LES METIERS DE LA MUSIQUE : entretien avec Hugues Chantepie, photographe

Derrière ce gaillard à l’air pas forcément aimable se cache un homme de coeur et de talent que notre série Les Métiers de la Musique va vous permettre de découvrir. Une plongée dans le travail de celui que je considère comme l’un des trois meilleurs photographes de concert de Paris (même si parfois il triche…). 

eMaginarock : Bonjour, et merci de prendre quelques minutes pour répondre à ces questions. Pourrais-tu tout d’abord te présenter, et nous expliquer comment tu en es venu à la photo, et plus particulièrement la photo de concert ?

Hugues : Après une formation artistique aux beaux-Arts, j’ai toujours essayé d’avoir un regard particulier sur le monde et je t’avouerais, ça ne m’a pas servi du tout pour un tas de raisons que je ne t’expliquerai pas ici. Donc après moult expériences en tant que peintre et dessinateur auxquels je ne trouve plus de raison d’être au 21ème siècle, je me suis donc confronté par la force des choses à être obligé de travailler et au fil des années je me suis retrouvé au sein de la presse magazine en tant que graphiste. La découverte de ce milieu m’a fait rencontrer des gens exceptionnels, une porte s’est ouverte et je me suis retrouvé avec mon vieil appareil dans le pit au milieu des photographes de presse de l’époque. Novice, finalement je le suis toujours et c’est ça qui rend la chose intéressante. Je pense toujours que la performance de l’appareil ne fait pas la photo, la qualité technique peut-être, mais pas la photo au sens artistique telle que je la conçois.

J’erre donc depuis longtemps dans les pits photos avec, par les aléas de la vie, des coupures, mais force est de constater que l’attraction est trop forte et j’y reviens toujours. A l’époque, sans magazine tu n’avais pas accès ou très difficilement au pit photo, lorsque la crise est arrivée les magazines de rock sont tombés comme des mouches et j’ai remonté un site, mais c’était très dur de se faire accepter comme photographe avec un site internet, quantité négligeable, aujourd’hui les chose sont plus faciles, on est pris plus au sérieux, mais les magazines restent encore souvent prioritaires et lorsque tu sais ce qu’ils vendent aujourd’hui tu te marres et leur impact n’est que mensuel, mais les vieilles idées persistent ! Je pense que je me suis complètement égaré, mais c’est une interview ! J’adore me retrouver dans le pit en espérant pouvoir réaliser le cliché qui me donnera l’envie de me dire : « Putain c’est ça la photo de concert, quelle atmosphère particulière ! »

eMaginarock : Comment travailles-tu, quel matériel utilises-tu ?

Hugues : J’utilise aujourd’hui un canon Mark III avec un objectif canon 70×200 (exceptionnel) et un 24×70 Canon vieille génération ! J’ai longtemps eu des boitiers Sony que j’appréciais beaucoup, mais on me regardait un peu de travers, je ne faisais pas partie de la grande famille CANON. Je shoote en RAW, ouverture 2.8 en général en essayant de ne pas dépasser les 3600 iso même si le Mark III est assez bluffant même au-dessus.

eMaginarock : Comment travailles-tu en post-prod ? Quel logiciel utilises-tu ?

Hugues : Retouche sur Lightroom et Photoshop si besoin. Lightroom est très intuitif et facile à gérer, mais les petites finesses se gèrent plus facilement sur Photoshop.

eMaginarock : Comment considères-tu ton boulot de photographe live ? Quelle est la vision qu’en ont les gens ?

Hugues : C’est avant tout une passion, je ne retrouve nulle part le sentiment de challenge, comme dans le metal, peu de temps, peu de lumière et des musiciens en mouvement. Des conditions difficiles pour peut-être un cliché à part. J’ai shooté beaucoup de groupes rock et tu ne retrouves pas ce sentiment de compétition avec toi-même.

C’est avant tout une bulle d’oxygène pour sortir du train train quotidien, la photo reste une démarche à part et très personnelle même si aujourd’hui je pense qu’elle perd de son intérêt face à la vidéo et à la surconsommation d’images sur les réseaux sociaux. Les gens ne prennent plus le temps de grand-chose alors encore moins de prendre le temps de respirer et d’observer. Mon grand plaisir est lorsqu’un petit groupe me demande mes photos et me dit merci, ça rend notre démarche tellement plus enrichissante. Le but reste encore de pouvoir faire plaisir car il y a bien longtemps que je n’ai pas vendu une photo, ce qui paraît aujourd’hui quasiment impossible et désuet.

Tout le monde pense avoir tout gratuitement, ce qui reste finalement un leurre, au regard de nos vies. Le regard des autres reste toujours surpris, mais je pense que ça vient plutôt du fait de l’environnement dans lequel on navigue, le metal est une petite fenêtre où le sentiment de peur et de méfiance existe énormément. Serions nous tous fous de fréquenter ces lieux de perversités !

eMaginarock : Quelle est la plus grosse claque que tu te sois pris sur un live (en tant que photographe) ?

Hugues : Un manche de basse, un objo en pleine face d’un sympathique collègue photographe, un slameur en pleine action avec sa chaussure en pleine gueule, etc ! Plus sérieusement Korn il y a très longtemps à Bercy et récemment Powerwolf au Zénith de Paris pour les photos c’était un bonheur pour moi et mon appareil !

eMaginarock : Et a contrario quel est ton pire souvenir (en que photographe) ?

Hugues : Un manche de basse, un objo en pleine face d’un sympathique collègue photographe, un slameur en pleine action avec sa chaussure en pleine gueule, etc ! En plus un verre de bière sur la tronche, du crachat de chanteur sur le boitier et un mec bourré qui me cherchait les noises que j’ai choppé au cou en lui faisant la pince pour protéger mon appareil, mais comme le public metal est génial, ils ont dégagé le mec et empêché de revenir vers moi « Merci les amis ! ». Autrement comme Cat (Photographe) Dark Funeral au Petit Bain. Pas de lumière et photos de merde !

eMaginarock : Le média pour lequel tu travailles te laisse-t-il toute latitude sur tes photos et tes choix de concert ?

Hugues : Il me laisse toute la latitude que je souhaite, je fais mes propres choix, le rédac chef est super-cool et on boit une bière ensemble régulièrement, en fait c’est moi. Par contre je martyrise Stof (Christophe Favière) qui bosse avec moi, je ne lui passe rien et je ne lui paye pas de coup ! (C’est une boutade pour les gens qui prendraient cela au premier degré !)

eMaginarock : Comment fais-tu pour mener tes activités professionnelles et la photographie de front ? Car c’est tout de même un gros travail !

Hugues : Faut savoir trouver le temps, comme je l’ai dit plus haut, c’est ma bulle d’oxygène comme certains feraient du tricot, sans la photo de concert ma vie me paraitrait plus triste, plus banale, j’ai toujours eu besoin d’une activité artistique. Pour un éventuel cliché, tu piétines, tu attends, tu ronchonnes, tu as chaud et tu parles avec les copains ! C’est bon en fait !

eMaginarock : Fais-tu d’autres types de photographie que du live ?

Hugues : En fait je prends une photo de mon pied chaque jour, c’est tellement bien de prendre son pied !

eMaginarock : Comment vois-tu le milieu musical actuel depuis les pits ? Est-ce difficile pour les groupes de se faire une place ? N’y a-t-il pas trop de groupes et pas assez de scène ou de public ?

Hugues : En fait je le vois de très près, ça m’est même arrivé d’être proche d’un bassiste qui puait des pieds et bien je vous assure ne m’enviez pas sur ce coup là !

En fait la vision est tellement différente en ce qui me concerne, je suis dans un No man’s land entre le groupe et le public et mon sentiment est de ne plus exister et de n’être qu’un œil invisible, j’adore ce sentiment et hélas les images qui défilent devant nous ne se retrouvent pas forcément à l’arrivée dans notre boitier et la déception est grande. Je me rends compte que je ne réponds pas du tout à la question, mais je m’en fous. Multitude de groupes, beaucoup trop nombreux pour qu’ils puissent tous exister, mais du bonheur pour nous photographes. Parfois on se prend une bonne claque à un concert où on ne voulait pas aller et ça c’est encore et toujours du bonheur. Parfois les salles sont vides, mais les groupes ont la niaque et jouent tout de même, de toute façon l’offre est tellement grande que les gens sont obligés de faire des choix et tellement de festivals où ils peuvent retrouver de nombreux groupes pour moins de dépenses en seulement trois jours.

Alors le casse-tête est important, n’y aurait-il pas des choses à faire du côté du gouvernement pour améliorer le pouvoir d’achat des individus et leur donner accès à la culture ?! J’ai dit une connerie le changement, apparemment ce n’est pas pour demain.

 

eMaginarock : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions.

Retrouvez le travail de Hugues sur son site et sur sa page Facebook

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