3 questions à Estelle Faye, autrice de Widjigo

Estelle Faye est une autrice qui a l’habitude d’être présente sur nos pages. Elle propose des univrs fascinants, prenants, dans lesquels je me délecte régulièrement de plonger. Et son dernier roman, Widjigo, sorti chez Albin Michel Imaginaire, est un modèle du genre. Un récit fantastique et un huis-clos forestier aux confins du monde. Une pépite qui nécessitait que je l’interroge sur le pourquoi de ce roman et de ses protagonistes.

Photo : Fabien Legeron

Widjigo est ta dernière sortie. D’où t’es venue l’envie d’écrire ce roman ? Quelles ont été les premières idées qui se sont assemblées dans ton esprit ?

Widjigo est né de ma passion pour les étendues sauvages, pour les îles et l’océan, et pour les périodes où l’on voit changer le monde – ici le XVIIIe siècle, il évoque les émeutes qui ont précédé la Révolution française, mais également le nouveau monde qui naît tant bien que mal en Amérique.

Ce sont des lieux (avec les mythologies qui les accompagnent) et une période sur lesquels je me documente depuis plus de dix ans, et écrire ce roman était aussi, pour moi, une manière de voyager dans le temps et l’espace – et, j’espère, de faire voyager les lecteurs.

Je suis allée jusqu’à Terre-Neuve, cette fois dans le monde réel, pour trouver ce livre, pour mettre mes pas dans ceux de mes personnages, autant que possible.

Enfin, depuis longtemps aussi, j’avais envie d’écrire un roman d’angoisse, un roman de monstres, parce que c’est l’une des bases de ma culture, parce que le monstre interroge toujours notre humanité. Widjigo m’a également permis cela.

Widjigo est un roman fantastique qui emprunte autant aux ficelles du fantastique classique, qu’au roman de trappeur et qui est bercé de contes amérindiens. De plus les personnages sont le point central de ton livre. Comment as-tu travaillé tous ces aspects au cours de l’écriture ? Comment as-tu pensé les relations entre chacun de tes protagonistes ?

J’aime écrire des romans hybrides, qui empruntent à plusieurs genres, à plusieurs traditions littéraires, pour tracer leur propre voie.

En ce qui concerne les personnages, pour moi ce sont eux qui portent l’histoire, qui nous permettent d’entrer dans un livre, de les suivre. J’essaye toujours de les connaître au maximum avant de commencer l’écriture, en me demandant d’où ils viennent, quel est leur parcours, leur vision du monde, en me documentant sur leur culture, leur univers…

Ensuite, quand je construis l’histoire, quand je l’écris, j’essaye de mes laisser guider par eux, au maximum, en me demandant dans chaque situation comment ils réagiraient, compte tenu de tout ce que je sais sur eux. En me demandant, aussi, comment ils vont interagir, comment leurs différentes visions du monde vont s’opposer, se compléter, évoluer (ou non) au fil de leurs rencontres…

Les personnages vont forcément changer, aussi, tout au long de leurs aventures. Ce qu’ils vivent va les changer. Je travaille toujours à la fois le grand arc narratif de l’histoire, et l’arc narratif de chaque personnage, chacun ayant des échos sur les autres.

Ce roman est, pour moi, l’un de tes meilleurs. Comment t’y prends-tu pour chaque fois progresser tant dans ton style que dans ta construction scénaristique ? Cela te demande-t-il un travail particulier ?

Avant tout, merci beaucoup pour cet avis. A chaque roman, j’essaye à la fois de trouver le style, le ton juste pour l’histoire, et de sortir de ma zone de confort, d’aller un peu plus loin, là où je n’ai encore jamais mis les pieds. Chaque roman doit avoir pour moi un côté saut dans le vide : quand je le commence, je ne suis pas certaine de pouvoir vraiment le finir, et c’est cela aussi qui m’aiguillonne, qui me pousse à aller plus loin.

Dans Widjigo, je me suis posé plusieurs nouveaux défis : par exemple, de travailler une histoire très resserrée dans l’espace et le temps. Widjigo, c’est un huis clos sur une île, une intrigue centrale très épurée (des naufragés tentent de survivre, ils meurent les uns après les autres, en se soupçonnant les uns les autres). Cela demande donc un travail d’autant plus profond sur chaque élément qui la constitue.

Le rapport aux personnages dans ce livre est aussi différent de ce que j’ai fait jusqu’alors.

Les personnages occupent toujours autant de place dans le livre, cependant cette fois on ne les connaît quasiment qu’au travers du regard, du récit de l’un d’entre eux, Justinien de Ravers, qui de plus nous prévient assez vite qu’il n’est pas forcément fiable. Qu’est-ce qui, alors, va pousser le lecteur à le suivre, à continuer l’aventure ?

Cette question, et sa réponse, étaient toutes deux cruciales au cours de l’écriture.

Question subsidiaire : je sais que tu lis beaucoup. Un titre à nous conseiller, là comme ça ?

J’adore ce genre de question ( j’aime parler des livres que j’aime) ! Et je vais conseiller Un Etranger en Olondre, de Sofia Samatar, traduit par Patrick Deschene, qui sort le 7 avril chez Argyll. C’est un livre qui parle de voyages, des récits, ce que l’on lit, ce que l’on écrit. C’est un livre sur l’amour des livres, immersif et fascinant, et un très grand roman de fantasy.

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Format : Grand format
Editeur : 10/18
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Type d'ouvrage : Roman

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