J’avais adoré la réédition en poche d’Apostasie il y a quelques temps chez Hélios, et je dois dire que voir arriver cette nouveauté provenant du Diable Vauvert a fait sauter mon petit cœur dans ma poitrine. Je me souvenais de la plume très poétique, posée et fluide, des histoires fantastiques, de cette sensation de fleur fanée qui se dégage de ses écrits. Eh bien j’ai pu de nouveau plonger dans cette noirceur, cette moiteur propre au bon fantastique classique, où le vampire est un monstre élégant. Amis aux atours gothiques, plongez à mes côtés dans les brumes des histoires de Vincent Tassy…
Somptueux manoirs délabrés, landes brumeuses, amours traversant les siècles, cimetières et êtres immortels, ce roman embrasse en un seul mouvement l’essence des courants gothiques et romantiques.
Dès les premières pages j’ai retrouvé ce que j’aimais chez cet auteur. La décadence, le sulfureux, le feutré, tout ce qui fait que l’on aime ses écrits. Vincent Tassy nous invite à plusieurs voyages, au cœur d’une sorte de roman morcelé, de recueil de nouvelles aux destins croisés et décroisés. On y découvre Athalie, vampire qui découvre l’ennui de l’éternité au XVIIième siècle, Egmont qui va se retrouver marié à une inconnue qu’il ne peut aimer en plein cœur du XIXième siècle, Rachel qui rencontre son idole, ou encore Parascève qui a ses visions. Chacun des personnages est atypiques et développe son propre récit avant que tout ne vienne se mêler. Il est très intéressant de voir comment l’auteur prend les deux premiers tiers du roman pour installer sa galerie de personnages, à développer leurs êtres avant de venir nous ébouriffer avec son final totalement inattendu. On ne s’ennuie à aucun moment dans ce roman, pour peu que l’on apprécie les ambiances feutrées.
Les protagonistes de Vincent Tassy sont le gros point fort du roman. Chacun d’eux a son propre caractère, se définit parfaitement. Mais l’un des points intéressants est que l’auteur n’hésite pas à jouer également avec leur orientation sexuelle : Egmont est homosexuel, tout comme Rachel, tandis que Parascève est trans. Et loin de se pencher sur la question, de tenter d’en faire un point central, il le fait entrer dans la norme (hormis pour Egmont au vu de son époque bien évidemment). Le fait est que découvrir des personnages qui s’assument tels qu’ils sont, qui ne cherchent rien d’autre qu’à suivre leur destin est vraiment rafraichissant. On s’attache à eux, on les suit avec plaisir et on découvre ce qui va leur arriver avec ébahissement.
La plume de cet auteur est un petit bijou de délicatesse. Avec ses mots il vient ciseler le décor de son récit, ébaucher les traits de ses personnages et nous ravir. Le style très littéraire n’en est pour autant absolument pas dérangeant : on se prend au jeu de la lecture, le rythme imposé par les mots nous séduit, nous enjôle littéralement.
Comment le dire à la nuit est un excellent roman, un récit de fantastique gothique prenant, intense, littéraire, passionnant. Que d’adjectifs et pourtant ce n’est pas encore suffisant pour le définir pleinement tant il possède de qualités. Une bien belle surprise par un auteur dont je vais suivre les prochains écrits car il promet énormément pour le futur…