J’ai découvert la plume de Jérôme Sorre à l’occasion de la publication chez Malpertuis des deux recueils du Club Diogène, que j’avais d’ailleurs particulièrement appréciés pour leurs intrigues passionnantes et leur charme désuet. Écrivant ces aventures avec son compère Stéphane Mouret, j’étais curieux de découvrir ce qu’il pouvait proposer de sa seule plume. C’est donc avec plaisir que je me suis plongé dans les nouvelles de Cellules, au titre envoûtant…
La couverture reprend une partie d’un tableau d’Artur Grottger datant de 1864, intitulé Forêt vierge. Inquiétante à souhait, cette image propose à merveille une brève immersion dans un univers fantastique effrayant. Cela est d’ailleurs d’excellent augure pour la lecture qui va venir ensuite.
Les dix récits que vous trouverez ici racontent les errances souvent cruelles de personnages que l’on a préféré enfermer dans un recueil, pour l’éternité.
Ces êtres, ces choses, frappent sans relâche aux murs de papier de leurs cellules. Ils ruminent leurs souffrances, leur monstrueuse folie. Ils gesticulent, se remémorent leurs histoires, pour tenter aussitôt de les arracher de leur mémoire, en vain.
Seuls dans la multitude, ils ne font plus attention aux gémissements des autres captifs qui hantent les pages voisines.
Prenez le livre et tous se tairont, le souffle court, dans l’attente de savoir quelle cellule vous aurez choisi d’entrouvrir.
C’est la seule liberté qu’il leur reste: être lu.
Jérôme Sorre a su, en quelques pages, m’entraîner dans son univers. D’une plume sûre et affutée, il trace avec son premier récit, Le Monstre, une ligne directrice de son recueil qu’il ne démentira pas : nous allons être face à du très grand fantastique. Et chacune des dix nouvelles présentées ici vont vous emmener sur autant de territoires imaginaires qui devraient vous enjôler.
Je vais vous présenter mes quatre textes préférés car je pense qu’ils méritent vraiment un espace à part dans cette chronique du fait de leur qualité. 151 vagues d’écume est un texte particulièrement poétique, qui met en avant un fantastique classique mais qui fonctionne néanmoins à merveille. Un simple élément va venir prendre une place prépondérante dans la vie du personnage principal, le menant sur une voie dangereuse… Anonymes est un texte frappant par son classicisme avec une composante suffisamment effrayante pour faire réfléchir le lecteur. Le Monstre, premier texte du recueil, nous emmène au cœur du mythe du vampire, lorsqu’un enfant devient monstre par désir de puissance. Il s’agit selon moi du meilleur texte de Cellules, qui comporte pourtant beaucoup de perles… Et je termine avec La Nuit des Murailles, texte atypique et inquiétant qui pose la question de l’étranger et de ce que l’on ressent lorsque l’on est repoussé. Où aller lorsque le monde entier risque de vous rejeter ?
Même si je ne parle que de mes quatre textes préférés, rassurez-vous, la qualité est constante au fil du recueil. Aucun texte ne m’a paru surfait ou inutile, même Les Fiançailles de Julie, qui est pourtant extrêmement court (trop peut-être…). Le style de Jérôme Sorre est parfaitement adapté au fantastique qu’il développe, avec quelques incursions vers des univers féériques plus proches de la fantasy. Il jongle avec les barrières entre genres avec une facilité déconcertante.
Pour conclure, je dirai que si vous voulez à la fois lire un bon titre de fantastique et soutenir un petit éditeur extrêmement dynamique, je ne peux que vous inviter à découvrir les fantasmagories de cet auteur aux multiples facettes, capable de vous proposer le fantastique le plus sombre tout en développant un humour noir et un cynisme fort sympathique… A recommander dans tous les cas !
Cellules
Jérôme Sorre
La Clef d’Argent
12 €