Matt Forbeck a de nombreuses cordes à son arc et, s’il a conçu des jeux de cartes, de rôles et de plateau ainsi que des scripts de jeux vidéo, il est également l’auteur de nombreuses nouvelles, romans, bandes dessinées… et la liste est longue. Autant vous dire qu’il n’est pas surprenant de trouver cet Amortels dans la collection La dentelle du Cygne des éditions L’Atalante. La couverture pourrait nous laisser présager un énième Matrix, mais il n’en est pas du tout question. D’ailleurs la quatrième de couverture nous propulse directement dans le cœur de l’action :
« Prêt pour la suite, agent Dooley ? » L’homme aux cheveux tirés en arrière dont le visage transpirait l’autosatisfaction esquissa l’ombre d’un sourire. Ses dents étincelèrent dans la pénombre. « C’est vrai, j’ai vu un documentaire sur votre première mort à l’école primaire.
— Que le spectacle commence ! »
Patrón cligna des yeux. Je le connaissais depuis un sacré bail.
C’était un dur. « Ce n’est pas beau à voir, Ronan », dit-il enfin.
« Amortels est un roman de science-fiction situé dans un avenir pas très lointain où les riches, les puissants et ceux qui les servent peuvent sauvegarder leur esprit et le transférer dans un clone en cas de décès. L’homme le plus vieux du monde, l’agent secret Ronan Dooley, ressuscite ainsi pour se voir confronté à l’enregistrement de son assassinat, sur lequel il doit maintenant enquêter. » Matt Forbeck
« Amortels, c’est Chandler dans le monde de Blade Runner, sur un rythme trépidant. Un grand plaisir de lecture. » (The Guardian.)
Quand un dialogue est capable de vous projeter dans l’histoire en quelques lignes, on peut généralement s’attendre à quelque chose de passionnant. L’agent Ronan Dooley travaille pour le Secret Service, une agence fédérale qui, outre la lutte contre la fausse monnaie, assure la sécurité du président, du vice-président, de leurs familles ainsi que de tout dignitaire étranger en déplacement sur le territoire des Etats-Unis d’Amérique. Bien entendu, dans cette profession on a une haute probabilité de prendre une balle à la place de toutes les personnalités énoncées précédemment. Alors il y a un petit bonus pour Dooley : l’amortalité.
En effet, Ronan Dooley est déjà mort à plusieurs reprises dans l’exercice de ses fonctions, mais il a été à chaque fois revivifié grâce au clonage et à la réimplantation de ses données mémorielles. A près de deux cents ans au total, il est l’agent le plus ancien et le plus expérimenté de l’agence. Cette fois-ci, ce n’est pas une protection qui va lui être demandée, mais une enquête.
Il va devoir retrouver son propre meurtrier, sous peine de se voir retirer la possibilité de revenir après sa prochaine mort. Une vidéo éprouvante va lui montrer les circonstances de sa mort et surtout la mise en scène de son meurtrier. L’agent Dooley va devoir supporter la charmante agent Querer dont il ne se souvient pas s’être lui-même adjoint les services dans sa vie précédente, faute d’avoir fait suffisamment de sauvegardes mémorielles. Il va aussi peu à peu redécouvrir sa dernière mission qui l’a menée là où l’on sait.
Cette thématique du clonage, de l’enquête dans un monde futuriste où la vie est une marchandise comme une autre pourrait avoir un semblant de déjà vu, mais nous avons là avant tout un thriller de grande qualité. Certes, ce thriller revêt les atours d’une science-fiction futuriste classique, mais il est servi par une trame narrative palpitante, des tensions fortes entre les différents protagonistes et des dialogues incisifs à souhait. Cet ouvrage donne également à réfléchir sur ce que peut être l’éternité quand elle consiste à voir mourir les êtres qu’on aime et à devoir vivre seul pour ne plus avoir à subir cela encore et encore.
J’ai surtout retenu le côté thriller de ce récit, même si l’univers futuriste est rempli de belles trouvailles qui vont aider le héros dans son enquête et si la société qui y est décrite est bien angoissante. La construction du récit, les scènes d’action, les moments plus personnels qui donnent de la profondeur au personnage, tout cela m’a donné le sentiment d’avoir affaire à un texte qui a tout le potentiel nécessaire pour une exploitation cinématographique. J’ai particulièrement apprécié le personnage de Dooley pour lequel Matt Forbeck a brillamment su passer du technologique à l’humain, sans pour autant nuire au rythme du récit. Une réussite.
Amortels
Matt Forbeck
Couverture illustrée par David Demaret
Traduction de l’anglais par Denis E. Savine
Editions L’Atalante
Collection La dentelle du Cygne
2012
19,00 €