Dans le second opus de cette série destinée à la jeunesse, Hervé Jubert met une nouvelle fois en scène le fameux Seth, épouvantail sans frontières, génie du mal à l’échelon planétaire, terreur des braves gens comme des gouvernements, en une époque – l’année 2034 – où surviennent des épidémies d’un mystérieux « sommeil noir », et où les armes de destruction massives sont à tel point dévalorisées que l’on peut troquer un bocal de variole contre trois cents bombes thermonucléaires. C’est dire que le terrorisme à grande échelle a de beaux jours devant lui.
« Je n’ai pas choisi le Crime pour faire parler de moi, mais parce que je suis né pour lui donner ses lettres de noblesse », explique Seth avec sa modestie coutumière. Vaste programme. Sa dernière idée en date consiste à faire sauter les fonds sous-marins, libérant des gigantesques réserves de méthane et d’autres gaz dont l’émission ne manquerait pas de réchauffer l’atmosphère d’une bonne dizaine de degrés, avec à la clef les conséquences que l’on imagine. Fort heureusement, le superflic Luther et son ami le journaliste Michel Valogne sont toujours à ses basques. Le premier, entre autres désagréments, échappera de peu à une mort originale, à deux doigts de l’association crucifixion – écrasement par un super tanker, le second découvrira, peut-être, une piste vers un remède au mystérieux « sommeil noir. »
Comme dans Le Livre de Seth , Hervé Jubert ne s’embarrasse pas outre mesure de vraisemblance. Il accumule les péripéties, les surprises et les retournements de situation – qu’ils fonctionnent ou soient tout simplement téléphonés – dans ce qu’il faut considérer, pour l’apprécier pleinement, comme une parodie avouée de romans-feuilletons, de séries télévisées ou de thrillers hollywoodiens. Ainsi, l’aptitude de Seth à se métamorphoser à l’aide d’un simple masque de façon suffisamment convaincante pour tromper jusqu’aux proches des individus imités n’est-elle pas plus vraisemblable que dans les classiques Fantômas ou Mission Impossible. Ainsi, la facilité avec laquelle Seth échappe à tout dispositif de surveillance policière – gageons qu’en 2034, époque à laquelle se déroule l’action, la toile dont disposeront les services de renseignement sera plus étendue et plus fouillée encore qu’elle ne l’est déjà – apparaît elle aussi bien peu vraisemblable.
Mais c’est, justement, ce composite de techniques anciennes – hypnose et déguisements – et d’environnement high-tech qui donne tout son sel à la série de Seth. Un mélange d’invraisemblances et de fantaisie qui est celui de la littérature populaire – et, par extension, de ces séries de B à Z que l’on apprécie en dépit de tout – dont Hervé Jubert parvient à capter l’essence, dessinant à grands traits les stéréotypes pour composer, sans s’embarrasser de détails ou de finasseries, une intrigue sans temps mort.
Gageons que les plus jeunes apprécieront ces aventures, auxquelles nous ferions pour notre part deux reproches mineurs. D’une part, l’humour nous apparaît moins présent que dans le premier volume, comme si ce second tome, de quelques dizaines de pages plus court que son prédécesseur, s’était vu élaguer d’une composante qui nous semble ici faire défaut. D’autre part, le déroulé du roman nous semble quelque peu hétérogène, même si l’on voit se dessiner, tout à fait à la fin, la convergence que l’on attendait, et qui semble augurer de bien d’autres péripéties.
Car on se doute bien que Seth, que la fin de cet ouvrage laisse en bien fâcheuse posture, ne finira pas aussi mal que le dernier chapitre le laisse présager. Les génies du mal, tout comme les héros – ce qu’ils sont d’ailleurs au sens strictement littéraire du terme – ne sauraient disparaître aussi facilement que le commun des mortels. Si Hervé Jubert fait en début de ce roman allusion aux chutes de Reichenbach, dans lesquelles ne disparut le plus fameux personnage de Conan Doyle que pour en ressurgir quelques années plus tard, cela n’a rien de gratuit. Et l’on ne s’inquiète guère pour ce croquemitaine des temps modernes, qui, de façon étrangement modeste, explique qu’il n’est pas un artiste, mais simplement « un artisan qui fabrique de la peur comme un ébéniste monte une commode.» Disons plutôt que l’on est assez curieux, après les armes bactériologiques, les menaces thermonucléaires et le déclenchement de catastrophes écologiques, de savoir ce que vont bien pouvoir encore inventer Seth et ses acolytes, la terrible tueuse Lady Maud Kraven et Gogo la diabolique septuagénaire – et de découvrir, par la même occasion, les parades que le superflic Luther et le journaliste Michel Valogne sauront leur opposer.
Le lien vers la chronique du premier volume, La Règle de Seth :
http://www.emaginarock.fr/la-regle-de-seth-seth-1-herve-jubert/
Le lien vers Magies secrètes, également par Hervé Jubert :
http://www.emaginarock.fr/magies-secretes-herve-jubert/
Le Don des Larmes
Seth T2
Hervé Jubert
Couverture : Manon Bucciarelli
Gründ
14,95 €