Longtemps les vampires n’ont été pour moi que des personnages de films plus ou moins réussis ou de romans où ils tenaient juste un rôle de faire-valoir pour un scénario minimaliste. Jusqu’au jour où j’ai rencontré l’écriture d’Anne Rice et ses Chroniques des Vampires, tout cela à cause d’une chanson de Sting où il était question de la lune éclairant Bourbon Street. Je me suis alors plongé dans les récits de ce grand auteur, jusqu’au trop-plein, pour finalement décider de ne plus m’intéresser à ces créatures dont je pensais avoir fait le tour, voire même en avoir entamé un nouveau, de trop celui-là. J’ai donc laissé filer, le sourire de contentement au coin des lèvres, la bit-lit et toute sa cohorte de créatures fantastiques qui ne sont le plus souvent que les prétextes à des scénarios basés uniquement sur la tension sexuelle entre ados. Jusqu’au jour où j’ai eu l’heur de rencontrer Li-Cam et Jean-Emmanuel Aubert qui m’ont présenté ce premier volume des Chroniques des stryges et m’ont vraiment intrigué avec l’univers dont il était question en quatrième de couverture :
Lemashtu Dracul, futur Roi de Walachie, a dû fuir la Roumanie et l’oppression dont sont victimes les siens.
En exil à Londres, il a pour seuls compagnons deux stryges : Féhik, un prêtre dont la sévérité n’a d’égale que la propension aux sarcasmes ; et Aratar, un maître enseignant suspicieux et moralisateur.
Lem étouffe sous la surveillance constante de ses aînés et les innombrables règles de sécurité édictées par le Vatican. Il aimerait pouvoir vivre comme les autres adolescents.
Mais Lem n’est pas humain. À l’aube de ses quinze ans, il sent monter en lui des pulsions obscures et commence à prendre la mesure de sa véritable nature.
L’arrivée de Liéga, un jeune strigoï, vient bousculer son morne quotidien et le confronter à la vérité.
Et si Lem se trompait, s’il était infiniment plus précieux qu’il l’imaginait…
Si c’était lui qui était en danger…
Dès le prologue, Li-Cam nous jette dans l’action avec la spectaculaire évasion de Lemashtu sous l’égide du nosférat Féhik où nous apercevons les redoutables pouvoirs de Lem. Depuis ce camp roumain qui nous fait immanquablement penser à d’autres, tout aussi sinistres, de notre histoire européenne, nous retrouvons quelques années plus tard Lem dans un établissement d’enseignement londonien très particulier. Nous les avons appelés vampires par commodité, mais ils sont des stryges, des strigoïs et plusieurs classes coexistent avec leurs caractéristiques propres. Des fiches illustrées de crayonnés évocateurs que nous devons à Magali Villeneuve ponctuent ce récit et nous apportent de précieuses informations sur ces créatures qui ont eu leur rôle dans la réalité alternative que nous propose Li-Cam.
En effet, depuis que Vlad Tepes Dracul a joué un rôle prépondérant en repoussant l’envahisseur turc et permis aux stryges de s’allier aux hommes, ils sont devenus des partenaires auxquels il a fallu accorder une place dans la société, jusqu’à ce que l’humanité décide de les reléguer dans des camps. Tous les anciens alliés n’ont pas oublié ce qu’ils leur doivent et c’est ainsi que le Vatican a décidé de leur permettre de retrouver leur place et notamment à celui qui sera appelé à les diriger, à savoir Lem.
L’adolescent ne peut cependant pas se voir dispenser tous ses cours en compagnie d’humains, le risque est trop important pour être pris. Lem souffre de solitude et les quelques jeunes humaines qu’il entrevoit ne manquent pas de susciter certaines émotions bien naturelles à cet âge, à moins qu’il ne s’agisse d’un tout autre appétit. L’arrivée d’un autre strigoï va rompre sa solitude, mais il faudra bien le mêler finalement aux autres élèves, car des extrémistes semblent bien décidés à l’éliminer. Le dissimuler au sein d’un groupe humain aura le double avantage de lui permettre de mieux connaître ces futurs partenaires et d’empêcher les tueurs de verser le sang sacré d’un humain en tentant de tuer le monstre. Un jeune humain, Arthur, qui va d’abord prendre contact avec Lem afin d’être accepté par ses camarades tous issus d’un milieu bien plus favorisé que le sien, va proposer de devenir le guide des deux strigoïs parmi ces humains éprouvant à la fois de la curiosité et de la peur à leur endroit.
C’est aussi l’histoire du monde qui se réécrit ici avec la plume précise de Li-Cam. On ne retrouve pas dans ce récit de surcharge descriptive, mais une écriture harmonieuse qui fait progresser l’histoire sans à-coup. Nous devons la photographie de la couverture à Jean-Emmanuel Aubert qui a à peine retouché cette coupe à motif de dragon rapporté d’un de ses voyages. On sous-estime trop souvent le rôle qu’une couverture peut jouer dans l’acte d’achat d’un livre voire tout simplement pour attirer l’attention d’un lecteur potentiel. Celle-ci évoque avec une grande pureté tout l’univers autour du mythe des vampires et compense largement les termes qui peuvent paraître obscurs dans la quatrième de couverture, mais qui s’éclairciront tous au fil des explications disséminées dans le roman. Une belle découverte qui m’a réconcilié avec nos amis aux dents longues, fascinante à tous points de vue, et qui aura une suite dont j’attends avec impatience la sortie et dont le titre aussi prometteur qu’énigmatique est Insangerat.
Lemashtu
Chroniques des stryges T1
Li-Cam
Couverture : Jean-Emmanuel Aubert
Crayonnés par Magali Villeneuve
Griffe d’Encre Editions
Collection Roman
2009
20,00 €