Believe In Nothing (réédition) – Paradise Lost

Paradise Lost voit ses albums ressortir un par un dans des versions remasterisées. Nous en sommes arrivés à l’époque la plus décriée de la carrière du groupe par les metalleux pur jus : le soir du XXème siècle, avec le duo Host-Believe In Nothing. Souvent rapprochés, ces deux albums ont moins en commun que ce que l’on pense.

Believe In Nothing (2001) est ressorti donc, le 29 juin dernier, semble t-il remixé, et avec une nouvelle couverture (une seule abeille a survécu, les pesticides sont passés par là…) et présente un style assez composite, très annonciateur, en termes de composition, des albums suivants, Symbol of life et Paradise lost. Ecouter I Am Nothing, premier titre de l’album, et Erased, second titre de Symbol of Life, permet de s’en rendre compte.

Les paroles de l’album ne font que peu exception à l’ambiance habituelle des albums de Paradise Lost : tristesse et plainte cohabitent avec une certaine dose de cynisme. Mais on a ici des textes parfois plus simples que d’habitude (Mouth par exemple) et un certain ressentiment, une forme d’agressivité dans la mélancolie plus frappante que dans d’autres albums (« So eager to say, it’s nothing/The lifestyle that you’re offering…») : Holmes parle du « ton sévère » des chansons.

Quelles différences entre le disque original et cette réédition remixée ? Clairement, le son est plus distinct, les guitares et les mélodies principales de chant comme de guitare sont remises en avant, reléguant un peu plus en arrière-plan les bruitages electro, mais cela reste modéré : le remixage change les équilibres à l’intérieur des chansons, mais pas leur physionomie ou la dynamique du disque. On a parfois l’impression que le nouveau disque a des fréquences graves moins confuses. Nick Holmes le déclarait dans une interview de 2007 : « Pour ma part, je pense que l’élément le plus décevant [de Believe in nothing] est la production, dont je pense qu’elle aurait pu être plus puissante. » Reste qu’on va écouter l’album, titre par titre, avec le moins d’a priori possible.

I Am nothing possède comme presque tous les titres un format « chanson pop-rock » (couplet-refrain x2 + pont + refrain répété avec solo). La batterie electro d’introduction est très vite rejointe par une batterie et un mur de guitares assez lourds. Relativement court, il n’a rien d’autre d’étonnant en termes de mélodie par rapport aux habitudes du duo Holmes/Macintosh, si ce n’est un pont mélodique chanté presque… joyeux qui détonne juste ce qu’il faut.

Mouth s’enchaîne rapidement sur un riff metal mid-tempo puis un couplet ambiancé. Par rapport à la version originale, les guitares sont à la fois plus grasses et tranchantes. L’écriture est encore là très classique, les mélodies de chant sont du pur Holmes (Nick, bien sûr, pas Sherlock!).

Fader est surprenant par son intro à mon sens réussie : guitare claire, choeurs d’enfants (ou de vierges?) qui rendent presque le couplet banal. Les mélodies du refrain (voix puis guitare) sont entraînantes, paraissent inachevées, comme si la chanson ne se posait pas, ne se résolvait jamais : le pont reprend l’intro. Les guitares saturées sont presque absentes, les cordes prennent leur place, et on se souvient alors que Fader est sorti en single : sur la pochette, les musiciens ont les cheveux courts (Macintosh arbore sur le front des pointes au gel…), le visage glabre et le sourire narquois, le tout sur fond de rue anglaise verdâtre, avec une palette de couleurs typique des années 90 finissantes. Le clip, sur le même ton, donnerait presque l’impression d’avoir affaire à une variante curieuse des Cranberries (quel mime du jeu de guitare! Quelle chemise rouge formidable de la part de Macintosh !), si Nick Holmes n’était pas aussi statique et inexpressif.

Clairement, on sent la patte de la maison de disque qui a dû tenter (tentative sans suite au-delà du clip) de transformer ces métalleux en quelque chose de plus bankable, à la mode de l’époque, ce que sous-entendait Holmes dans l’interview déjà citée : « Je prenais tellement d’anti-dépresseurs à l’époque que je ne savais pas réellement ce qui se passait. » Macintosh est allé jusqu’à dire, de son côté, que l’album « n’existe pas réellement pour [lui] », à cause de cette tentative de prise de pouvoir créatif de la maison de disques. La chanson n’est pas mauvaise en soi, mais reste inégale. Reste que Paradise Lost a plusieurs fois montré dans sa carrière qu’il n’était pas insensible à la mode d’une époque : en voilà un exemple extrême.

On continue dans l’anecdotique avec Look At Me Now, pas désagréable, qui peut faire penser à un Soul Courageous (un titre de One Second) plus light, avec quelques machines. Illumination confirme que nous sommes dans le ventre mou de l’album, mais ce n’est pas un morceau désagréable : construit sur une mélodie répétitive bien caractéristique du groupe, il rappelle encore certains passages de One Second. Une petite intro synthé/rythme électro annonce un Something Real bien plus musclé rythmiquement que dans la version originale, avec un bon refrain. Ne cherchons pas de véritable solo de guitare, en revanche : Macintosh a plusieurs fois répété dans des interviews récentes qu’il avait connu une période où il s’était retrouvé blasé de la pratique de l’instrument.

Excellente intro pour Divided, qui continue sur un couplet classique. Le morceau, qui réveille un peu l’album avec quelques harmonies inhabituelles, quelque part entre mélancolie et célébration, est réussi. Un changement de tonalité, classique dans la pop, mais rare chez Paradise Lost, ne fait que souligner la brièveté du morceau : il nous laisse avec la frustration que toutes ces bonnes idées n’aient pas été plus développées.

Sell It To The World est très étrange : son introduction peut faire penser à du black metal symphonique (la voix criée en moins), le couplet est réussi, entraînant (la rythmique basse/batterie est un régal), le refrain reprend cette ambiance chaotique du début du morceau que les chœurs masculins presque médiévaux prolongent. Un bon morceau qui s’achève là encore presque trop vite.

Never Again est réjouissant (enfin, autant qu’un morceau de Paradise Lost peut l’être), mais on l’oublie un peu dès lors qu’on entend le suivant, Control : une guitare tranchante bien présente, un petit arpège hanté, de la puissance mid-tempo, un bon refrain : resterait encore à mon sens à le faire un peu évoluer sur la fin.

No Reason est encore plus accrocheur : rythme de batterie puissant, bon riff de guitare, harmonisé de façon originale pour Paradise Lost, couplet puissant… Quelques harmonies subtiles et suite d’accords entraînantes en font sans doute un des points forts du disque. Plus étonnant : Macintosh y lâche un bon solo assez rock’n’roll, le premier du disque. L’album dans son format normal s’achève sur un titre lent qui n’a pas grand chose d’original pour le groupe, mais fournit une conclusion presque doom – toutes proportions gardées : on est encore loin de Medusa ou The Plague Within

C’est en définitive un bon album, avec quelques faiblesses bien sûr. Paradise Lost est un de ces groupes qui n’a pas l’air de dire grand’chose quand on l’écoute en surface, mais chaque album devient addictif dans son ensemble dès lors qu’on rentre dedans pour de bon. Believe In Nothing mérite mieux que le relatif oubli dans lequel ses géniteurs l’ont plongé, et plus que le mépris des métalleux : il reste inégal, mais possède de très bons morceaux. Un peu d’élagage et de travail de développement des meilleures idées en auraient fait un must.

Believe In Nothing
Paradise Lost
Nuclear Blast
2018

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