Il pourrait être dit que 8,90 € pour une novella d’une centaine de pages, cela fait une petite somme. Mais tout peut s’expliquer. Le moindre manga est à ce prix. Cet ouvrage bénéficie d’une couverture avec rabats et d’une finition de grande qualité, souvent rare en format poche, si ce n’est en broché. Si nous revenons sur cette couverture, nous avons déjà une idée du casting rassemblé pour cette édition.
En effet, Aurélien Police, dont je ne me lasse pas de découvrir les œuvres, est l’auteur de l’illustration de ce texte. Toujours avec sa technique vaporeuse, éthérée, il met en scène de vagues rouages qui figurent les aléas du temps qui passe et d’où émergent des ombres en attente de prendre corps.
La traduction ensuite. C’est l’aguerri Pierre-Paul Durastanti qui s’est attelé à la traduction du texte. Souvent, on peut se demander en quoi une traduction est bonne si on ne connaît pas le texte d’origine. C’est assez simple, en fait, quand on ne sent pas d’à-coups dans le style, quand le lecteur ressent la profondeur de l’expression voulue par l’auteur, alors on a affaire avec une belle traduction originale. Ici, c’est bien le cas.
Une nouvelle collection. Les Éditions du Bélial’ sont bien établies sur le marché des littératures de l’imaginaire. Elles ont confié à Olivier Girard cette nouvelle Collection Une heure-lumière dédiée à ce format pour déjà six textes parus. Cette collection est soignée et la sélection des auteurs est exigeante pour respecter l’objectif de qualité fixé.
L’auteur enfin. Car c’est surtout l’auteur, Ken Liu, auteur américain d’origine chinoise aux multiples récompenses prestigieuses, qui est le quatrième atout de ce carré magique. L’homme qui mit fin à l’histoire est sous-titré Un documentaire. C’est une trame narrative peu courante dans les littératures de l’imaginaire, mais on la rencontre surtout dans des nouvelles et rarement dans des œuvres de plus grande taille, comme c’est le cas ici.
C’est donc sous la forme d’un documentaire où se suivent les témoignages des protagonistes que ce récit nous est proposé. Une propriété de la physique quantique permet d’observer le passé, mais cela détruit le moment observé. L’exploration est donc unique et ne risque pas d’être à l’origine d’un paradoxe temporel. Le moment observé ici est plus particulièrement celui où une unité composée de Mengele nippons a fait subir les pires tourments aux populations mandchoues occupées bien avant que ne commence la Seconde Guerre mondiale.
Ce récit a l’intérêt de mettre en lumière une période de l’histoire de l’Asie que nous ne connaissons que trop peu en Occident. Nous nous focalisons sur le nazisme, mais oublions les malheurs qui ont touché le reste du monde. Les femmes furent les premières victimes de ces expérimentations menées au nom de la science. Des scènes difficiles m’amènent à dire que cet ouvrage n’est pas à mettre entre toutes les mains.
Toujours est-il qu’en bon texte, il pose de nombreuses questions : faut-il toujours insister sur les périodes sombres de l’histoire pour obtenir des excuses ou des indemnisations plutôt que de les utiliser pour ne plus les reproduire ? peut-on mettre à mal la paix précaire de notre monde en faisant remonter ces tensions ? n’est-ce pas l’ensemble de l’humanité qui est responsable de ces crimes plutôt qu’un seul peuple ? Une lecture éprouvante et un écrit remarquable.
L’homme qui mit fin à l’histoire
Ken Liu
Couverture illustrée par Aurélien Police
Traduction par Pierre-Paul Durastanti
Le Bélial’
Collection Une heure-lumière
2016
8,90 €
C’est effectivement une très belle collection que propose Le Belial’ avec Une heure lumière. Cependant, il y a déjà 11 titres parus et 1 autre à paraitre ;) Je plussoie pour les couverture d’Aurélien Police qui sont superbes.
Oui, en effet, d’autres titres fabuleux sont sortis depuis cette parution. Je me situe juste au moment de la parution pour cette chronique. Merci pour votre commentaire.