Le groupe de deathcore le plus productif de la planète nous revient à peine un an après leur dernier album avec un nouvel EP, intitulé Dethmask Pt 3. Celui-ci comme son nom l’indique vient clôturer une trilogie d’EP débutés en 2020 et qui ont produits moults singles largement validés par les fans. Comme souvent, l’EP a été annoncé très peu de temps avant sa sortie, autoproduit et accompagné d’un merchandising spécifique qui a vite été dévalisé. Petit bijou plein de surprises sans pour autant dénaturer leur direction artistique, DARKO US nous livre cet EP comme un joli cadeau imprévu, une agréable surprise avec un léger goût de trop peu.

Force est de constater qu’encore trop peu de personnes connaissent la formation américaine de DARKO US et leur musique. Ce duo particulièrement prolifique est composé de Josh Miller (ex batteur de EMMURE et désormais batteur de CHELSEA GRIN) à l’instrumental et de Tom Barber au chant (chanteur de CHELSEA GRIN). Un duo qui propose une variation très particulière et moderne du deathcore, que j’utilise souvent comme exemple à ceux qui osent me dire, « mouais le deathcore c’est quand même toujours la même chose ». Et si ce projet autoproduit semble être un terrain de jeu et d’exploration musicale pour les deux musiciens, DARKO US attire aujourd’hui nombres de collaborations de la scène Core comme en témoigne le dernier album Starfire et rassemble également une quantité croissante de fans et d’auditeurs sur les plateformes de streaming. Starfire donnait ainsi un formidable sentiment de liberté artistique, d’aboutissement, qu’il s’agisse de sa longueur et du nombre de titres, de la DA, comme des nombreux featuring avec Marcus Bridge (NORTHLANE), Marc Zelli (PALEFACE), Garett Russell (SILENT PLANET) ou encore SCARLXRD… A peine sorti, et consommé par le public, voilà que le compte Instagram du duo est vidé et se prépare à accueillir le nouvel opus Dethmask pt 3. Il avait été précédé par la sortie du single « Bloodhost », issu de l’EP pour Halloween 2024, accompagné d’un long clip sous forme de court métrage en mode slasher, très graphique, très violent mais particulièrement bien réalisé. Malgré tout, je ne suis pas la seule à m’être dit qu’il était parfois un peu difficile de suivre les nombreuses sorties de DARKO US. Je leur pardonne, la surprise m’a fait plaisir, mais prévenez-nous les gars la prochaine fois !
Dethmask est donc un projet sur 3 EP dont la conclusion sous une forme particulièrement brutale vient de nous être apportée avec ce dernier opus. La partie 1 sortie en 2020 et la partie 2 sortie en 2022 proposaient chacune 7 titres et beaucoup de pépites comme « Future Doom » ma petite favorite des EP précédents. La même violence impitoyable, sans aucun répit mais avec un EP un peu plus long cette fois et dont le mixage, la direction artistique et la composition ont atteint une forme d’aboutissement et de raffinement à l’image de l’évolution de DARKO US. Dethmask Pt3 parvient à la fois à s’insérer dans la trilogie éponyme tout en conservant la qualité et la richesse du précédent album Starfire, fruit du travail de Josh Miller et Tom Barber mais bien sûr aussi du mixage de Matt Thomas/Ash Tone Audio comme les précédents opus. On note tout de même une évolution concernant le graphisme et la DA des pochettes, avec une imagerie plus lumineuse et plus complexe aussi, qui contrastent avec les Pt 1 et 2. La partie graphique on la doit à Matthew Collamore et Rui Carneiro (ruiplrc_design) qui ont déjà travaillé sur les précédents albums et EP de DARKO US. J’avais vraiment adoré ce qui avait été fait pour l’album précédent Starfire et les ambiances proposées à chacun des singles. Et je vous encourage à aller jeter un œil au travail de ces artistes qui collaborent avec de nombreux autres groupes des scènes deathcore et metalcore actuelles.
Musicalement on est sur du DARKO US tout ce qu’il y a de plus DARKO, vous ne serez pas complètement dépaysés mais ça ne signifie pas pour autant qu’il n’y a rien de surprenant. Le groupe a retenu de l’album Starfire les ajouts réguliers de sample électro et issus de films, les parties plus mélodiques et douces intercalées entre des morceaux extrêmement brutaux, une atmosphère parfois plus lyrique ou éthérée. On ne perd cependant pas ce qui fait la particularité de leur deathcore impitoyable, leurs rythmiques insensées tant à la batterie qu’à la guitare, un son brutal et le scream ultra violent de Tom, le tout mêlé aux inspirations électro, cinématographiques, rétrofuturistes, etc. Ils proposent aujourd’hui une variation moderne et raffinée du deathcore qui a clairement offert un vent de fraicheur dans la scène actuelle. Finalement la seule chose que je regrette, c’est de ne pas pouvoir profiter de leur musiques ur scène. Le groupe ou plutôt duo n’a pas prévu de jouer en live et je me console comme je peux en les voyant jouer ensemble dans CHELSEA GRIN que Josh Miller a rejoint l’année passée.
L’EP s’ouvre sur le morceau sobrement intitulé « Introduction ». Le morceau particulièrement court démarre sur une ambiance de rue ou de bar dansant, un public qui hurle et scande DARKO. La musique transitionne vers un son plus électro et un présentateur annonce le groupe au micro, présentant Tom Barber et Baby J (Josh Miller) venus « d’une autre galaxie », à la manière d’un chauffeur de salle. Invitant le public à les acclamer, le morceau se conclue sur leurs applaudissements et leurs cris.
Ça enchaine immédiatement sur « Mallet Pulse », dont la rythmique terrible évoque une arme automatique. La mélodie laisse un sentiment d’oppression et d’angoisse et est interrompue régulièrement par des annonces d’une voix de femme, des hurlements de terreur, des bruitages et sonorités électro et se conclue par un passage drum’n bass très cool, accompagné du scream aigu de Tom.
« The Chain hand » débute plus doucement avec une voix très éthérée de femme. Le rythme s’accélère de nouveau pour suivre le scream de Tom. Le rythme est plus martial et une mélodie plus lumineuse interrompt le morceau avec un chant clean. Une voix de femme lance un « goodbye » avant d’enchainer sur un break très lourd. Cette voix très artificielle rythme le morceau et donne une atmosphère très futuriste. La chanson se conclue par une accélération impitoyable du rythme et un scream longuement soutenu avant une fin brutale.
« Blood Host » est le premier single de l’EP sorti à Halloween 2024. Le morceau est accompagné d’un clip très graphique, construit comme un court métrage d’horreur violent. Les cassures continuelles de rythme et la mélodie lancinante accompagnent les scènes de meurtres et de poursuite. Le bruitage de tronçonneuse a un petit côté presque kitsch mais qui colle parfaitement à l’ambiance de vieux films d’horreur. La double pédale martèle impitoyablement sur un passage plus mélodique et lumineux ce qui donne un contraste intéressant avant le breakdown de fin. Je vous recommande d’aller regarder le clip, la structure du morceau prendra alors tout son sens.
Après la fin très douce du morceau précédent, « Have You Ever » enchaine avec violence et un son encore plus brut. La chanson a un groove vraiment génial auquel il est impossible de résister. Les riffs de guitare sont accompagnés cette fois ci de manière littérale par le bruit des armes à feux. Le morceau est en featuring avec Keilokei chanteur de guetto metal, savant mélange de rap, trap et deathcore. Celui-ci s’était illustré auprès de DARKO US en gagnant leur concours de cover du morceau « Bloodhost » quelques mois avant la sortie de l’EP. Joli accomplissement pour lui ! Mais il y a aussi un autre chanteur en featuring sur cette chanson, beaucoup plus jeune, Caleb Douthett, 15 ans à peine. Il s’était également fait remarquer lors de ce concours avec sa cover impressionante de « Bloodhost », interprétée sans micro ni mixage de la voix ! Je trouve vraiment génial cette initiative de Josh et Tom via ce concours de cover, de leur avoir offert la possibilité de participer à l’EP et surtout d’enregistrer à leurs côtés.
On enchaine avec ma petite préférée, « Supra ». Elle démarre avec une petite voix japonisante proche de celle qu’on entendait déjà à plusieurs reprises sur l’album précédent Starfire. Le rythme est juste indécent, ne laisse aucun répit avec des effets particulièrement lourds sur la batterie. Comme les chansons précédentes la mélodie lancinante entretient une ambiance inquiétante. Le breakdown certes traditionnel mais bien violent laisse la place à la petite voix et le morceau se conclue brutalement. Le morceau est également accompagné d’un clip réalisé par Norbert Crowfield à qui ont doit également le clip de « Bloodhost ». On y retrouve l’ambiance des clips des précédents opus, malsaine, tourmentée, entre bad trip et film d’horreur, drogues et créatures inquiétantes.
« Gizamachi » propose une pause après ce déchainement de violence. Une voix commente l’EP annonçant qu’il s’agit à la fois d’une fin et d’un commencement. La mélodie flirte constamment entre une atmosphère triste, mélancolique et une ambiance plus torturée. En fond, on entend quelques rappels des rythmiques et mélodies des morceaux précédents.
L’EP se termine avec le morceau « Grim Reaper and a Uzi », qui tranche complétement avec le reste des chansons. Mélodie au piano, batterie plus épurée, un rythme doux, une voix féminine en clean, avec une atmosphère étrangement lumineuse. Cette jolie voix en clean, toute douce, légèrement soufflée, c’est celle de Layzi, une chanteuse de pop lo-fi, que je découvre avec cet EP. Le featuring est surprenant mais je suis toujours charmée par ces morceaux très originaux que DARKO US est capable de produire. Le groupe réussit en effet à introduire des chansons qui n’ont rien du deathcore mais dont l’ambiance et la composition s’accordent à merveille avec le reste des titres. Loin de proposer une balade que l’on zappe dans un album parce qu’elle est trop décalée, il s’agit plutôt de moments de calme et de respiration, un peu méditatifs qui rendent leur musique si particulière. J’aime beaucoup cette conclusion apportée à la fois à l’EP et à la trilogie Dethmask.
Finalement, ce sont Josh et Tom qui en parlent le mieux à travers leur musique. Dethmask Pt 3 est bien à la fois une conclusion et un commencement. La conclusion d’une trilogie amorcée en 2020 avec leur tout premier EP et le commencement de la suite à donner au projet DARKO US. Ils ont en effet démontré jusqu’à présent une incroyable productivité avec ce projet pourtant parallèle à leurs groupes principaux, dont CHELSEA GRIN. Autoproduits, particulièrement libres, j’adore voir à quel point ils sont capables de toujours repousser les limites de leur style et surprendre à chaque nouvel album. Le précédent, Starfire reste mon album préféré de 2024 et j’avais peur de la direction qu’ils pourraient prendre ensuite. Je n’ai pas été déçue. C’est réussi, efficace, abouti et surprenant et ça ouvre sur de prochains projets que j’espère toujours aussi riches et brutaux. En bonne forceuse, je continue de prier pour un jour avoir la chance de les voir sur scène.