Doctor Who saisons 5 à 9 – Steven Moffat

 

La puissance de la régénération du Docteur a causé de graves défaillances du TARDIS, qui s’écrase sur Terre. Cherchant à s’habituer à son nouveau corps, il rencontre une petite fille, Amy Pond, qui est perturbée par une étrange fissure dans son mur. Ensemble, ils vont vivre de prodigieuses aventures.

Steven Moffat récupère, au début de la cinquième saison, le poste de showrunner de Doctor Who, laissé vacant par Russell T. Davies. Il choisit un nouveau Docteur, Matt Smith, qui se caractérise par sa jeunesse et son visage atypique, ainsi que par un débit de paroles absolument remarquable, nous y reviendrons.

Cette saison de transition introduit également une nouvelle compagne, Amy Pond, jouée par Karen Gillian, qui aura une importance grandissante dans la série. Tous les voyants sont au vert et, avec un équilibre parfait pour assurer la transition entre les deux ères, cette cinquième livraison offre de grands moments d’émotion (l’épisode sur Van Gogh), une brillante variation sur des méchants classiques (le double épisode sur les Daleks) ou en devenir (les Anges Pleureurs).

Dès le premier épisode, Smith impose un ton décalé, son Docteur est drôle, mais peut basculer dans une gravité verbeuse comme l’illustre son speech final. C’est d’abord par les mots qu’il défie ses ennemis et ses tirades extrêmement bien écrites marquent fort bien sa personnalité. Dotée d’épisodes forts, d’un épisode de Noël exceptionnel, il bénéficie d’une conclusion imposante autour de la boîte de Pandore, qui va dès à présent concentrer toutes les qualités et tous les défauts du run moffatien : personnages creusés, Docteur aux dialogues mémorables, ton moins positif, ainsi que le fameux timey winey, le jeu avec les lignes temporelles qui va artificiellement compliquer la série.

 

Ma confession d’anti-moffat commence ici. Je n’ai rien contre le scénariste a priori, dont j’adore les épisodes précédents. Et je ne trouve que des qualités à Sherlock, à qui l’apparente complexité sied bien mieux.

1) Je lui reproche d’abord cette nécessité de jouer avec tout dans l’excès au point d’ouvrir tellement de portes qu’il ne peut (et parfois ne veut) pas les refermer. Les intrigues ont souvent une idée de départ incroyable avant d’avoir un développement convenu et des fins décevantes. Cette assertion va s’aggraver d’année en année avant de toucher le fond en saison 8.
Deux exemples résument alors ce point de non-retour dans la huitième saison :

– La non-alchimie permanente entre le Docteur et sa compagne, qui brise l’élan et le rythme de chaque épisode.

– La fin de l’épisode 4, Listen, où Moffat s’amuse à ouvrir une idée très intéressante (l’enfance du Doc, peu ou pas traitée dans la nouvelle série) balancée à la fin de l’intrigue comme un cheveu sur la soupe et qui ne sera plus JAMAIS évoquée ensuite.

2) Plomber les intrigues avec la compagne du Docteur va devenir une marque de fabrique. Volontiers partisan des femmes fortes (ce qui se révélera autrement mieux écrit avec le personnage de River ou de Missy), Moffat va faire des compagnes du Docteur les principaux ressorts de résolution de l’intrigue. Résultat, pendant que le Docteur ne fait…rien, spectateur attentiste, Amy et son petit copain Rory vivent tout, font tout, sauvent l’univers et en deviennent au final nocifs au déroulement même des épisodes. Ils vont rapidement envahir l’espace en fin de saison 5, avant de phagocyter les intrigues de la 6 et plomber inutilement la première partie de la S7. La longue agonie de cette demi-saison s’achèvera sur une disparition médiocre et espérée depuis tellement longtemps que ça en devenait risible. Le même problème va se reposer malheureusement de la même façon pour la compagne suivante, Clara Oswald (qui sauve le Docteur, plombe une saison 8 avec son agaçant boy friend et son opposition constante au Docteur, puis annihile une intrigue clé de la nouvelle série par sa seule présence en fin de saison 9).

3) Doctor Who perd peu à peu ce ton positif, humaniste et échevelé qui a fait son succès. Cette marque de fabrique de l’ère Russell T. Davies s’efface peu à peu sous Moffat. J’ai conscience que c’est l’argument le plus discutable de ce pamphlet, tant il relève définitivement du ressenti. Mais quand la série a redémarré en 2005, elle tranchait par ce ton positif et enjoué qui contrastait avec les grosses machines, y compris SF, de l’époque. Cette particularité s’est effacée avant de brutalement ressurgir en saison 9, sous l’injonction de la BBC, inquiète de l’érosion des audiences. Il n’est pas surprenant que je trouve globalement celle-ci meilleure que les trois qui la précèdent.

 

Mais alors, avec tous ces reproches, pourquoi continuer à regarder Doctor Who ? Il y a bien d’autres séries, pas besoin de tomber dans le masochisme. C’est bien plus compliqué que ça. Je considère objectivement Steven Moffat comme un terrible showrunner, mais aussi comme un brillant scénariste de SF. Sur une idée, un personnage, un concept, il peut vous faire ressentir cet étourdissement que seuls les meilleurs peuvent susciter.

Si l’on re-balaie la série chronologiquement, la saison 6 est sauvée par le personnage de River Song interprétée par Alex Kingston. Rencontrée en saison 4 et réintroduite en saison 5, elle a la particularité de croiser le Docteur dans le désordre chronologique, ce qui fait qu’elle en sait d’abord plus que lui sur leur relation, avant que ce ne soit l’inverse. Sa citation préférée pour ne pas trop en dire est à lire en faisant un clin d’œil malicieux : Spoilers !

Moffat ne va jamais cheaté le personnage, qui va très bien se tenir jusqu’à l’émouvant épisode de Noël post saison 8-9: Les maris de River Song. Sur la S6, il l’associe au Silence, une espèce de comploteurs extraterrestres, ce qui donnera deux épisodes de très haute tenue : L’impossible Astronaute (2e partie), sorte de remake halluciné de X-Files au final épique, avec l’excellent Mark Shepard en guest star ; et La retraite du démon (A good man goes to war), où le Docteur lève une armée et s’oppose au Silence afin de délivrer Amy.

La septième fournée commence à aller mieux quand Clara Oswald (Jenna Coleman) remplace les Pond aux côtés du Docteur. Plus légère pour le moment que ses prédécesseurs, elle va le laisser agir tout en prenant sa part dans les aventures, ce qui va donner quelques épisodes hors grande trame bien tenus (Enfermés dans la toile, Les anneaux d’Akhaten).

Surtout, la fin de cette saison conduit à un special très particulier : l’épisode qui célèbre les 50 ans de la série. Moffat ne va pas rater ce rendez-vous, s’entourant d’un casting pour fan (le duo Smith-Coleman est rejoint par le binôme David Tennant-Billie Piper pour un épisode dit multi-docteurs), introduisant une idée merveilleuse avec un gust star classe (le War Doctor joué par le regretté John Hurt) tout en payant son tribut à la mythologie de la série, ancienne comme nouvelle. Doté d’un budget important, c’est un beau cadeau pour les amateurs, une sucrerie appréciable.

 

Dans la foulée, Matt Smith quitte la série dans l’épisode de Noël, L’heure du Docteur, (trop) long épisode guerrier où quelques scènes font toutefois mouche. Il est remplacé par Peter Capaldi, acteur au profil plus âgé, moins énergique et plus sarcastique.

Malheureusement pour lui, la saison 8 est la pire du show depuis 2005 : alors que les budgets sont en baisse, les scénaristes décident d’opposer le Docteur et Clara, ce qui plombe la majorité des épisodes. Il faut y ajouter l’addition d’un petit copain à Clara, Danny Pink (Samuel Anderson), romance qui prend trop de place et pâti des maigres capacités de l’interprète. Des intrigues sans originalité achèvent l’ensemble, à peine remarque-t-on l’introduction de Missy, le retour du Maître, jouée avec talent par Michelle Gomez.

La saison 9 avait alors tout pour être celle de trop. Pourtant, la série retrouve ses fondamentaux : une écriture plus rythmée, des récits cadrés basés sur des doubles épisodes, une excellente guest star à nouveau (Maisie Williams y incarne Ashildr/Me, un personnage gris) et un Docteur qui cesse d’être spectateur de l’histoire.

Outre les diptyques Le magicien et son disciple/La sorcière et son pantin (sur les Daleks) et La fin d’une vie/la vie sans fin (sur Ashildr/Me), très bons, Moffat nous propose pour l’occasion l’un des tous meilleurs épisodes de la série : Descente au paradis (Heaven Sent 9*11). Dans un éloge au don de soi et à la capacité du Docteur à s’accrocher malgré une situation sans issue, il livre aussi une profonde réflexion sur les démons intérieurs du personnage principal. Dommage que ce chef d’œuvre soit gâché totalement par l’épisode suivant, mais essayons de rester positif.

Techniquement, on sent que la qualité fluctue en fonction des budgets disponibles : après un pic fin la saison 6/S7/épisode des 50 ans, la voilure se réduit et la série retrouve ce côté cheapos des deux premières saisons. Seul élément constant : la superbe musique de Murray Gold, qui enchaîne les thèmes mémorables, réorchestre les morceaux passés et semble donner une vraie unité à l’ensemble. Il composera même à l’occasion des 50 ans une Song for 50 absolument prodigieuse :

Conclusion :

Steven Moffat vient d’enchaîner 5 saisons, 6 épisodes de Noël et l’épisode des 50 ans avec une qualité inégale, fait de prodigieuses fulgurances et de nombreux éléments oubliables. Il est sans aucun doute le scénariste qui a signé le nombre d’épisodes le plus reconnus des fans, qui pourtant le contestent pour partie.

 Alors que Jenna Coleman (Clara) quitte Doctor Who, que l’épisode de Noël sur River se révèle correct, l’annonce tombe : la dixième livraison sera la dernière du showrunner, alors que l’audience est très basse et que des rumeurs d’annulation circulent.

Docteur Who saisons 5 à 9

Scénarisé par Steven Moffat

Produit par la BBC

Avec Matt Smith, Karen Gillian, Arthur Darvill, Alex Kingston, Jenna Coleman, John Hurt, Peter Capaldi, Maisie Williams, Michelle Gomez

Diffusé par France 4

Disponible en DVD et Blu-Ray

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