Oakwood, son église, sa grange abandonnée, ses tavernes, son cimetière. Et ses sorcières, au grand dam des prêtres qui se succèdent sans parvenir à éradiquer les diableries.
Lorsque la nuit tombe, les ombres s’étirent et drapent le hameau d’un manteau de noirceur, laissant à la lune le soin d’épier les plus sombres desseins. Cruelles malédictions et engeances démoniaques arpentent alors librement les rues aux faveurs de l’obscurité ; mieux vaut ne pas s’attarder en-dehors des logis, au risque de rencontrer la Mort au détour d’une bâtisse.
Pourtant, le vieux cimetière attire bien des convoitises… Certains affirmeront avoir aperçu la lueur chétive d’une lanterne au détour d’une tombe, d’autres diront avoir entendu des hurlements déchirants briser la torpeur nocturne. Les plus folles rumeurs circulent au village, mais ses habitants s’accordent à dire qu’il ne se trame rien d’anormal.
Entre spectres, pentacles, corbeaux et cadavres, quelques téméraires se risquent toutefois à des errances en solitaire. L’un en quête de l’être aimé, l’autre animé par une vengeance inassouvie, ou tout simplement, à la recherche du repos éternel. Or tous ignorent que dans l’ombre, la demoiselle d’Oakwood veille…
La couverture, un dessin de Janna Prosvirina, est assez sympathique même si je trouve qu’il ne rend pas justice à l’ambiance sombre des textes.
Nous voici donc à Oakwood, une bourgade dont les principales attractions semblent être les pendaisons et l’extermination de sorcières grâce au bûcher dont les prêtres locaux abusent volontiers. Du coup, nombre d’âmes en peine hantent le cimetière tout proche avec un seul espoir auquel se raccrocher : la demoiselle, une sorcière qui peut les libérer de la malédiction divine.
L’originalité de cet ouvrage réside dans le fait qu’il s’agit en réalité d’un recueil de nouvelles (neuf plus une chanson) avec plusieurs personnages récurrents qui servent de lien (en plus de la ville d’Oakwood). Elles sont quasiment toutes datées, mais pas toujours rangées dans l’ordre chronologique. Personnellement, cela ne m’a pas dérangée puisque ces bonds dans le temps ne concernent que des nouvelles n’ayant pas de rapport direct avec la précédente. Les histoires dont la chronologie est importante sont, elles, placées de manière convenable tout au long du recueil. Le fait que d’autres récits s’intercalent entre elles peut déranger certains lecteurs, mais moi j’ai trouvé cela agréable : on fait une pause, on découvre d’autres personnages, d’autres aspects de la vie des habitants. Les histoires ont une ambiance plutôt lugubre, il faut bien le dire, et certaines n’ont pas une fin heureuse. C’est rafraîchissant, ça change de l’habituel format le bien l’emporte toujours à la fin. Je les ai toutes appréciées, je serai bien incapable de dire laquelle j’ai préféré !
Tout se passe à Oakwood, petite ville que l’on situe volontiers dans l’Angleterre des XVIème-XVIIème siècles, et dont l’auteur a su donner une description si vivante que l’on ne peut s’empêcher de frissonner en imaginant ses rues arpentées par des habitants désagréables au possible. Un endroit où il ne fait pas bon vivre, en somme. Le cadre est ainsi planté et sert de façon très efficace les différentes histoires. J’ai beaucoup apprécié les différentes descriptions, réalistes et efficaces.
Le style de l’auteur, teinté d’un charme désuet, sert à merveille ces histoires d’un autre siècle, permettant au lecteur de s’imprégner totalement de l’ambiance sombre qu’elle a souhaité donner à ses récits. C’est très vivant et attractif : on s’immerge dans chaque histoire, on la vit aux côtés des personnages qui, eux, la subissent. Un vrai plaisir !
Les personnages sont aussi un point fort de l’ouvrage car le traitement choisi par l’auteur aurait pu poser un problème : celui de les rendre trop fades, superficiels, car traités sur un nombre de pages restreint. La plupart n’apparait en effet que dans une seule histoire et, malgré cela, tous sont travaillés avec soin, surtout au niveau psychologique, ce qui entraîne le lecteur dans leurs pensées avec une facilité déconcertante. On s’attache, on se fâche, on peste, on déteste… bref, on ne reste pas insensible devant chacun d’eux. J’ai cru que je retiendrai surtout le personnage de la demoiselle mais, en réalité, ça n’a pas été le cas. J’ai été plus attirée et intéressée par celui de John-le-sanglant. Peut-être par son aspect torturé, hésitant entre son côté mauvais et son reste d’humanité. Bref, une belle réussite que tous ces arpenteurs du cimetière d’Oakwood !
Je n’aurai, en fait, qu’un seul reproche à faire à cet ouvrage : les coquilles. Il en reste un nombre que j’estime trop important pour passer inaperçu et, parfois, elles gênent carrément la lecture (quand, par exemple, on se retrouve sur la même page avec le nom des deux prêtres d’Oakwood, alors qu’ils n’ont pas vécu au même moment dans la ville, l’un ayant succédé à l’autre). J’ai trouvé cela très dommage !
Si vous aimez les histoires de sorcières sortant un peu des sentiers battus, je ne saurai trop vous recommander Les chroniques d’Oakwood. Vous passerez un très agréable moment de lecture avec de belles surprises, surtout à la fin de l’ouvrage !
Les Chroniques d’Oakwood, Dans l’ombre de la Demoiselle
Marianne Stern
Éditions du Chat Noir
202 pages
14,90 euros
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