Abbreaction – Svart Crown

SVART CROWN et un groupe de Black/ Death formé en 2004 à Nice, autour de JB LeBail, guitariste et vocaliste et aussi compositeur inspiré. C’est un groupe vraiment intéressant que j’ai pu découvrir sur scène lors de la tournée de Profane l’album précédent. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre après cette dernière galette qui m’avait mise une claque monumentale et dont je ne me lasse pas.

L’artwork d’Abbréaction est sublime, travaillé aux couleurs chaudes. Une chose est sûre ce travail se ressent aussi, comme à chaque fois, dans les compositions des titres. Ma première impression s’est construite au Petit Bain en février lors de leur passage avec Benighted : les nouveaux morceaux sont lents, appuyés et lourds ce qui tranche radicalement avec les opus précédents. On se rend compte qu’il s’agit là d’un album tout aussi sombre que ces prédécesseurs et aussi plus complexe puisqu’il m’aura fallu plusieurs écoutes pour vraiment m’imprégner des sonorités et de l’atmosphère. Abbréaction propose un voyage thématique dans les travers de l’esprit humain et la perversion qu’apporte toute religion ou croyance. On pourrait évoquer aussi le mal absolu, l’aliénation ou le fanatisme.

L’album s’ouvre sur Golden Sacrament, qui invite d’emblée dans le domaine du religieux. Les sonorités donnent le ton avec une montée progressive de la batterie et de la guitare à sa tonalité si reconnaissable. Ce Golden Sacrament est bien loin d’être pur et innocent. Carcarosa arrive comme une tempête de violence avec sa batterie et la voix aux relents de folie et de colère. Nous voilà plongés dans le cauchemar. The pact to the devil his due est un de mes morceaux favoris car il entre dans la lignée de l’album Witnessing the Fall. C’est un morceau hypnotique qui fait de suite bouger la tête. La lourdeur malsaine des voix en sample, l’accalmie au milieu du morceau, les riffs de guitare et de basse, nous transportent dans cette ambiance de rituel voodoo ou chamanique, tout dépendra de votre ressenti. Upon this intimate madness. se fait le prolongement du titre précédent, d’ailleurs comment peut-on gérer un pacte avec le mal ? Les paroles en anglais et en français nous guident vers une acceptation du mal, de la souffrance. A ce point, on se rend compte que les voix sont très importantes dans cette album car elles apportent une dimension supplémentaire : elles sont un instrument à part entière comme le démontre le titre suivant. Khimba Rites est un autre titre que j’apprécie. Les voix avec l’effet guttural donnent la sensation d’être emporté dans un endroit sombre et fermé tel un tunnel. La sensation d’être encerclé et oppressé par quelque chose de dangereux et d’invisible .

Mais nous ne sommes pas sorti de ce voyage puisque Tentacion, le morceau suivant nous laisse approcher d’une autre ambiance. Autant Khimba Rites peut, pour certains, transporter en Afrique ou dans les Caraïbes avec des rites voodoo autant Tentacion vous embarque au Mexique ou simplement dans le sud des États-Unis. On entendrait presque les serpents à sonnette, il fait chaud et tout est aride, la mort rode. Le septième morceau nous sort de cette rêverie ou plutôt nous embarque plus profondément dans cet état grâce au martèlement de la batterie. Orgasmic spiritual exctasy nous invite à la révélation. Le clip tourné pour ce titre est assez explicite dans ce contenu tribal avec un rite initiatique. On y voit aussi clairement le coté torturé des émotions. C’est d’ailleurs l’un des morceaux les plus reconnaissables de l’album. Transsubstantiation continue le voyage. C’est le premier titre révélé par le groupe en janvier. On a de nouveau une marche bien rythmée avec la batterie, un travail sur les voix pour créer une ambiance lourde, un écho de cathédrale. On s’attend presque à voir débarquer un démon venu d’outre-tombe. Après la révélation, la communion arrive et avec elle une sorte de transe. Et c’est bien dans une sorte de transe que nous sommes embarqué.

On a évoqué la religion et sa perversion, ces deux derniers titres, de part leur signification religieuse, nous invite encore à nous questionner sur cette thématique. Le paradoxe entre le titre du morceau et la musique jouée donne un exemple de remise en question de la religion. Tous ces rites ne sont qu’un leurre nous poussant un peu plus vers une forme d’aliénation. Cela tombe bien le titre suivant parle bien d’illusion. Emphatic illusion propose une ambiance est peu plus heavy dans le rythme et sur certain passage de guitare. On se sent projeté dans une vision cauchemardesque, pétrit d’horreur et de folie, comme dans un film de Rob Zombie. Lwas marque une pause et un clin d’œil au début de l’album. On retrouve comme au début la montée progressive des sons avant d’entamer le dernier morceau. Nganda offre la part belle au travail de composition avant que la voix ne fasse son apparition. Une bonne clôture toute en puissance et d’une belle richesse. Une boucle bouclée, on peut reprendre au début.

La thématique du voyage dans l’esprit humain torturé est résolument une piste pour apprécier cet opus, celle d’une exploration dans les méandres de la perversion et de la religion, en est une autre. Je n’ai pu m’empêcher de penser à cet album comme à un voyage cathartique de leur tournée aux États-Unis en 2015 durant lequel la moitié des dates avaient été annulées. Ils avaient continué, grâce aux fans notamment, et avaient bouclé ce tour de l’enfer avec des expériences incroyables.

C’est un album qui a eu beaucoup de belles chroniques et certaines ont pu comparer l’ambiance a du Behemoth. Il est vrai que certains titres vous y feront penser, mais il s’agit bien là d’un pur Svart Crown. Tous les ingrédients présents dans les opus précédents sont ici travaillés avec précision et minutie. Abbreaction n’est pas un cadeau prêt a à consommer :  il s’écoute, se réécoute et vous accompagne.

 

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