Amérique. De nos jours. Ou presque.
Ils sont quatre. Quatre États du Sud des États-Unis à ne pas avoir aboli l’esclavage et à vivre sur l’exploitation abjecte de la détresse humaine. Mais au Nord, l’Underground Airlines permet aux esclaves évadés de rejoindre le Canada. Du moins s’ils parviennent à échapper aux chasseurs d’âmes, comme Victor. Ancien esclave contraint de travailler pour les U.S. Marshals, il va de ville en ville, pour traquer ses frères et sœurs en fuite. Le cas de Jackdaw n’était qu’une affaire de plus… mais elle va mettre au jour un terrible secret que le gouvernement tente à tout prix de protéger.
Underground Airlines de Ben H. Winters nous plonge dans une horrible réalité : et si l’esclavage existait toujours de nos jours, dans une des plus grandes puissances mondiales, de façon tout à fait légale ? On pourrait débattre du fait que l’esclavage moderne existe encore dans certains pays, mais dans le roman, c’est un phénomène assumé avec fierté dans les Etats du sud des Etats-Unis, un pays qui a aboli l’esclavage en 1863. Ce qui est terrifiant, c’est que le système qui a été mis en place pour réguler l’esclavage est dans Underground Airlines plutôt crédible et on se dit que le monde pourrait ressembler effectivement à cela si les choses s’étaient passées autrement. Pour ces raisons, j’aurais tendance à classer ce roman dans les uchronies (et il a d’ailleurs remporté le prix Sidewise récompensant les meilleures uchronies).
Je n’ai pas l’habitude de lire ce genre de romans, je préfère généralement la fantasy pure. Et pourtant. J’ai tout simplement dévoré ce roman, incapable de le lâcher pendant une semaine. Tout d’abord, le personnage principal en lui-même, de voir cet ancien esclave courir après ceux en fuite. Le récit se passe à la première personne du singulier, on entre totalement dans la tête de Victor et c’est extrêmement intéressant d’avoir son avis sur ce qu’il se passe. On pourrait se dire qu’en tant qu’ancien esclave, il soutient les abolitionnistes de tout son cœur. En réalité, il a un avis bien plus nuancé sur la question et au final, c’est tout à fait crédible. Il expose ses raisons de penser ainsi et on en vient à partager son regard critique sur la situation. Il y a très peu de personnages dans le roman (à la louche, une dizaine de vraiment présents) et seuls certains sont développés, mais l’auteur le fait avec finesse, ce qui rend les personnages réellement vivants. Ensuite, il y a l’intrigue, forcément. On suit Victor tout au long de son enquête, on éprouve les mêmes doutes que lui et on a envie d’en savoir plus, de comprendre ce qui se trame derrière tout ça. Je n’en dirai pas plus, mais la fin est une réelle apothéose. J’avais absolument envie de savoir ce qu’il s’était passé ensuite.
Vous l’aurez compris, je recommande totalement ce roman, qui nous plonge dans une réalité qu’on ne voudrait absolument pas connaître. Vous me direz qu’aujourd’hui, c’est impensable de se retrouver dans une telle situation, mais on peut se dire que ce roman pointe du doigt certains aspects de la société. J’ai trouvé qu’il était extrêmement intéressant et novateur, un bon moyen pour aborder un sujet aussi sérieux.