuivres rapides, chœurs graves, tambours qui frappent comme un chant guerrier, régulier, implacable. La guerre qui opposera la magie blanche à la magie noire retentit avec la volonté d’industrialisation de la guerre par Saroumane et la transformation de l’Isengard.
L’entrée en scène de celui qui n’est pas qu’un homme, Aragorn, vogue entre thème des Hobbits et celui des Nazguls, comme pour mieux souligner qu’à ce stade de l’histoire, il est un personnage qui lie les autres entre eux, mais n’existe pas encore indépendamment. Son rôle et l’importance de sa quête gagnera avec la fin de ce premier opus et les deux autres films.
Le monde des Elfes, comme celui de la magie bienfaitrice de Gandalf est une quiétude triste, proche et éloignée de ce qui existe sur la terre des Hobbits. Voix pure et haute d’un enfant, violons, cuivres, les thèmes de Fondcombe et de la Lothlorien résonnent avec mystère.
Le domaine souterrain des nains est presque plus sombre que celui des cavaliers noirs eux-mêmes. Tout le temps que les héros passent dans l’obscurité de la Moria n’est que tambours lents ou rapides selon qu’ils avancent ou se défendent, chœurs très graves (nés de gorges de chanteurs polynésiens, on est chez les nains après tout !), martèlement en écho. L’impression de secrets gardés par cet antre de la terre se ressent, avec une pointe d’émerveillement lors de la découverte de l’art des nains sur une envolée spectaculaire de chœurs, de cordes et de cuivres en une harmonie qui monte pour redescendre brutalement, car le danger et le drame guettent.
Le thème de Gollum flirte avec tous les autres, il va et revient de temps à autre, comme son personnage, triste et mélancolique.
Tout autre découverte, notamment le voyage sur le fleuve depuis la Lothlorien, reprend la solennité qui ouvre le film, portée par les chœurs toujours, un mélange subtil de cette quiétude et du danger qui se profile toujours plus près des héros.
La Communauté de l’Anneau elle-même a son thème musical, il est fort, comme la communauté, mais il est décliné sur différentes tonalités suivant les aventures et mésaventures qu’elle traverse, The Breaking of the Fellowship est particulièrement puissant, la promesse d’une nouvelle aventure s’annonce et l’amitié s’affirme malgré les incertitudes et la distance. Le chant du jeune Edward Ross n’est que poésie. Enfin, une fois n’est pas coutume, la chanson de fin May It Be, mise en valeur par la voix d’Enya, est parfaite pour ce film, les paroles affirment que l’on tourne une page, mais qu’une autre est à venir.
Meilleure Musique de Film aux Oscars 2002
Meilleur Compositeur et Meilleure Chanson Originale aux Critics Choice Awards
Meilleure Bande Originale de Film aux World Soundrack Awards
Liste des Titres :
1_ The Prohecy
2_ Concerning Hobbits
3_ Shadow of the Past
4_ The Treason of Isengard
5_ The Black Rider
6_ At the Sign of the Prancing Pony
7_ A Knife in the Dark
8_ Flight to the Ford
9_ Many Meetings
10_ The Council of Elrond
11_ The Ring Goes South
12_ A Journey in the Dark
13_ The bridge of Khazad-dûm
14_ Lothlorien
15_ The Great River
16_ Amon Hen
17_ The Breaking of the Followship
18_ May it Be
À écouter sans retenue, avec n’importe quelle lecture de fantasy ou fantastique tant cette B.O. est puissante, évoque un flot intense d’émotions et des images d’aventure par centaines. Une vraie réussite.