Un peu plus de 2 ans après un Rewind, Replay, Rebound de très bonne facture (chroniqué en ces pages par votre serviteur), Volbeat et son metal survitaminé aux délicieux accents de rockabilly nous revient avec un nouvel album intitulé Servant Of The Mind. En 2021, la formation danoise (certes, le guitariste Rob Caggiano est américain) a d’ailleurs fêté ses 20 ans d’existence. Alors, qu’en est-il de cette nouvelle mouture à l’étrange pochette ? Tentative de réponse en ces quelques lignes.
Rewind, Replay, Rebound marquait en 2019 une cassure assez nette dans l’univers discographique de Volbeat qui s’orientait alors vers des contrées globalement moins heavy, plus mélodiques, voire carrément pop. Le son Volbeat était toujours distinct. Mais certaines compositions avaient de quoi désarçonner le fan de base qui, à juste titre, pouvait se retrouver totalement déstabilisé et désorienté par la tournure musicale abordée par les Danois. Servant Of The Mind reprend là où s’arrêtait son prédécesseur. Mais pas totalement. Temple Of Ekur, à défaut d’être exceptionnel, fait le boulot et se révèle être un bon morceau d’entame d’album qui nous rassure immédiatement : Volbeat n’a pas définitivement quitté les terres du heavy metal. Les guitares sont là et bien là ! Certes le refrain se montre tout de suite plus léger, appuyé par les choeurs féminins de Mia Maja (qui apparaissait déjà sur Rewind, Replay, Rebound). Mais à lui seul, ce titre mid tempo relativement bref résume déjà ce qui viendra par la suite : une imparable association de guitares heavy en diable et de superbes mélodies vocales. Wait A Minute My Girl peut faire penser au Die To Live issu de Rewind, Replay, Rebound. Nous avons affaire à un titre court, rapide et dont les arrangements de piano et de saxophone font mouche. Ceci étant, rien de vraiment nouveau jusque-là. Les choses sérieuses commencent à prendre forme avec The Sacred Stones. Dès l’intro, impossible de ne pas penser à un groupe de thrash metal légendaire : Slayer. Les ressemblances y sont tellement flagrantes qu’elles en sont quasi gênantes : il s’agirait presque d’un mix entre les titres Raining Blood (1986) et South Of Heaven (1988). On savait que Michael Poulsen (chant, guitares) était un inconditionnel du groupe : on en est maintenant sûr et certain ! Seul le chant se révèle bien entendu à des années-lumière de celui de Tom Araya (chanteur bassiste de Slayer). C’est d’ailleurs une constante sur Servant Of The Mind : la qualité irréfutable des lignes vocales du leader de Volbeat. Que l’on apprécie ou pas son style situé quelque part à mi-chemin entre James Hetfield (Metallica) et Elvis “The King” Presley, il n’en demeure pas moins que nous avons définitivement affaire à l’un des tout meilleurs chanteurs de metal de ces 20 dernières années. Globalement, The Sacred Stones est un morceau assez heavy et dont les couplets sont plus enlevés. Le break est très entraînant et propice au headbanging. Shotgun Blues et son riff “made in Metallica” dans l’esprit enfonce un peu plus le clou. Là encore, le refrain se montre plus mélodique. Cette alternance de couplets heavy et de refrains plus “légers” est devenu une marque de fabrique chez Volbeat. En ce sens, elle constitue une indéniable réussite et contribue à l’efficacité des titres et à leur succès notamment grâce au chant maîtrisé de Poulsen qui atteint des notes haut perchées sur les chorus. C’est le cas d’une chanson comme Heaven’s Descent que l’on retrouvera à mi-album. Entre-temps, nous avons affaire à The Devil Rages On puis à Say No More. Le premier forme un pur condensé de ce que Volbeat sait faire de mieux. À ce titre, on y retrouve ce qui nous manquait un peu depuis le début de ce Servant Of The Mind et qui pourtant constitue une des caractéristiques importantes du son du groupe : les sonorités rockabilly. The Devil Rages On renoue donc avec le Volbeat familier et séduisant qui avait autrefois contribué à son succès. En outre, les ambiances sont variées et captivantes : tantôt heavy, tantôt rapides. Bref, il s’agit d’une grande réussite et en ce qui me concerne de mon titre favori depuis le début de l’album. Say No More reste un peu dans le même esprit. L’intro, bien heavy et soutenue par la batterie de Jon Larsen, est d’une redoutable efficacité ! Les riffs de guitare, très rapides et incisifs, sont bougrement mordants. On pense aux premiers albums de Metallica. Les tics de chant de Poulsen appuient d’ailleurs cette troublante affiliation. Là encore, une belle réalisation. Nous en venons donc à Heaven’s Descent auquel je faisais mention quelques lignes auparavant. Dès la première écoute, le morceau m’a fait forte impression. Il constitue un exemple parfait d’efficacité en terme de composition. Plutôt court mais hyper rythmé et totalement jouissif pour les oreilles avec en guise d’apothéose un refrain absolument imparable : on ne s’en lasse pas ! Un remède destructeur à la morosité ! Volbeat est définitivement passé maître dans l’art du refrain qui tue. Plus encore, le groupe parvient à associer souvent dans un même morceau des influences à priori très différentes pour aboutir à une seule et même composition sans que cela ne choque à un moment ou à un autre. Ce sera par exemple le cas un peu plus loin avec un titre comme Becoming. Passée l’incroyable triplette The Devil Rages On, Say No More et Heaven’s Descent, le soufflé retombe quelque peu avec Dagen Før. Sur ce titre très orienté pop, Michael Poulsen partage le micro avec la chanteuse Stine Bramsen. Les paroles du refrain sont chantées en langue danoise tandis que le reste est en anglais. Il faut bien avouer qu’on se demande un peu ce qu’une chanson très “radio friendly” (comprenez “tube calibré pour passer à la radio”) vient faire au beau milieu d’un album ultra typé rock metal. En outre, le timbre de voix de Stine Bramsen n’a vraiment mais alors vraiment rien à voir avec, au hasard, celui de Doro Pesch par exemple ! Les connaisseurs comprendront. Entendez par là que nous avons bien davantage affaire ici à une chanteuse de variété ou encore de country music. Pour le rock et le metal, il faudra repasser ! Sans vouloir manquer de respect à Madame Bramsen qui doit certainement être assez célèbre dans son pays natal, force est de reconnaître que ce léger côté chevrotant caractéristique de sa voix a (malheureusement) de quoi faire grimacer des tympans. Question de goût. Le titre en lui-même n’est pas foncièrement mauvais mais tombe comme un cheveu sur la soupe.
The Passenger remet les pendules à l’heure. Néanmoins, on sent que le groupe a souhaité proposer une transition en douceur après le popisant Dagen Før. Si les couplets demeurent dans un style Volbeat de bonne facture, les refrains quant à eux tendent à verser dans un metal édulcoré façon “easy listening” et déçoivent quelque peu. Étonnant pour du Volbeat qui nous a jusque-là plutôt habitués à des refrains accrocheurs. Et le ventre mou de Servant Of The Mind continue avec le morceau suivant : Step Into Light. Malgré des arrangements bien ficelés et dignes du meilleur Volbeat en ce qui concerne l’intro et les couplets, les refrains freinent cet élan et ne font pas décoller le morceau comme on pouvait s’y attendre. C’est d’autant plus dommage que l’atmosphère globale du titre se révèle vraiment sympathique avec ce son rétro caractéristique des guitares. Il faut attendre Becoming pour se voir de nouveau délivrer la petite baffe qui convient. Ainsi que je le mentionnais plus tôt, ce morceau est un condensé d’influences : intro / outro dignes du meilleur Slayer, riffs de guitares hyper entraînants à la Metallica… Tout y est ! Le refrain arrivant, l’auditeur se voit d’autant plus surpris de la tournure très mélodique de celui-ci, bien loin de l’aspect thrash metal des débuts. Rien ne laissait présager un tel basculement. Mais ça marche ! Le summum de l’efficacité en terme de guitares rythmiques nous parvient avec Mindlock. Quelle intro ! Heavy et mélodique à la fois. Le riff est un petit bijou, l’un des tout meilleurs de l’album. On le retrouve à intervalles réguliers tout au long de ce morceau qui reste dans un registre heavy thrash mid tempo, excepté le refrain plus enlevé et mélodique comme souvent chez Volbeat. Les choeurs sont une fois encore assurés par Mia Maja. Mindlock surprend de nouveau son auditeur en proposant un contraste intro / couplets / refrains savamment réalisé et fort plaisant à l’écoute. Volbeat ne pouvait clôturer son huitième album studio que de la meilleure des façons avec le bien nommé Lasse’s Birgitta. L’intro, basée sur des arpèges de guitare mystérieux et caractérisée par ce son rétro si cher au groupe, cède rapidement sa place à des rythmiques riffues et entraînantes dans la plus pure tradition Volbeat. Le refrain reprend le thème initié durant l’intro avec en toile de fond cet aspect quelque peu inquiétant, aussi bien d’un point de vue musical que dans les lignes de chant de Michael Poulsen. Le break est une petite merveille de heavy mélodique et se conclut par un court solo avant le retour du chant et de la rythmique. L’ombre d’un Slayer plane de nouveau sur l’outro et Mindlock se termine dans cette ambiance sombre et oppressive, digne d’un parfait Black Sabbath. Quel final !
Servant Of The Mind est également disponible accompagné du traditionnel “bonus disc”. Celui-ci propose 4 titres dont 2 sont des versions alternatives aux chansons Shotgun Blues et Dagen Før. Dave Matrise, chanteur du groupe de death metal américain Jungle Rot, apparaît sur la première en alternance avec Michael Poulsen. Quant à la seconde, elle est entièrement chantée par Poulsen seul, contrairement à son pendant sur album qui est un duo. Les 2 autres morceaux, respectivement intitulés Return To None et Domino, sont des reprises. La première est celle d’un groupe de punk hard core suédois nommé Wolfbrigade. Quant à la seconde, elle est celle d’un des pionniers du rock ‘n’ roll : l’Américain Roy Orbison (décédé en 1988). L’ensemble de ces 4 titres se révèle franchement anecdotique et n’est à réserver qu’aux plus inconditionnels des fans du groupe.
Après de multiples écoutes, Servant Of The Mind m’évoque une sorte d’apogée artistique de la part de Volbeat. Le groupe réussit en effet le tour de force de condenser toutes ses influences durant ces 13 titres et ce pour notre plus grand plaisir. Avec ce nouvel album, le Volbeat heavy rock / metal d’antan côtoie celui plus mélodique de ces dernières années. En ce sens, Servant Of The Mind m’a semblé plus homogène que son prédécesseur. Ceci dit, je formulerai malgré tout un petit bémol concernant ce patchwork d’influences. Car à trop vouloir en faire et chercher à plaire à une frange de public toujours plus large, Volbeat a peut-être tendance à s’écarter progressivement de son identité musicale initiale et pire encore, à verser un tantinet dans une sorte de pastiche de groupes de metal à lui tout seul. Certes, l’image est très forte et je le reconnais volontiers. Nous n’en sommes (heureusement) pas totalement à ce point-là non plus. Objectivement, Servant Of The Mind s’inscrit comme un album de grande classe, fortement addictif et à la production léchée.