Mnémos est une maison qui a toujours aimé, de loin en loin, publier des auteurs étrangers, mais pas uniquement anglo-saxons, ce marché étant déjà surchargé. C’est donc un auteur espagnol qu’ils nous proposent de découvrir et j’ai été particulièrement surpris de découvrir un des personnages emblématiques de la littérature anglaise en son sein : Sherlock Holmes. Etant d’origine un fervent admirateur de l’enquêteur de Londres c’est avec un œil circonspect que j’ai regardé ce roman et sa couverture. Il est vrai qu’il est toujours difficile d’adapter un personnage lu par des millions de lecteurs sans pour autant déroger au canon qui a été créé autour de lui. Et en ce qui concerne Holmes ce mouvement comprends nombre d’associations dites Holmésiennes qui consacrent une partie de leur temps à l’étude approfondie des textes de Conan Doyle. Avant d’entamer cette lecture j’ai tenté de retrouver un esprit libre de tout jugement afin de ne pas entacher l’avis que je pourrais donner ici. Plongeons donc en compagnie de Holmes, Watson et Conan Doyle dans les ténèbres que Rodolfo Martinez a su nous réserver…
Commençons par la couverture. Sobre s’il en est elle mets en scène Holmes dans sa tenue classique dans un tunnel obscur et devant lui apparaissent des tentacules… Signée Benjamin Carré cette couverture mets le lecteur dans l’ambiance ténébreuse du Londres de cette fin de XIXème siècle que nous allons avoir le plaisir de parcourir aux côtés de Holmes, à travers des histoires réellement pénétrées d’ésotérisme et de croyances anciennes…
Le plus surprenant dans ce livre c’est qu’il ne s’agit pas d’un roman à part entière. De la même manière que Conan Doyle, Rodolfo Martinez manie le principe de la novella avec un art consommé et parvient en trois (peut-être quatre finalement,…) histoires à nous faire vibrer à l’unisson de ses personnages.
L’ouvrage commence avec l’histoire qui aurait permis à Rodolfo de retrouver des manuscrits de Watson jamais publiés du fait de l’invraisemblance de leurs scénarios, peut adaptés à l’univers très « carré » du détective. Plaisante, cette mise en bouche créé un univers autour du livre qui, même si cela a déjà été fait de nombreuses fois, permets à l’auteur de justifier son emprunt des personnages.
Commence ensuite la première histoire, la plus longue, sur le format de la novella. Intitulée La sagesse des morts, et prêtant ainsi son nom à l’ouvrage, elle nous propose de suivre les traces du livre de l’arabe dément Abdul al-Hazred, intitulé Al Azif ou plus couramment, Necronomicon. Au cours de cette aventure des personnages tels que Conan Doyle font leur apparition. Pour sa part il est en fait l’agent littéraire de Watson et est très versé dans les domaines occultes avec sa participation à la Golden Dawn, société secrète protégeant le Necronomicon. C’est dans une aventure haletante que nous sommes engagés sur les pas des deux enquêteurs et la fin nous offrira une étrangeté rare, menant peut-être à une rencontre avec le Diable qui sait…
Le second texte est plus une nouvelle. Depuis la Terre au-delà de la forêt est un texte frappant car il reprend une histoire bien connue, celle de Dracula par Bram Stoker pour intégrer Holmes et Watson de façon particulièrement intéressante. Sous nos yeux ce sont donc Van Helsing, Harker, Holmes, Watson et Dracula qui vont s’animer et nous proposer une fin à la ténébreuse histoire originale de l’écrivain anglais. Une sorte de petite suite pleine de rebondissements.
Le troisième est dernier texte correspond plus aux standards holmésiens classiques avec une enquête sur un meurtre particulièrement sordide où le fantastique a finalement peu sa place. Mais finalement ce n’est pas plus mal puisque le lecteur va pouvoir se replonger dans une sorte de normalité qui permettra de quitter l’ouvrage avec d’excellentes impressions.
Impressionnant est le seul mot que j’ai trouvé pour caractériser ce livre. Après le premier scepticisme qui m’a envahit la surprise fut grande de découvrir l’univers de Sherlock Holmes reprendre vie de manière parfaite devant mes yeux. Rodolfo Martinez parvient à merveille à la fois à reprendre le flambeau de Conan Doyle et à créer sa propre vision de l’univers, tout cela sans entacher le moins du monde l’œuvre originale. Il fait réellement vibrer le lecteur au fil des pérégrinations de ses personnages et l’on lit avec avidité les pages. J’ai personnellement eu beaucoup de mal à m’arrêter dans mes lectures car je voulais toujours en savoir plus, l’auteur distillant ses informations au compte-goutte avec un savoir-faire consommé.
Seul bémol, car il en faut toujours un malheureusement : la couverture ne correspond pas totalement aux péripéties vécues par le lecteur. Elle reste parmi les plus réussies de celles qu’ils ont publiées mais ils nous habitués à des couvertures en phase totale avec le roman alors que là ce n’est pas le cas.
Je ne connaissais absolument pas la littérature imaginaire espagnole et je dois dire que si elle correspond dans les grandes lignes à ce que fait Rodolfo Martinez je n’ai qu’un hâte, en découvrir plus. La sagesse des morts est un titre rare qui me pousse à confirmer ce que je pensais : Mnémos est une des grandes maisons du genre en sachant proposer des titres réellement innovants et capable de surprendre les lecteurs au-delà de certains poncifs de la littérature anglo-saxonne, pouvant s’avérer redondants… Merci à leur équipe d’avoir su proposer cet excellent moment de lecture car le plaisir que j’ai pris à parcourir ces quelques 280 pages n’a pas de prix.
La sagesse des morts
Rodolfo Martinez
Collection Dédales
Mnémos
22 €