Récemment je suis tombé sur un étrange film qui date pourtant de 2015. Étrange, car cette chose était totalement passée inaperçue sur mon radar alors que je suis pourtant attentif à toute chose dont le thème pourrait avoir un peu d’originalité. Le réalisateur, Drake Doremus, m’est totalement inconnu (le grand Wikipedia m’a murmuré à l’oreille qu’il a réalisé Like Crazy, un film ayant plutôt eu du succès), cela me permet d’éviter tout a priori qui aurait pu avoir comme conséquence fâcheuse un article beaucoup trop subjectif. Toutefois, le fait que Nathan Parker est le scénariste me laisse espérer quelque chose de bon vu la petite perle qu’était Moon (co-écrit avec Duncan Jones).
Dans un monde où les sentiments sont considérés comme une maladie à éradiquer, Nia et Silas tombent éperdument amoureux. Pour survivre, ils devront cacher leur amour et résister ensemble.
L’affiche nous montre donc clairement que le film va se focaliser sur le sentiment amoureux. Ainsi un amour interdit serait donc le plus grand de tous, à cela j’imagine que Roméo et Juliette pourraient en dire quelques mots. Mais malheureusement nous n’aurons dans film ni tragédie, ni côté épique. Alors, pourquoi diable se fixer uniquement sur ce sentiment-là, tandis que la haine, la colère et toutes ces « joyeusetés » sont si destructrices pour les individus et pourraient aisément justifier cette société où l’absence de sentiment est génétiquement inscrite.
Les sentiments peuvent terriblement nous faire souffrir. Tellement, que nous voudrions ne plus rien ressentir. Je suis prêt à parier que c’est en partant d’un constat que nous ressentons tous un jour que le scénariste dû avoir l’idée de ce film. Mais comme tellement de films à fort potentiel, Equals se laisse aller à de trop nombreux moments creux et ne nous offre aucune réponse. Qui donc a décidé de modifier les individus pour qu’ils ne puissent plus rien ressentir ? Pourquoi n’y-t-il aucune résistance à la manière d’un Equilibrium ? En bref l’humanité s’est totalement laissé aller et a accepté de détruire les sentiments. Mais finalement, qui donc dirige ce monde ? De ce monde aseptisé, globalement nous n’aurons aucune autre vision que l’appartement du protagoniste, de son lieu de travail et du métro. Des lieux blancs et tellement propres qu’ils feraient pâlir d’envie n’importe quel parisien prenant quotidiennement le métro.
Le film d’ouvre sur l’appartement de Silas et nous montre le début de sa journée. Ce qui frappe, c’est finalement la présence d’une seule et unique musique : la suite orchestrale n°3 de Bach. Bon je pense que même le plus mélomane vous dira qu’il y a mieux pour vous donner la pêche dès le matin. Alors que mettre un bon petit rock et utiliser sa pomme de douche comme micro symbolique aura beaucoup plus d’effet.
Ce début de film nous permet donc découvrir un monde terriblement stérile, où le contact physique, le toucher ou encore la manifestation d’émotions sont inexistants. Dans le train, chacun est assis devant un écran grâce auquel il peut s’abreuver des informations données par ce qui semble diriger le monde, à savoir « Le Collectif ». Le petit soulagement est que la Terre semble débarrassée d’Hanouna et de ces autres émissions de télé-réalité siphoneuses d’intelligence. Bon par contre niveau informations, cela restera assez pauvre : uniquement focalisées sur un terrible mal appelé SOS ou Syndrome d’Ouverture du Signal. Grosso modo, au lieu d’être des huîtres sentimentales (je m’excuse par avance auprès de toutes ces pauvres huîtres sans défense) des êtres humains vont découvrir les sentiments. Une véritable horreur, résultat, ces individus sont traités comme des pestiférés et sont, au final, dirigés gentiment vers un centre appelé DEN où ils suivront une cure de suppression émotionnelle. Bon il semblerait qu’il s’agisse d’une suppression au sens strict. La belle utopie se doit d’être irréprochable, des bâtiments jusqu’aux individus eux-mêmes.
Peu après on apprend qu’il existe un lieu appelé « La Péninsule » où vivraient de véritables dépravés sentimentaux considérés comme des déficients primitifs totalement soumis à leurs émotions et pulsions. Rien ne vaut une belle caricature pour montrer que ces vestiges d’un passé lointain doivent rester loin, très loin de cette belle utopie.
Le travail semble toujours se dérouler dans la bonne humeur dans un silence religieux. Les repas se déroulent dans le même genre d’atmosphère, avec des plats que ce cher Tricatel de l’Aile ou la Cuisse ne renierait pas. Je m’étonne d’ailleurs qu’un Jean-Pierre Coffe n’ait pas crié au scandale en balançant son plateau tout en vociférant un « c’est d’la merde » qui aurait été bien accueilli. Soudain un individu qui nous est inconnu, mais dont l’identité nous est totalement indifférente, ose discuter de choses qui sont….Comment dire…creuses. Du type qu’une certaine Iris a fait des choses sales avec un homme et a eu un marmot malformé dans des termes qu’on pourrait retrouver directement dans la bouche d’un Sheldon Cooper. Oui il semblerait que le sexe soit devenu quelque chose de sale et ne serve plus qu’à la reproduction, à mon avis Jacquie et Michel ont dû faire faillite.
Les humains ne sont plus réduits qu’à de simples robots. Où est véritablement la vie dans ce film ? Où sont les plaisirs simples d’un petit saucisson et d’une bonne bière que l’on partage entre amis ? On ne voit plus qu’une société compartimentée, où chacun semble vivre en solitaire normalement et où la nourriture n’est réduite qu’à des légumes cuits à l’eau de Vichy et où la mise en place dans l’assiette ferait bondir Philippe Etchebest. D’ailleurs le côté croquant des légumes semble indiquer que la cuisson n’est pas au point… Encore un coup des multinationales d’électroménagers, tiens.
Enfin, ce manque d’émotion agit également vis-à-vis de la mort. Une personne se suicide, les gens regardent, discutent entre eux indifférent à la scène qui vient de se dérouler. D’ailleurs, cette mort n’est plus que le seul refuge pour ceux qui sont atteints du SOS.
Vivre sans sentiment, est-ce réellement vivre ? Chacun en aura la réponse. Mais en voyant une Kristen Stewart souffrante et dont l’apparence est plus proche d’un poisson mort sur l’étal d’un marché aux poissons plutôt que celui d’un être vivant, je serais tenté de dire que vivre sans émotion n’est peut-être pas si mal.
En bref, dans le même registre de film dystopique, on pourra trouver mieux avec de l’action qui sera beaucoup plus prenante sans toutefois tirer dans la longueur.
Equals
de Drake Doremus
scénario de Nathan Parker
avec Kristen Stewart, Nicholas Hoult, Guy Pearce
Route One Films / Route One Films / Surefire Entertainment Capital