Il est toujours difficile de chroniquer une anthologie, car tout un chacun a son avis sur tel ou tel texte avec lequel il aura plus ou moins d’affinités. Comme je ne me considère pas comme un critique ayant la science infuse je ne peux que tenter de faire partager mes nouvelles coup de cœur et celles qui m’ont moins parlé. Et ce qui est assez drôle à voir c’est que ce sont souvent les mêmes auteurs qui reviennent de manière cyclique. Dans le cas de Pouvoir et Puissance la thématique a visiblement inspiré nombre d’auteurs qui n’ont eu de cesse de proposer des textes les plus aboutis possibles. Mais pourquoi un tel thème ? Parce que les littératures de l’imaginaire se prêtent particulièrement bien aux jeux de pouvoirs, aux moments de puissance et de déchéance que sauront vous décrire les visions des seize auteurs mandés ici par la puissance des éditions Sombres Rets. Entrons donc dans ce kaléidoscope surprenant de profondeur.
Il est souvent de règle de dire que les anthologies proposent des textes de qualités variables et qu’il est parfois pénible de voir une dizaine de textes plus ou moins entourer une véritable pépite. De manière étonnante Cyril Carau a su ici proposer un éventail suffisamment large pour satisfaire les amateurs des différents genres.
Mais commençons par la couverture. Signée Alain Mathiot elle parvient à exprimer un aspect assez difficile de la thématique. Même si les implications des différents personnages, et plans viennent conter une véritable histoire j’ai eu beaucoup de mal à me faire à celle-ci. D’une qualité technique certaine un je ne sais quoi est venu me déranger. Je n’ai d’ailleurs toujours pas déterminé quoi… Peut-être cette obscurité omniprésente, qui sait… Le fait est que l’ensemble est harmonieux et devrait satisfaire le lecteur.
Entrons donc maintenant dans le vif du sujet avec les textes à proprement parler. La préface m’a paru assez fastidieuse puisque Cyril Carau part d’emblée sur des thématiques philosophiques qui ont failli me faire lâcher la lecture d’entrée de jeu. Dommage. Mais il ne faut pas s’arrêter à une préface pour juger un livre. Découpée en quatre parties cette anthologie propose différents regards sur la thématique : « A n’importe quel prix », « Cet allié qui vous trahit », « Besoin vital et transcendance », et pour finir « Des visages de l’absolus ». Autant de titres poétiques qui invitent à partir dans des voyages lointains.
Je ne vais pas vous faire un point nouvelle par nouvelle, car il y en a trop et cela deviendrait rapidement fastidieux, mais simplement vous sélectionner celles que j’ai trouvées les meilleures.
La première que j’ai sélectionnée est Aboulanol de Charlotte Bousquet. Je sais certains d’entre vous diront que j’ai un faible pour cette auteure et cela n’est pas faux tant sa plume parvient à me faire voyager dans son univers. Cette histoire de médicament permettant de soumettre autrui est génialissime et la conclusion est un pur moment de plaisir.
Heroic Anonymous d’Estelle Valls de Gomis est un peu plus particulier dans ses tenants et aboutissants, mais se lit très bien. Cette idée de psy pour héros est très bien montée bien qu’un peu courte à mon goût.
Stabat Mater de Céline Brenne fait également partie de mes préférées à de nombreux titres. Dans une pure lignée fantasy elle nous propose un affrontement pouvant tourner à l’épique où finalement la conclusion n’est pas celle que l’on attendait. Le sacrifice n’est-il pas nécessaire au pouvoir ?
Change-peaux d’Elie Darco est, je crois, la nouvelle la plus longue de l’anthologie. Elle est surprenante par plus d’un aspect. Il est difficile de la classer même si je dirais plutôt que c’est un récit Fantasy décrivant une société préhistorique. Je ne développe pas trop l’histoire pour éviter de spoiler, mais l’inattendu est au bout du chemin et vous pourrez vous rendre compte que le pouvoir est un allié très dangereux.
Pour terminer ce tour d’horizon, je citerais Le standardiste de David Osmay qui, dans la catégorie SF ou plutôt anticipation, surprend réellement par sa pertinence.
Point fort de cette anthologie, les illustrations qui par nombre de deux accompagnent les nouvelles. Cela fait vraiment plaisir de découvrir une vision de l’univers que l’on lit et même si certaines semblent parfois hors de propos elles parviennent à se faire une place importante dans le cœur du lecteur.
Pouvoir et puissance est un premier essai pour les éditions Sombres Rets dans le genre de l’anthologie. Dire que c’est une réussite serait un euphémisme, car chaque nouvelle, y compris celles que je n’ai pas citées valent le détour. Seul vrai bémol : une qualité de correction orthographique à revoir sur certains textes. Par trop inégale celle-ci vient par exemple gêner sur la nouvelle Bémol tragique ou la fin des chantres qui est pourtant une nouvelle très réussie.
Succès donc pour Pouvoir et Puissance qui a su allier à la perfection image et texte, fantasy, fantastique ou encore science-fiction et anticipation. Espérons qu’elle saura trouver son public, car le fait qu’une jeune maison parvienne à sortir une anthologie possédant une telle linéarité dans la qualité de ses textes est rare…
Pouvoir et Puissance
Cyril Carau (dir.)
Editions Sombres Rets
Collection Quêtes & Présages
17 €