C’est avec un artwork sombre et quelque peu chromé à la fois, à l’esthétique gothique, que le premier album solo du guitariste américain de Symphony X, Michael « j’ai plein de doigts » Romeo, s’offre à nous. Il s’agit de son premier vrai disque solo, composé avec l’intention de le sortir et avec des musiciens (tous d’origine italienne!) recrutés pour l’occasion : John Macaluso à la batterie (Ark, Yngwie Malmsteen) ; John De Servio (oui oui ! Celui de Black Label Society!) et un certain Rick Castellano au chant, un néophyte (qui n’a rien à voir avec le guitariste de tournée de Blue Öyster Cult, Richie Castellano). L’album est inspiré de La Guerre des mondes d’HG Wells et de la thématique hommes vs. machines.
A moins de méconnaître totalement le groupe d’origine du guitariste, on ne peut pas aborder ce disque sans se poser la question : quelles différences majeures avec Symphony X ? De toute évidence, c’est d’abord la voix, toute aussi puissante, plus aigüe, mais moins chaleureuse, avec moins de personnalité que celle Russel Allen. La prestation de Castellano est cependant excellente. Deuxième constat : il y a plus d’air, plus d’espace dans ce disque que dans ceux de Symphony X : d’abord, le clavier de Michael Pinella est absent, et l’ensemble est moins chargé. La dernière différence se situe au niveau du travail de Romeo : évidemment le guitariste ne change pas son jeu, mais renouvelle son approche de composition sur plusieurs points qui s’appréhendent avec une oreille attentive plutôt que de se percevoir immédiatement.
Qu’en est-il des morceaux proposés ? Introduction est constitué d’un début orchestral, très cinématographique (on pense parfois à la BO du Seigneur des Anneaux) ; on a un thème qui revient plus tard, puis une entrée puissante mais subtile des instruments électriques pour un sympathique morceau instrumental. Fear Of The Unknown débute par une ambiance au synthé, comporte quelques riffs metal, mais pas de mur de guitares trop chargé. La voix est très agressive, et balance des mélodies assez similaires à celles de Russel Allen dans Symphony X (le refrain, un oooh en fin de refrain), mais, tout aussi puissante, elle a une autre couleur. Le tout reste très mélodique. En somme, un bon morceau. Le troisième morceau, Black – dévoilé par une vidéo depuis quelques temps – est un morceau très Symphony X dans sa structure et son propos ; le morceau est un peu lassant à force du fait de son format chanson. On observe les mêmes qualités de composition que sur le reste du disque, mais sans originalité majeure.
On en arrive à F*cking Robots. Lié au précédent par un mouvement orchestral, il contient LA mauvaise idée du disque : les mélodies (du refrain surtout) sont intéressantes, mais l’utilisation d’un couplet dubstep relève du gadget. Certains apprécieront ce qui reste à mon humble avis totalement gratuit. Djinn – lui aussi diffusé sur YouTube, est l’un des meilleurs morceaux du disque : pour une fois l’utilisation de gammes orientales est vraiment subtile, et le break arabisant, reproduisant le son de quelques instruments acoustiques, est assez crédible : on évite de fait le cliché metal oriental, mais pas le cliché ethnique. Believe est une sorte de ballade qui commence au piano (les mélodies du début rappellent fortement V, The New Mythology Suite de Symphony X). Le refrain est intéressant, mais on ne peut s’empêcher de penser aux mélodies et harmonies d’un Dream Theater : le feeling néo-classique est loin sur ce refrain, même si des passages à la guitare s’empressent de le rétablir. Bon morceau en soi, mais un hybride étrange.
Avec Differences on revient sur du plus violent ; le riff de guitare syncopé du couplet est intéressant, et c’est sur ces passages de ce morceau que le chanteur fait preuve d’un peu de personnalité. Le refrain reste en tête, même si on retrouve encore un pont du refrain au couplet et un solo très Symphony X. War Machine est un instrumental de 3mn, mi-metal mi-orchestral, qui aère au bon moment le disque. Oblivion attaque avec un bon riff d’intro, et s’écoute avec plaisir, même si on note assez vite des réminiscences de Therion façon Gothic Kabbalah. Cela reste un bon morceau, personnellement l’un de mes préférés – mais j’adore Therion. Quant au dernier morceau, Constellations, ses breaks et ses orchestrations à la Symphony X, rappelent encore V, The New Mythology Suite et/ou Dream Theater. Quelques mouvements orchestraux sortent du lot. C’est néanmoins encore un bon morceau par ses mélodies vocales, ses ambiances et ses rythmiques. De façon générale la fin du disque est plus enthousiasmante, plus prenante (Castellano y est plus original) que le début (Black et F*cking Robots sonnent un peu creux).
Je conclurai en affirmant qu’il s’agit là d’un très bon disque, mais parfois un peu au milieu du gué : il rappelle Symphony X mais pas trop ; comporte de bonnes compositions, d’excellents musiciens (notons de bons mais rares riffs de basse) et l’équilibre entre metal et orchestrations est très bien dosé, aéré (c’est sans doute la première qualité du disque que de s’écouter sans indigestion sonore, ce qui n’est pas le cas, par exemple, du Iconoclast de Symphony X) ; mais une certaine lassitude de l’auditeur semble inévitable sur certains morceaux : la voix reste moins intéressante que celle de Russel Allen, et certains morceaux peinent à se démarquer de références telles que Dream Theater). Je n’en ferai pas le disque du siècle, mais il est supérieur aux disques les plus récents de Symphony X (et à nombre de disques de metal dit « symphonique ») et assez rafraîchissant pour ne pas être oublié en quelques semaines.
War of Worlds, pt. 1
Michael Romeo
Music Theories Recording/Mascot Label Group
2018