Seconde anthologie liée au sexe à sortir en ce moment, Chasseurs de Fantasmes se veut d’une ouverture plus poussée que ce que proposait 69 chez ActuSF. Les auteurs ont eu une seule consigne : « Ecrivez une histoire de SFFF (science-fiction, fantasy, fantastique pour les novices) qui comporte du cul assumé, sans voiles, que les ciseaux du censeur ne pourraient retrancher sans faire perdre tout son sel à l’histoire racontée. » Vaste programme… Et de nombreux auteurs ont répondu à cet appel puisque voici le sommaire qui est loin d’être anodin : Ayerdhal, Jean-Michel Calvez, Leni Cèdre, Lucie Chenu, Jean-Claude Dunyach, Benoît Giuseppin, Li-Cam, Sable & Sinople, ML Schultze, Anne Viélan et Christian Vilà. Des auteurs qui ont tous été publiés une ou plusieurs fois et dont les textes promettent une vaste aventure dans l’antre du sexe imaginaire, où les passions les plus débridées seront assouvies.
Commençons avec la couverture. Signée Zariel, l’un des illustrateurs fétiches des éditions Griffe d’encre, elle met en place dès que l’on voit le livre une sorte d’alchimie autour de ce qui va se produire en lisant ce livre. La tâche d’encre, la femme nue et la plume relève d’une représentation imagée du fait que cette anthologie va faire tache dans le paysage de l’imaginaire, que le sexe sera le motif et que de grandes plumes ont pris la peine d’écrire ici. Je sais que ma vision peut paraître un tantinet capillotractée mais l’ensemble est harmonieux et se place à merveille au milieu de cette collection d’anthologies que Griffe d’encre propose. La mascotte de la maison d’édition poursuit également ses aventures de manière assez comique, je vous laisserai le soin de le découvrir… Nathalie Villeneuve propose à chaque fois une vision très particulière mais dans la thématique de ce pauvre petit félin.
Penchons-nous maintenant sur le cas du contenu à proprement parler : onze nouvelles, chacune dans son univers, nous propose de découvrir ce que peut être le sexe dans la littérature de l’imaginaire. Car ne vous leurrez pas : là où l’anthologie d’ActuSF propose un érotisme savamment distillé, vous aurez ici du sexe à l’état brut. Alors bien sûr, l’imaginaire y tient une part non négligeable mais si l’on ôte toute sexualité des textes, on en perd la saveur. N’était-ce pas là le but des anthologistes ?
Et pour avoir atteint leur but, on peut effectivement dire que c’est le cas. L’anthologie débute doucement avec un texte d’Ayerdhal doux et vaporeux traitant d’une sorte de succube qui vole les années de vie de ses proies sexuelles. Riche en description, avec un style tout en descriptions intimes, on parvient à obtenir une alchimie qui laisse augurer du meilleur pour la suite.
Je vais donner ici mes textes préférés car il serait difficile de décrire chaque nouvelle tant elles pénètrent le lecteur de sensations et de pensées diverses. De plus, tout un chacun trouvera ici ses propres pépites et mon avis n’appartient qu’à moi.
La nouvelle la plus étrange et la plus déviante est celle de Christian Vilà, intitulée Les Autres, qui clôt l’anthologie. Son histoire de science-fiction sexuelle, teinté de sadomasochisme et de cannibalisme, fait frémir à la fois de plaisir mais aussi de diverses autres sensations difficiles à décrire. Pour autant, la lecture se fait toute seule tant on trouve de qualités littéraires à ce texte. Elle clôt à merveille l’anthologie avec une teinte de mélancolie. Elle nous oblige à refermer les nouvelles et cela en soi est un déchirement.
Autre nouvelle phare de cette anthologie : Simulation LOVE de Li-Cam. Dire que cette nouvelle est spéciale est un euphémisme tant elle se dégage des sentiers explorés par les autres auteurs : dans le futur, un outil de stimulation sexuelle est testé sur des volontaires et ils n’en sortent pas indemne. Je n’en dis pas plus car il serait trop facile de déflorer l’intrigue.
La construction de la nouvelle Naufrage de Sable & Sinople est également un petit bijou. Elle parvient à merveille à rendre compte d’une histoire, de deux visions,… Intéressante bien que déroutante, elle fait à coup sûr partie des bons moments de cette anthologie.
(R)EVE de Lucie Chenu est un autre de mes textes préférés. Particulièrement bien écrit, je ne vous dis rien sur le scénario afin de préserver le suspens mais sachez que le tournant n’est pas toujours celui que l’on pense…
A défaut de préface c’est à une postface que Jeanne-A Debats nous convie. Avec son titre assez drôle : « La post face cachée de la lune… », nous entrons dans les coulisses de cette anthologie, découvrant les motivations des deux anthologistes et de la maison d’édition à sortir un tel titre dans une France bien pensante où les textes aseptisés du type Twilight viennent convaincre des générations de jeunes que le sexe c’est mal. Or s’il y a bien une chose à retenir de cette anthologie, c’est que la sexualité est une bonne chose et que pour être plaisante, elle doit être bien pratiquée. En cela, pensez à faire attention à vos partenaires car on ne sait jamais quel succube se cachera sous les draps…
Chasseurs de Fantasmes atteint son but : être une anthologie de sexe pur qui réjouira le lecteur tout en montrant que les êtres imaginaires créés par nos chers auteurs ne sont pas asexués, loin s’en faut. Même si je n’ai pas parlé de toutes les nouvelles, il faut préciser que toutes atteignent un niveau de perfection littéraire surprenant. Je cherche encore celle qui ne m’a pas plu… En poussant la dernière page de cette anthologie, on a finalement un petit goût de reviens-y en bouche, pas désagréable du tout. Finalement, n’est-ce pas le but de ce type de livres : explorer un territoire vierge, déflorer l’esprit du lecteur et lui faire ressentir la jouissance finale dans une extase littéraire ? Eh bien Chasseurs de Fantasmes est le livre qu’il faut pour cela !
Chasseurs de Fantasmes
Jeanne-A. Debats & Michaël Fontayne
Griffe d’encre
15 €