Attendu comme le messie de la saga Alien suite à une campagne promotionnelle relayée sans fin par internet et des centaines de suppositions farfelues de fans, Prometheus a souffert d’avoir trop promis malgré lui…
Quelque part au cœur des paysages d’une planète naissante, encore soumise aux soubresauts de ses transformations, un être d’allure vaguement anthropomorphe se tient au bord du gouffre liquide qui éclabousse l’air avec fureur. Il ignore un vaisseau spatial voguant au-dessus de lui, avale le contenu d’une fiole et se liquéfie en tombant dans les flots.
Des milliers d’années plus tard, une équipe scientifique trouve le chaînon manquant à ses recherches : une énième représentation préhistorique d’êtres venus d’ailleurs pour apporter la vie sur Terre et appelant à ce que les humains les rejoignent un jour dans les cieux. Ils parviennent à convaincre un très riche investisseur qui les invite pour un voyage spatial suivant les coordonnées indiquées par les vestiges collectionnés au cours de leurs fouilles. A bord du vaisseau Prometheus, plusieurs scientifiques de tous bords sont là, ainsi que des pilotes chevronnés, quelques militaires, l’héritière de l’investisseur secret et un androïde. Après des mois en sommeil artificiel, l’équipage est réveillé à l’approche du but. Trouver la planète de la destinée ne fut pas le plus difficile, il leur reste encore à l’explorer pour y rencontrer les créateurs de l’humanité. La piste les mène jusqu’à un monticule rocheux. Dans ses entrailles reposent les cadavres des créateurs tant convoités. A mesure que les révélations s’annoncent décevantes puis grisantes et finalement dangereuses un nouvel enjeu se pose : et si ces créateurs les avaient simplement attirés dans un piège ?
Les fans de la saga Alien l’ont entendu, lu, ils ne savent plus où ni quand mais le propos filtrait : ce film serait une manière pour Ridley Scott de revenir sur son Alien et d’en proposer la genèse. Une question se pose de prime abord : est-ce nécessaire d’expliquer le pourquoi du comment d’un film devenu culte justement parce qu’il laisse une large part d’imagination au spectateur (d’autant que Mr Scott lui-même est finalement revenu sur cette rumeur en spécifiant que ce film serait « seulement basé dans le même univers ») ? Partisante du non à cette question, j’ai tout de même voulu voir ce Prometheus, tout simplement parce que c’est du Ridley Scott et que le cœur d’un fan ne rationalise pas.
Evidemment, même si on ne regarde pas ce film avec l’optique liée à Alien, on ne peut y échapper longtemps : l’idée du voyage spatial en sommeil, de la quête des origines et surtout les rappels et clins d’œil qui n’en finissent plus de faire des allusions au grand film culte. Car tout y passe : le décor de l’antre à explorer, le danger représenté par des réceptacles à bêbêtes en sommeil, l’incubation d’un hôte dans les corps de deux des protagonistes, une agent pathogène potentiel sous forme liquide (même si ce n’est pas de l’acide), une plateforme recélant la forme d’un siège de pilotage de taille inhumaine qui fait spécifiquement écho à LA découverte par laquelle tout a commencé dans Alien… et j’en passe !
Que nenni… La vision offerte par Ridley Scott est faussée et elle fausse le supposé lien entre ces deux réalisations. Il n’y a pas de véritable filiation entre Alien et Prometheus, pas d’histoire commune, pas de réponses, seulement des répliques dans les décors, l’environnement recélant les méchantes créatures étrangères capables de pondre dans un corps humains dont la forme est assez éloignée de ce que l’on connaît d’Alien et l’ombre de ces créateurs qui planait déjà dans la mystérieuse grotte dont l’équipage du Nostromo avait dû faire le tour, ramenant un de leur compagnon déjà contaminé par un corps étranger. Mais dans le scénario lui-même, néant. Il n’y a même pas la savoureuse ambiance de non-dits, de silence, qui faisait l’atmosphère savoureuse d’Alien car tout se résume à des mésaventures allant de pair avec l’exploration extra-terrestre, somme toute logiques donc, et à des explications rationnelles pour tout le reste. Prometheus oscille entre essai raté mais plein de bonne volonté d’un bon film de SF et l’incrédule farce à gros budget. Paradoxalement, ce qui sauve le film, c’est la qualité de la photographie, les effets spéciaux, les quelques instants de suspense et les efforts fournis par l’équipe d’acteurs qui y croit plus que le spectateur. La palme pour Michael Fassbender dont le rôle est sans nul doute le seul qui sort du lot mais manque cruellement d’exploitation scénaristique.
C’est insuffisant pour laisser une bonne impression, d’autant que certains acteurs, Charlize Theron en tête, semblent ne faire que de la figuration esthétique tant leur rôle est sans intérêt aucun, à tel point qu’ils disparaissent tous en moins de cinq minutes en fin de parcours (crédibilité 0), de même pour les scènes quelque peu sanglantes, « avortement » d’un corps étranger sans anesthésie notamment sur lesquelles le film s’attarde sans que cela lui apporte grand-chose (en dehors de louer la qualité des effets spéciaux encore une fois). L’ensemble se termine avec une précipitation digne d’un manque d’argent ou d’imagination qui ne plaît qu’à un public bon-enfant mais certainement aux fans du genre.
En dépit de nombre d’efforts louables, et même en oubliant la filiation voulue-non-voulue avec Alien, Prometheus ne tient aucune de ses promesses, il reste à peine un divertissement passable. La preuve s’il en était besoin qu’une avalanche de capitaux et de technologie esthétique ne suffit pas à faire un grand film, quand elle ne nuit pas carrément. Une grande déception pour beaucoup, un coup donné à la réputation d’un Ridley Scott pourtant si habitué au succès.
Et si en plus je vous confirme qu’un second opus est en préparation… ?
Prometheus – Ridley Scott
Noomi Rapace, Charlize Theron, Michael Fassbender, Guy Pearce…
Sortie France : 2012
Disponible en DVD