C’est avec plaisir que j’ai découvert Gail Z Martin avec son premier tome de la saga Les Rois Déchus, plaisir renforcé par le fait qu’il s’agit d’une duologie et non une série en 12 tomes. Dans ce roman, nous suivons une dizaine de personnages, presque tous issus des Chroniques du Nécromancien, puisque nous atterrissons dans les Royaumes de l’Hiver juste après la terrible bataille qu’a mené Martris Drayke pour reprendre le trône à l’usurpateur Jared. Ceci peut parler aux lecteurs de la saga précédente ou ne rien dire du tout à ceux, comme moi, qui n’ont pas encore entamé l’histoire de Martris Drayke. Mais ce n’est absolument pas bloquant pour la compréhension de cette histoire.
Dans un premier temps, l’auteure fait beaucoup de rappel sur les événements précédents, s’ils ont une importance pour cette intrigue, et insiste sur la généalogie de ses personnages. C’est quelque chose qui peut paraître un peu lourd de temps en temps, mais qui est vraiment appréciable pour bien saisir les tenants et aboutissants politiques. C’est sûrement ce qui m’a posé le plus de problème : comprendre la composition des Royaumes de l’Hiver et les différentes alliances. Une petite carte au début du roman n’aurait pas été de trop pour bien situer les parcours et les frontières, mais on peut s’accommoder de son absence grâce aux descriptions de l’auteure. Les personnages étant issus de différents royaumes, il suffit de mettre bout à bout chacune de leurs précisions sur leur royaume pour bien saisir ce qu’il se passe. C’est d’ailleurs une grande force du roman : les différents points de vue amenés par ces intervenants créent un grand puzzle que l’on prend plaisir à construire.
Je n’ai pas trouvé l’intrigue particulièrement extraordinaire : maladie, guerre, magie, alliance et conflits d’intérêt, ce sont les éléments de base d’un bon roman de fantasy. C’est un peu réducteur de présenter celui-ci de cette manière : les ingrédients sont bien dosés, et l’équilibre entre actions et descriptions est très bon de mon point de vue. En revanche, je n’ai jamais bondi de surprise au cours de ma lecture. Je ne dirai pas que l’on suit un fleuve tranquille, mais les événements et révélations s’enchaînent sur un rythme régulier et avec beaucoup de logique. Je dirai même que certains petits rebondissements sont tellement bien préparés qu’on les attend de pied ferme.
Dans un second temps, ce qui aurait pu gêner cette lecture, c’est l’univers magique dans lequel le lecteur se plonge. Les termes, que l’on a rencontrés si l’on a lu la première saga, ne sont pas vraiment expliqués ici. On découvre donc sur le tas ce que sont les vyrkins et les vayash moru, mais on comprend rapidement de quoi il retourne. D’autres mots sont davantage expliqués, ce qui me laisse supposer que l’on découvre des nouveautés de l’univers. J’ai beaucoup aimé ces mélanges de créatures – mêmes si j’aurai aimé avoir les descriptions complètes pour les deux que je vous ai citées – et les différents types de magie que l’on rencontre. Entre les Invocateurs, les mages, les Gardiens, on ne peut pas se lasser. En parlant des Gardiens, j’aurai d’ailleurs bien aimé passer plus de temps avec eux et découvrir davantage leurs us et coutumes. S’il y a une chose que l’on ne peut pas reprocher à l’auteure, c’est de s’appesantir sur la vie de ses personnages. Elle n’hésite pas à tailler dans le temps pour nous éviter de longs voyages à cheval.
Enfin, et je pense que c’est ce qui peut le plus déranger un lecteur qui débarque dans cette saga, les personnages que nous rencontrons sont supposés connus, et leurs histoires avec. Alors oui, comme je le disais plus tôt, il y a des rappels sur les liens de parentés et les derniers événements. Cependant, on sent qu’il nous manque un truc : l’affectif. Impossible pour l’auteure de représenter ses personnages comme s’ils étaient tout nouveaux, et donc impossible pour le lecteur « novice » de développer les mêmes liens affectifs que les « anciens » auront. Je suis persuadée que ces derniers retrouveront avec beaucoup de plaisir ces noms connus. Pour ma part, je n’ai pas pu m’attacher autant que je l’aurai voulu à ces héros. Par ailleurs, ils sont assez nombreux, ce qui peut causer quelques soucis de distinction quand on les connaît mal, et j’ai eu un peu de mal à accrocher à la première moitié du roman. Mais je me ferais un plaisir de lire les Chroniques du Nécromancien afin de rencontrer ces personnages.
Pour conclure, sans que ce roman soit la lecture de l’année, ça n’en reste pas moins une belle découverte qui fera sûrement plaisir aux lecteurs de Gail Z Martin. On est loin des romans fantasy débordants de descriptions – elles m’ont un peu manqué quand même – et il y a de l’action et de la politique juste ce qu’il faut. Les personnages et la construction du récit à travers leurs points de vue font la force du roman, et je ne saurais dire lequel j’ai préféré : j’attendais avec une même impatience de retrouver chacun d’entre eux. Si le début de la lecture m’a paru longue, le temps d’entrer dans l’histoire, je n’ai pas pu décrocher dès la deuxième partie, et la lecture s’est révélée presque trop rapide. C’est une mise en place méthodique du tome suivant et de la grande guerre. Pas beaucoup de suspens donc, mais j’ai hâte de lire la suite.
Le Serment des Gardiens
Les Rois Déchus, Tome 1
Gail Z. Martin
Bragelonne
2018