Adaptation d’un manga qualifié de cyberpunk, le film d’animation Ghost in the shell demeure un « must », sous-entendu un film qui « doit être vu au moins une fois ».
Dès le générique, qui sert plus que jamais de prologue à l’histoire, le spectateur est immergé dans un onirisme rare, porté par une bande originale qui enchante l’ensemble du film.
Mais n’allons pas trop vite…
Ghost in the shell pose le spectateur en 2030, dans un Japon et un monde plus que jamais abandonnés aux technologies de pointe et à l’ultra-informatique qui gèrent tout et tout le monde. Il est donc naturel de voir que ce monde est mis sous la protection directe de cyborgs policiers et/ou espions. L’un d’entre eux, Motoko Kusanagi, conçu avec un cerveau humain dans une enveloppe féminine sublime, est membre d’un corps d’élite anti-criminalité appelé Section 9. Une enquête la mène, avec son acolyte Batou, sur la piste d’un cybercriminel qui a réussi l’impensable : en usant du réseau internet mondial, il a pu pénétrer le cerveau d’un humain et en prendre un contrôle absolu . Si l’être dont il s’empare s’avérait être un politicien, un chef militaire ou un financier tout puissant, que deviendrait le monde alors à la merci de ses caprices, de son chantage ? Au fil des jours et des pistes, Kusanagi et Batou comprennent que ce criminel n’est sans doute pas un être humain mais une intelligence artificielle aspirant à l’autonomie. Elle-même perturbée par des pensées qui semblent surgir de son moi intérieur, Kusanagi comprend l’espoir de cet ennemi. Celui que l’on nomme alors Le Marionnettiste aimerait être considéré comme une entité vivante à part entière et créer une nouvelle forme de vie intelligente qui supplanterait l’Homme. La situation devient critique lorsqu’il propose à Kusanagi d’être son alliée…
Bien entendu, les connaisseurs auront reconnu certains codes de la SF dans cette histoire, essentiellement ce qui fait le cœur d’une partie de l’œuvre d’Asimov, les « fantômes » dans la machine. La base de Ghost in the shell est en effet l’idée que l’intelligence artificielle, quelle que soit la fonction qu’elle est destinée à remplir, se retrouve peu à peu hantée par des pensées qui lui sont propres, qui ne sont le fruit d’aucune commande, d’aucun programme mais bel et bien de son esprit qui a évolué. Ainsi le titre lui-même de Ghost in the shell définit ce film, « ghost » étant l’esprit fantôme qui naît au sein de la machine et « shell » son enveloppe, sa coquille fabriquée. Pourtant, au contraire des maîtres européens de la SF ayant créé ou abordé ce thème, le créateur du manga dont est inspiré le film scénarisé par Kazunori Itô, Masamune Shirow, ne fait qu’utiliser le cyborg pour mieux poser la question de ce qu’est un être humain. Au final, l’héroïne Motoko Kusanagi, qui est dotée d’un cerveau organique dans un corps cybernétique, se retrouve aux prises avec des pensées qui peuvent être les siennes ou celles de la personne dont elle tient son cerveau. La recherche d’identité, d’humanité de cette héroïne est le fil conducteur de Ghost in the shell. Dans un univers qui n’est plus que virtuel, quelle peut encore être la place de l’humain ? La mérite t-il ? C’est à ces questions que l’opposition Kusanagi / Le Marionnettiste répond.
Cette métaphore existentielle est superbement servie dans ce film d’animation qui n’a pas pris une ride. Aux commandes, Mamoru Oshii, devenu depuis un très grand maître du genre, a révolutionné l’animation japonaise traitant du futur, des robots, des énigmes policières. Premièrement avec beaucoup d’audace technique et graphique. Le manga d’origine présentait des robots plus proches de ce qui se faisait auparavant, depuis les grandes heures de gloire d’un certain Goldorak, c’est-à-dire des armures mécanisées (dites « mecha » dans le langage des fans nippons) mais Oshii a préféré de vrais cyborg, des copies identiques aux humains en apparence. Il présente ce parti pris esthétique dès le générique peignant la « naissance » de Motoko Kusanagi. L’héroïne est conçue comme un robot mais émerge de son cocon de fabrication comme le ferait un fœtus du ventre d’une femme, depuis une sorte de liquide synthétique rappelant le liquide amniotique. Et son allure est si parfaite que l’on souhaiterait qu’elle soit humaine !
Le décor urbain à outrance, les allers et venues dans divers coins et recoins de la ville, plus ou moins inquiétants, plus ou moins peuplés, posent les protagonistes dans un no man’s land aux ramifications aussi complexes que celles du cerveau humain. Le spectateur est emporté dans un flot d’images soignées, allégories d’un futur pas si lointain, bien qu’effrayant par son inhumanité.
L’action est rythmée avec soin, alternant entre réflexions presque poétiques et courses poursuites avec affrontements armés face aux alliés volontaires ou non du Marionnettiste. L’équilibre subtil du scénario est magistralement adapté en images et on comprend que les frères Wachowski s’en soient inspirés pour « Matrix ».
Devenu célèbre pour son contenu comme pour son esthétique, Ghost in the Shell ravira les amateurs de SF.
A voir sans modération !
Ghost in the shell opening
Ghost in the shell – Mamoru Oshii
Licencié en VF par Pathé Vidéo
Bien d’accord avec toi Clementine ! Un chef d’oeuvre ! un film qui fera date dans l’histoire de la Cyber-SF au cinéma… une sorte de suite logique à Blade Runner en quelque sorte.