Les effondrements se multiplient, de plus en plus impressionnants : Babel, le Pôle, Anima… aucune arche n’est épargnée. Pour éviter l’anéantissement total il faut trouver le responsable. Trouver l’Autre. Mais comment faire sans même savoir à quoi il ressemble ? Plus unis que jamais, Ophélie et Thorn s’engagent sur des chemins inconnus où les échos du passé et du présent les mèneront vers la clef de toutes les énigmes.
Les points positifs
– Une grande inventivité
– Une psychologie très travaillée
– Un style léger et poétique
Les points négatifs
– Une impression d’inachevé concernant certains éléments
La tempête des échos est le quatrième et dernier tome de la saga La passe-miroir et, comme ses prédécesseurs, je l’ai adoré.
J’y ai retrouvé tout ce que j’avais apprécié dans les précédents tomes : la plume poétique et travaillée de l’auteur, son imagination débordante où fourmillent les détails, son sens indéniable du suspense et sa finesse psychologique.
Mais, parce que ce tome-là était le dernier, j’avais certaines attentes à son égard, qui n’ont pas toutes été comblées.
Je reste notamment sur ma faim concernant le personnage de Thorn. Christelle Dabos réussit, d’une façon magistrale, à nous rendre sympathique un protagoniste qui semblait peu appréciable de prime abord. Et s’il est classique, dans la littérature, de présenter un personnage détestable pour mieux révéler ses qualités par la suite, la perspective est ici un peu différente : Thorn ne change pas. Il reste immuable ; ce qui évolue, c’est l’interprétation que font les lectrices (lecteurs) à partir de ses caractéristiques. Thorn n’est pas psychorigide : il est précis, droit et idéaliste ; Thorn n’est pas méprisant : il est d’une honnêteté sans faille ; Thorn n’est pas insensible : il ne sait pas comment exprimer ses émotions. Au fil des pages, les lectrices (lecteurs) réalisent que leur vision première de cet homme est fausse, non pas parce qu’il cache des qualités merveilleuses mais parce que touts ces éléments qui semblaient le rendre détestable sont en réalité tout ce qu’il y a de meilleur en lui.
En d’autres mots, Thorn est autiste. Christelle Dabos décrit d’ailleurs, à travers lui, un syndrome extrêmement sensible est détaillé : ce personnage ne supporte ni l’imprécision ni l’injustice, montre certaines difficultés sociales couplées à une grande honnêteté et à une mémoire impressionnante, se révèle captivé par les chiffres et ne supporte pas d’être touché sauf par certaines personnes. D’autres symptômes, moins connus du grand public, se retrouvent également dans ses comportement : son obsession pour sa montre est révélatrice d’une attraction certaine pour les mouvements giratoires, son impassibilité faciale cache une incapacité à exprimer correctement ses émotions et la fixité de son regard trahit un trouble des interactions visuelles. Chapeau bas donc, à Christelle Dabos, pour avoir subtilement fait en sorte que des milliers de lectrices tombent sous le charme d’un autiste sans même sans rendre compte.
Mais derrière le syndrome autistique, il y a un être vivant, et c’est sans doute cette absence de personnalité réelle qui m’a le plus manqué. Thorn est une liste de symptômes, détaillés certes d’une façon extrêmement précise et vivante, mais qui est l’homme qui se cache derrière l’autiste ? Au bout de quatre tomes, je serais toujours incapable d’y répondre, et j’ai l’impression de ne pas le connaître. Il m’a semblé qu’à force de vouloir le rendre énigmatique, l’auteure était peut-être passée à côté de celui qu’il était vraiment.
J’ai également certaines réserves en ce qui concerne la fin. Tout au long de ces quatre tomes, l’auteur nous a habitués aux surprises, à l’étonnement, aux retournements de situation. On s’y laisse prendre deux ou trois fois, mais au bout de la quatrième, la plus grande surprise aurait probablement été de nous proposer une fin plus classique. Or La tempête des échos ne se termine pas, et peut laisser une impression d’inachevé, couplée à une certaine lassitude de constater qu’une fois de plus, l’auteur commence une histoire au moment où elle termine la précédente.
À moins qu’on interprète ce tome-là différemment des autres. Il est vrai que La tempête des échos se situe dans une veine beaucoup plus fantastique que les précédents tomes (sans rien perdre de l’originalité de son univers de départ). En conséquence, on peut imaginer que la fin soit plus ambiguë qu’elle n’y paraît de prime abord. C’est d’autant plus le cas que la réalité tangible se complexifie dans ce quatrième tome : j’ai trouvé qu’il y avait un peu de Philip K. Dick (ou de Christopher Nolan) dans ce roman, ce qui pose peut-être encore plus question quant à la fin.
Les interprétations sont donc multiples, ce qui, en définitive, n’est pas inintéressant.
J’ai donc adoré ce quatrième et dernier volet de La passe-miroir : il est vrai que certains éléments m’ont semblé inachevés, cependant j’y ai retrouvé tout ce qui en a fait l’une de mes sagas littéraires favorites. Ce roman apporte beaucoup d’éléments de réponse (peut-être d’une façon un peu confuse par moments, je ne suis pas certaine d’avoir tout compris…) et à présent que j’ai cette nouvelle grille de lecture, je serais curieuse de relire l’intégralité de la série.
Je conseille donc La tempête des échos à tous les fans de La passe-miroir qui souhaitent retrouver, le temps de quelques centaines de pages et pour la dernière fois, les pérégrinations de Thorn et Ophélie.
La tempête des échos
Christelle Dabos
Gallimard Jeunesse
2019