Un roman de fantasy aussi palpitant que sexiste.
Le monde était jeune alors, les dieux vivaient en harmonie et les hommes ne formaient qu’un seul peuple. Aldur le Sage façonna un globe au pouvoir immense, l’Orbe. Mais Torak, le Dieu Jaloux, s’en empara, plongeant l’univers dans le chaos. Sa félonie fut punie : le joyau lui brûla visage et main, et il fut jeté dans un sommeil tourmenté. Ainsi les hommes se divisèrent, les dieux se retirèrent et l’Orbe fut caché.
Les siècles ont passé sur les royaumes du Ponant et l’histoire est devenue légende. Mais les présages l’annoncent : Torak va se réveiller. Et l’Orbe a disparu pour la seconde fois. Belagrath le Sorcier sait, lui, que l’avenir repose sur un unique – et si vulnérable – pion, le jeune Garion, un valet de ferme ignorant que son Destin l’entraînera dans la plus dangereuse et la plus palpitante des quêtes.
Cette chronique sera longue, mais il fallait bien ça pour s’attaquer au millier de pages de cette première intégrale !
La Belgariade est souvent décrite comme une œuvre de fantasy majeure. Pour ma part, je n’ai pas ressenti le même frisson de lecture qu’avec d’autres sagas phares du genre. Cela reste cependant un récit très bien mené.
L’histoire prend place dans un cadre de fantasy assez classique : un univers médiéval que se partagent différents peuples, où affleure la magie. La mythologie présentée est intéressante, car les dieux y sont relativement humanisés dans leurs émotions et leurs réactions. Cela apporte une certaine originalité.
Le point de départ de l’histoire n’est en revanche pas sans rappeler Tolkien, et on y trouve beaucoup de rappels du Seigneur des anneaux. Un dieu qui vole un objet puissant et s’endort pendant des siècles, attendant son réveil… Un jeune homme innocent qu’un magicien puissant et millénaire aide à sauver le monde…. Des compagnons de route hétéroclite qui forment une jolie petite communauté…
Cela n’empêche pas la Belgariade d’être un roman prenant, car au-delà de la toile de fond sur laquelle se joue l’histoire, c’est la manière dont elle est racontée qui importe. On y suit le point de vue de Garion qui, loin d’être omniscient, découvre en même temps que son lecteur l’univers dans lequel il évolue, les événements qui s’y déroulent, ce qui en découle et même sa propre histoire.
Cet aspect est extrêmement frustrant car tout est caché à Garion. La narration le justifie par un point de vue éducatif très discutable (Garion est un adolescent, et en tant que tel il se doit d’obéir à ses tuteurs sans poser de questions car « c’est pour son bien »). Force est de constater cependant que cela permet de ménager le suspense. Tel le héros, on avance à l’aveugle, et si on se doute de l’importance du personnage, nous n’en saisissons pas complètement les implications avant longtemps. L’auteur nous ballade comme ça pendant les deux premiers livres ; il faut attendre le troisième pour en savoir un peu plus (et encore, à la fin de cette première intégrale on est toujours dans le brouillard !).
Cette frustration n’est pour autant pas synonyme d’ennui. Le scénario de la Belgariade est très bien rythmé. Les plus de 1000 pages qui le composent sont très bien exploitées. Les aventures s’enchaînent au gré des paysages. Car on voyage beaucoup, et c’est un point que j’ai beaucoup apprécié. Trop de livres de fantasy présentent un univers immense qui ne sert que de décor. L’auteur semble avoir mis un point d’honneur à nous faire visiter chaque détail de la carte de son monde. Les villes, les peuples nous sont présentés au fur et à mesure. J’ai adoré cet aspect.
La Belgariade est donc un très bon roman d’aventures, mais qu’il faut lire avec le recul nécessaire. En cause, les idées totalement rétrogrades de l’auteur, qui ne peuvent être uniquement dues à l’époque. Il s’agit ici d’un véritable positionnement politique, extrêmement discutable.
Je passerai sur les principes éducatifs évoqués plus haut (le « tu te tais et c’est tout » qui m’a tant agacée). Impossible en revanche de ne pas évoquer le sexisme totalement banalisé de l’œuvre. Les personnages ne sont quasiment que masculins. Les deux femmes présentées ne sont à ce stade que des faire-valoir caricaturaux. L’auteur banalise allègrement le viol, la pédophilie ou le mariage forcé, sans aucun recul. L’homophobie et le racisme ne nous seront pas épargnés non plus.
La Belgariade est donc un très bon roman d’aventure, qui doit être lu avec le recul nécessaire.