Rogue One : a Star Wars story – Michael Giacchino

 

Présenté comme l’héritier de John Williams, Michael Giacchino s’est retrouvé parachuté sur Rogue One après qu’Alexandre Desplat ait été écarté du pupitre. Pour lui, la mission s’avère presque impossible : honorer la tradition musicale de la saga Star Wars sur un film au montage chaotique, avec quatre petites semaines pour écrire une partition complète.

 

Le premier enjeu de taille était l’invention de thèmes forts qui peuvent s’insérer dans le canon musical. Pour bien les identifier, il faut donc commencer l’album par la fin, avec ses trois suites qui font office de générique de fin. Jyn Erso/Hope suite est le thème principal de Rogue One, dans un style lyrique et dramatique. Le violoncelle est mis en avant sur l’évocation de l’héroïne, sur laquelle on sent peser tout le poids du destin. En regard, Hope est une fanfare positive qui pourrait s’inscrire dans le prolongement du thème de la Force. The Imperial Suite est une piste typiquement giacchinienne, tout droit sortie des jeux vidéos Medal of Honor qui ont lancé sa carrière. Martiale, énergique, elle s’impose par ses variations et apparitions tout au long de l’album et fonctionne très bien lors de ses associations avec les motifs traditionnels des méchants de Star Wars (Krennic’s Aspirations).

Le dernier thème, guardians of the whills, est plus enlevé, plus noble, mais peine à retenir un peu plus l’attention. Ses premières notes évoquent Across the Stars, avant un court développement qui ne permet pas de profiter pleinement de l’ampleur du morceau.

 

Il est vite évident que le compositeur n’est pas John Williams. Avec sa propre patte, Giacchino essaie d’adapter son approche à celle de son illustre prédécesseur, comme il avait eu à le faire sur Jurassic World. Pari relevé haut la main, comme en témoigne l’enchainement à partir de Krennic’s aspiration, où Giacchino réussit un croisement très intéressant entre la musique de la saga et son style. La succession des trois pistes jusqu’à Rogue One est un plaisir immense dans l’entremêlement, l’évocation, la puissance de l’orchestre. Il y fait l’effort de sonner comme du Williams, mais c’est clairement sa manière d’écrire qui transparait. Ensuite, ce brassage se poursuit, mais c’est cette combinaison de morceaux qui rend pleinement conscient du travail de Michael Giacchino pour tenter de rapprocher son propre style et le Williams classique.

Par la suite, il y a quelques pistes jouissives pour fan de SW en manque : Scrambling the rebel fleet avec son enchaînement hyper efficace ou la confrontation des thèmes sur AT-ACT Assault, typique d’une écriture de la Trilogie Originale.

 

L’apparition tardive des chœurs sur le score, sur les imposants The Master’s Switch et Your father will be proud, apportent une touche sérieuse et pesante qui tranche avec leur utilisation habituelle dans la saga (on pense volontiers à la Revanche des Sith). Elle accompagne aussi la fin du film et sa conclusion noire, rehaussée par un Hope bouleversant qui achève cette partie de l’album.

 

Il ne faut pas se tromper sur la filiation entre les deux compositeurs : Michael Giacchino ne singe pas son ainé, mais remet au cœur de sa composition la volonté narrative de la musique, un appui constant aux images par des morceaux évocateurs et fédérateurs. Dans Rogue One, le thème Hope peut croiser celui de la Force, le thème de l’Empereur celui de Jyn Erso, le motif de l’Étoile noire les premières notes du thème de Leia. Il ne copie pas John Williams et ne le veut pas, mais s’impose par sa capacité à entremêler, disséminer, rendre leur force à des thèmes extrêmement présents. L’album original en témoigne déjà, l’album for your consideration qui compte vingt minutes supplémentaires vient parachever cette impression.

 

 

Conclusion

 

Rogue One est un Star Wars, un Star Wars à la fois différent et dans la continuité, qui laisse transparaitre ce que sera la musique de la saga à la disparition de son grand architecte. Avec la volonté de raconter une histoire, Michael Giacchino fait de son mieux pour éviter le pilotage automatique qu’il a connu sur certaines bandes originales de 2016 (Docteur Strange ou Star Trek : Sans limites). Certes, ce n’est pas à la hauteur de ses chefs d’œuvres récents John Carter ou Star Trek : Into Darkness, mais la mission est accomplie avec talent.

 

Rogue One : a Star Wars story

Composé par Michael Giacchino

CD édité par Walt Disney Records

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