Entretien avec Léon Harcore, taulier de Pensées Nocturnes

Bonjour, et merci de prendre quelques minutes pour répondre à mes questions. Est-ce que tu peux tout d’abord te présenter et nous expliquer ce que tu fais dans Pensées Nocturnes ?

Léon Harcore, taulier de PN, ramassis de bidoche alcoolisée présentant un penchant patent pour la boisson, la bonne bouffe et les crispations primaires des Black metalleux pur souche.

PN est à la base un projet solo porté par mes soins. OVNI franchouillard de la scène Black Metal, ce pojet suit depuis 2009 une trajectoire sinueuse, parcourant les méandres du cirque, du jazz, de la musette, du tango ou du classique. Après un départ dépressif très mal parti, PN conserve cette face torturée et chaotique pour la mêler à des inspirations plus envolées et parfois enjouées, résultant en un cocktail des plus brutaux et des plus déconcertants.

En 2017, le groupe qui avait débuté en projet solo prend vie sur scène et foule les plus grands parquets français (Hellfest, Motocultor, Tyrant Fest entres autres), donnant vie à ce théâtre grotesque.

Après un album dédié au cirque en 2019 (Grand Guignol Orchestra), PN délivre en 2022 son 7ème album, DOUCE FANGE,  proposant un retour à une vieille France aux Halles insalubres, aux ruelles coupe-gorge, aux bobinards malfamés et aux bistrots dépravés.

D’où vient le nom du groupe ? Est-ce que cela vient d’une fin de soirée alcoolisée et pensive ?

Le nom du groupe a principalement été choisi pour les jeux de mots qu’il permet avec Peste Noire.

Comment en es-tu venu au metal, à la fois en tant que fan et en tant que musicien ?

Ce style a toujours fait partie intégrante de mes écoutes et explorations, depuis la genèse de ma culture musicale. Néanmoins, il en est de même pour l’ensemble de ce que j’écoute aujourd’hui, que l’on parle de Jazz, de musique Classique, variété, musique traditionnelle ou même rap.

Comment définirais-tu la musique de ton groupe ? .

L’étiquette la plus précise et la plus crédible reste à date “Déglingué Black Metal”.

Douce Fange est le nouvel album du groupe. Comment s’est passé la composition ? Qui écrit quoi ?

Comme pour tous les albums de PN, la composition et l’enregistrement ont été réalisés de façon concomitante au Studio de la Pipe. La structure globale prend origine dans mon cerveau enflammé et viennent ensuite improviser dessus les guests. Le réamp, le mixage et le mastering furent produits, similairement à Grand Guignol Orchestra, au studio Henosis où Fred s’est arraché les cheveux qu’il n’a plus pour donner vie à ce monstre de détails sans précédent. Qualifier le résultat de digne est un euphémisme tant il met en exergue comme il se doit la complexité de la composition. Chaque album de PN est un pas en avant en terme de maîtrise de la production et permet une compréhension plus fine à l’auditeur.

Où trouves-tu l’inspiration quand il s’agit d’écrire de la musique ?

Le concept général et la trame globale de l’album sont définis en amont. Les détails de chaque morceau sont ensuite eux pensés secondairement, suivant la place qu’ils tiennent dans l’album. Tout est un travail de fourmis, pétris, travaillé, retouché et remodelé sans cesse. PN est une pâte feuilletée que je ne cesse de plier : les couches s’empilant et s’additionnant sans répit. Chaque morceau est le résultat d’un travail titanesque mais ce procédé permet un contrôle parfait de chaque détail  : tout est traité, jaugé, écouté et réécouté des dizaines de fois.

Ce disque est assez atypique, avec des titres de chansons marquants et drôles. D’où est venue l’idée première de ce Douce Fange ? Est-ce un ras-le-bol de notre cher pays et de ses débordements actuels ?

On part du constat que tout est foutu, qu’il n’y a rien à tirer de cette vie et que s’acharner sur un clavier, s’habiller en jaune fluo ou s’entêter à vouloir bouffer du foin n’y changera rien.

Mais il faut bien vivre. Et quitte à vivre, choisissons le rire, les plaisirs simples, le rejet de toutes les bien-pensances castratrices, la ridiculisation des certitudes et de leurs militants conformistes. Chions sur les pisseurs de violons, les emmancheurs de diptères et autres découpeurs d’océan qui passent à des bornes de l’essentiel  : gnole, torgnole et roubignole. Dépassons allègrement les institutions, les lieux communs et les usages.

A cet effet, et de manière plutôt paradoxale, Douce Fange revient en arrière, à la base, nos racines, et développe d’une certaine façon un «  c’était mieux avant  » à l’arrière-goût de sang caillé et de pisse acide.

DOUCE FANGE développe donc la traversée d’une vieille France aux Halles insalubres, aux ruelles coupe-gorge, aux bobinards malfamés et aux bistrots dépravés. Entre exécutions sur place publique, chants révolutionnaires, bals musettes enjoués, dégustations de mets culinaires rustiques et chansons paillardes alcoolisées, DOUCE FRANCE mêle thèmes divers et ambiances disparates pour obtenir une bonne bouillasse noire aromatisée au dark jazz, au cabaret et à la musette. Accordéon, saxophone, trompette, clarinette, trombone, orgue et tuba se relaient dans la bonne humeur pour faire tempêter leur joie et pour obtenir un Black Metal des plus cacophoniques.

Quelle est ta piste préférée de cet album, et pourquoi ?

Les titres portent chacun leur identité propre et détaillent des thèmes vraiment très distincts. Il est très difficile pour moi de les hiérarchiser mais je dirais que “Gnoles, Torgnoles et Roubignolle” et celui qui incarne le mieux le concept de l’album avec son mélange de mélancolie, de grivoiseries, de musette, de nostalgie, d’alcoolisme et d’errance.

Le dessin qui orne l’album est magnifique. Comment s’est déroulé le travail dessus ? De même l’ensemble du digipack est tout bonnement magnifique. D’où sont venues ces idées à la fois old-school, drôles et séduisantes ?

La totalité de l’artwork a été réalisée par Cäme Roy de Rat qui depuis quatre albums fait tout simplement partie intégrante du développement de chaque opus. Nous nous connaissons par cœur  : nos méthodes de travail sont rodées avec ce jeu de ping pong permanent entre nos cerveaux explosifs et le rendu final tout simplement à tomber par terre. A la lecture du layout nous sommes plongés dans une veille revue du début du siècle dernier, inondés de réclames mensongères et autre charlataneries grotesques illustrant les paroles à merveille. C’est beau pour tous, intelligent pour qui est suffisamment armé pour le comprendre et offusquant pour les frêles.

Qu’y-a-t-il de prévu niveau clip pour soutenir cette nouveauté ?

Bien vu ! Pour la première fois dans l’histoire de PN nous accompagnerons la sortie de Douce Fange d’un clip réalisé avec des moyens vraiment supérieurs à ce qui se fait habituellement. Nous ne pouvions effectivement pas nous contenter d’une vidéo tournée à la go pro, dans le garage du voisin en jouant sous un projecteur. Le rendu sera vraiment original et permettra de prouver encore une fois s’il le fallait que PN reste en perpétuelle recherche de marche en avant.

Pensées Nocturnes sur scène, le retour, c’est pour bientôt ?

On cherche en effet à accumuler les piqûres de rappel au max pour passer entre les gouttes du Covid, dans l’idée d’accompagner la sortie de Douce Fange par une petite tournée au printemps et des festivals intéressants cet été. On bosse pas mal les nouveaux morceaux ainsi que le visuel général, tout deux se devant évidemment de suivre l’évolution musicale et graphique du groupe. Nous sommes impatients de refouler les planches, que nous avons quittées depuis plus de 2 ans maintenant, et ça commence dès mars 2022 avec Nantes, Lille et Paris entre autres.

2021 a été très riche en sorties d’albums. Quel serait ton album de l’année ?

Compliqué en effet. Je dirai “I Told You So” du  Delvon Lamarr Organ Trio ou bien “Black to the Future” de Sons of Kemet.

Merci pour tes réponses et à bientôt au détour d’un concert !

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