Le Destin des Morts – Jean Pierre Favard

Nous avions lu de Jean-Pierre Favard un amusant petit roman « Sex, drugs ans Rock’n Dole » qui parvenait à conjuguer, à travers le destin de personnages parfaitement rendus, une bonne dose d’humour et une histoire passablement horrifique. Ce récit, publié aux éditions « La Clef d’Argent » en fin d’année 2010, s’est depuis lors taillé un succès critique mérité. Il y a peu, Jean-Pierre Favard a publié chez le même éditeur un second volume, de nouvelles cette fois-ci, intitulé « Belle est la bête », dont les premières appréciations sont également positives. La sortie concomitante chez Lokomodo d’un autre recueil de nouvelles, « Le Destin des Morts », s’inscrit donc dans une riche actualité pour l’auteur.

« Mauvaises vibrations » met en scène deux randonneurs qui, à l’approche du crépuscule, plutôt que de retourner à un point de départ dont ils se sont inconsidérément éloignés, décident de passer la nuit dans une demeure à l’abandon. Une maison qui, en pleine forêt, leur apparaît de manière bien trop opportune – un hasard qu’ils n’ont pas la perspicacité de considérer comme suspect. Leur repos ne sera, on s’en doute, pas tout à fait celui auquel ils s’attendaient. Une variante intéressante et horrifique sur un thème – la maison hantée et maudite – que l’amateur du genre retrouve toujours avec plaisir.

« Ghost’n’Roll Baby » décrit les mésaventures d’un groupe de rockers que leur imprésario, pour  soigner leur image et stimuler leur créativité, envoie passer quelque temps dans une maison hantée. Du moins est-ce très exactement ce que garantit l’agence de location, spécialisée dans les demeures peuplées de fantômes. Entre le rock’n’roll et l’incrédulité, entre la rationalité des musiciens et les évènements inexplicables se tissent peu à peu des liens étranges. L’alcool, les joints et les apparitions ont tout pour élaborer un cocktail étonnant, d’autant plus que les motivations de l’imprésario n’étaient peut-être pas toutes clairement affichées. Si les ingrédients de « Sex, drugs ans Rock’n Dole » –  la musique, les personnages légèrement barrés, les situations horrifiques ou cocasses –  sont bien là, le récit fonctionne un cran en deçà du roman, la faute sans doute au format un peu court, qui n’a pas laissé à l’auteur le loisir d’installer pas à pas ses ambiances ou de donner plus d’épaisseur à ses personnages. L’histoire fait donc frémir, mais peut-être pas autant qu’elle aurait pu, les personnages font sourire, mais peut-être pas autant qu’ils auraient dû. Un fantastique « rock’n’roll » toutefois plaisant, qui met en scène des rockers bien plus futés qu’ils ne paraissent et propose une happy-end inattendue.

« La seconde mort de Camille Millien », roman de près de deux cents pages, offre à l’auteur le format idéal pour développer son intrigue. Situé à la croisée du conte fantastique et de l’intrigue policière, ce récit, s’il met en scène des personnages contemporains, fait néanmoins appel au riche terreau historique du Morvan : sorcière, galipote, vouivre, légendes féodales interviennent à des degrés divers dans les recherches menées par les protagonistes qui essayent de comprendre ce qui se passe dans cette vieille maison de famille. Car, si certains membres ce petit groupe d’étudiants en vacances carburent plus à l’alcool ou au cannabis qu’à l’intellect et l’érudition, les autres au contraire n’hésitent pas à se plonger dans la riche bibliothèque de la demeure – depuis des textes mythiques et anciens jusqu’aux traités de Camille Flammarion –  pour y trouver des explications aux phénomènes incompréhensibles concentrés autour de ce vieux domaine. Par leur intermédiaire, Jean-Pierre Favard offre au lecteur de riches perspectives sur l’histoire druidique, et donne au récit toute sa densité, entraînant avec lui le lecteur dans cette enquête surnaturelle. De surcroît, il parvient à redistribuer à plusieurs reprises les cartes sans que cela ne paraisse jamais artificiel, et prend soin, indépendamment d’un joli coup de théâtre que seuls les plus perspicaces verront venir, de garder en permanence une longueur d’avance sur son public.

L’ouvrage se termine enfin avec « L’Architecte », une micro-nouvelle de quatre lignes, amusante trouvaille elle aussi sur la thématique de la maison hantée.

Au total donc une micro-nouvelle, une nouvelle, une novella, un roman : quatre textes pouvant tous être rattachés de près ou de loin au même thème, et qui forment donc un tout cohérent. Les amateurs de fantastique hexagonal contemporain, et plus encore ceux qui ont apprécié « Sex, drugs and rock’n Dole », retrouveront avec plaisir la patte de Jean-Pierre Favard pour ce joli petit volume agrémenté d’une élégante couverture de Jimmy Kerast. Démonstratrice sans sombrer dans la surenchère, effrayante et sobre à la fois, avec un mélange de jaunes et de gris évoquant lumière, ténèbres, et sépia des époques passées, elle illustre avec à propos la thématique commune aux récits de l’auteur.

Le Destin des Morts

Jean-Pierre Favard

Couverture : Jimmy Kerast

Lokomodo

7 euros

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