Horreur à Arkham : une gamme de jeux dont je suis grand fan depuis l’incroyable V2 parue chez EDGE il y a… un bon paquet d’années ! Et la V3, même si elle n’est pas parvenue à complètement réinterpréter le concept, reste très honorable. N’oublions pas non plus l’excellentissime jeu de cartes dont chaque campagne est aussi intéressante, si ce n’est plus, que la précédente, et vous aurez une idée du sourire qui s’est dessiné sur mon visage lorsque j’ai appris que FFG lançait une gamme de JdR dans cet univers.
Alors certes, on pouvait se poser la question de « pourquoi une nouvelle gamme de JdR autour de Cthulhu ? », marché assez occupé s’il en est ? La réponse de FFG se voulut claire : proposer une gamme alternative, facile d’accès et de prise en main, pour passer en douceur de l’univers du JdP à celui du JdR.
Une bien belle promesse !
Voyons voir ce qu’il en est en détails ;)
NdA : malgré les références à certains passages du scénario, il n’y a pas de véritable spoils de l’histoire ;)
NdA2 : exemplaire presse
Il est clair qu’avec toutes ces jeux, la gamme dispose d’un solide contexte sur lequel s’appuyer pour le développement d’un jdR. D’autant que le « lore » de FFG, même s’il est forcément ancré dans le Mythe, possède ses spécificités et ses particularités, dont son lot de PJ récurrents à incorporer dans une boîte d’initiation en tant que prétirés, par exemple et qui se sont épaissis au cours du temps. On a presque l’impression de les connaître tant on les a côtoyés au travers d’aventures différentes. Mais ce n’est pas tout : au fil des jeux et des années,
il se dégage un quelque chose de particulier et de bien plaisant de cet univers qu’est celui d’Horreur à Arkham,
qui fait dire que même si on est dans un univers Cthulhu, il possède un « petit plus » fort agréable. Bref, le terreau est parfait.
Et il n’y a pas que ça qui est parfait : attardons-nous quelques lignes sur le matos. De mémoire de rôliste, j’ai rarement vu un contenu de boîte aussi qualitatif – en plus d’être quantitatif – que celui de l’Insatiable Abysse ; on est très loin de la copie rendue avec la première version de la boîte de l’Appel. Ici, tout est nickel : boîte en carton épais et solide, livret parfait, planches de pions au top, plans impeccables, « écran » nickel, cartes sans bavures et dossiers de prétirés à la hauteur ; Un sans faute de perfection qui m’a laissé un peu pantois, je l’avoue. Même si les éditeurs ont souvent tendance à « en mettre plein les yeux » pour appâter le chaland, je dois bien avouer qu’ici on est loin du clinquant : on reste dans le top qualitatif de ce qui est un des points forts de la gamme de JdP.
Avec un tel ramage, on est en droit de s’attendre un plumage tout aussi brillant.
Offrir une parfaite transition entre l’univers du JdP et celui du JdR : c’est, peu ou prou, le vœu de FFG, auquel venait s’ajouter une certaine simplicité de prise en main pour les débutants. En ce qui concerne la simplicité, on est en plein dedans avec le scénario qui compose le cœur de ce livret – en parallèle de l’explication des règles, évidemment.
L’histoire est tellement bateau qu’on peut en deviner la fin avant même d’en avoir lu les premières lignes, ou presque.
Ce qui est un peu bête, d’autant quand on connait un peu la qualité narrative des campagnes du JcE ou même de certains scénarios des Demeures de l’Épouvante (gamme qui fait elle aussi partie de la gamme HàA). Ici, on en est loin, très loin. Je ne divulgâcherai rien – ce serait dommage, mais c’est rempli de poncifs et de clichés tels qu’on en trouve assez souvent dans les histoires relatives au Mythe.
Et c’est sans compter les bizarreries scénaristiques qui sont passées à la trappe de la relecture française : scène 3, acte 1, par exemple avec Chantler qui peut retrouver le groupe à différents endroits mais pour lequel il n’y a qu’un seul texte « à lire ou à paraphraser » et dont le contexte ne convient pas en fonction du lieu du regroupement. Ou encore un résumé des options de fin de scène qui ne sont pas cohérents (un gars à capturer, mais même si le gars est capturé, déjà, il n’y a rien de particulier d’indiqué dans le livret, et en plus ça ne met pas forcément fin à la scène). On a aussi certaines légende des cartes qui ne correspondent pas au corps du texte…
Ah, et le puzzle, j’oubliais. Pour ceux qui connaissent le JdP, de temps en temps, les investigateurs sont confrontés à une énigme sous forme de résolution d’un puzzle (pour ouvrir un coffre, etc.). Cette résolution se fait par l’intermédiaire de l’application (et ça fonctionne super bien, c’est très immersif). Ici, c’est remplacé par un petit taquin en carton… Et ça ne fonctionne pas vraiment, selon moi, d’autant que le lieu d’apparition dudit puzzle est assez cocasse, je trouve.
Bref, vous comprendrez qu’on est loin, de mon point de vue, d’un truc qui tient la route, mais bon, après tout, pour le débutant totalement étranger à l’univers de HPL, pourquoi pas, tant que les règles sont claires et simples.
Oui mais non.
Je parlais en introduction de la magnifique gamme Horreur à Arkham V². Si le jeu est assez extraordinaire, on ne peut pas en dire autant de son livret de règles, qui est un véritable capharnaüm : un bout de règle par ci, un autre là, pas de logique, des allers-retours incessants entre les pages pour trouver un mot-clef, etc.
On retrouve un peu le même concept ici. À se demander s’il ne s’agit pas d’un hommage plus ou moins déguisé aux jeux qui ont donné naissance à cette boîte ;).
Quoi qu’il en soit, et plus sérieusement, le mélange entre scénario et présentation des règles en parallèle ne fonctionne pas, ici. Entre les redites, les explications pas toujours très claires, les renvois de page pour certains erratiques, des termes dont ont ignore comment leur valeur est déterminée (Lucidité, p.ex.), c’est un peu le foutoir, il faut bien être honnête. Alors c’est pas insurmontable, mais le MJ débutant, il repasse. D’autant que certaines formulations sont très bizarres, que des fautes diverses viennent entacher la bonne compréhension de certains points, qu’il y a des répétitions de mots, que la ponctuation n’est pas toujours très heureuse, que les titres ne sont pas vraiment hiérarchisés ; bref, c’est pas vraiment super évident de s’y retrouver.
Alors certes, elles ne sont pas vraiment compliquées une fois qu’on les a décodées, la mécanique liée aux dés est intéressante, mais je trouve qu’on est vraiment plus proche d’un JdP que d’un JdR. Je me faisais la réflexion que, dans le scénario, les lancers de dés sont omniprésents. Alors oui, il est question ici d’avoir une ambiance un peu plus pulp que dans l’AdC, mais tout de même. Moi qui privilégie l’ambiance dans mes parties de ce genre, j’avoue que ce n’est pas ma tasse de thé. On retrouve vraiment tout les codes du JdP /JcE, jusque dans les jetons par exemple, et je trouve que du coup, cela ne parvient pas à donner une identité propre au jeu, et qu’il ne s’agit ici que d’une simple transposition un peu plate et sans relief, comme si on essayait de ménager la chèvre et le chou sans vraiment réussir à parvenir à l’équilibre.
Donc, en gros ?
Je suis bien redescendu de mon nuage d’après ouverture de la boîte. Moi qui était tellement hypé, j’ai eu du mal à aller jusqu’au bout de la lecture (pourtant, le livret ne comporte qu’une quarantaine de pages). J’avais espéré retrouver toute la « saveur » de l’univers d’Horreur à Arkham, si présente dans le JdP et le JcE, avec ses envolées épiques et effroyables qui donnent l’impression que notre monde va basculer dans l’horreur à chaque instant.
Je me retrouve à la place avec une magnifique boîte de chocolats dont le garnissage des bouchées n’a pas toujours le goût auquel on s’attend…
Ce n’est certes ici qu’une boîte d’initiation et on peut compter sur FFG pour faire en sorte que les Core Books soient à la hauteur, mais ce premier aperçu m’a clairement refroidi.