Star Marx – Le Guide de Voyage de l’Aventurier des Mondes Imaginaires – Maximilien et la Moitié

« Après avoir réussi à dominer l’ensemble de la surface terrestre, l’URSSS (Union des Républiques Sidérales, Socialistes et Soviétiques) a décidé d’exporter dans l’espace ses technologies bancales et son sens particulier des libertés individuelles (…) le lecteur va se promener de planètes en stations spatiales toutes plus étranges les unes que les autres, rencontrant au passage des personnages et des scènes tirés des standards de la SF, digérés et parodiés par l’invincible Union Sidérale. »

Cette présentation de l’éditeur résume assez bien l’ouvrage. Dans cet univers où des statues géantes de Staline dérivent dans l’espace, les espèces humaines ou inhumaines peuvent choisir en leur âme et conscience : devenir socialistes ou être exterminées. Mais devenir socialiste, est-ce si grave dans une confédération où l’on trouve partout du Kholka Cola ? La réponse à cette question cruciale est donc apportée par « Star Marx, le Guide de voyage de l’Aventurier des Mondes Imaginaires », dont le ton est rapidement donné puisque les commentaires qui accompagneront le lecteur tout au long de l’ouvrage sont signés de personnages tels que Valeri et Lavraline, « passés au travers du trou noir et digérés dans une dimension parallèle capitaliste par une certain Luka Bessonovitch et ne reconnaissant plus leurs propres traits », mais aussi Jon Difoolsky, Ripleynova la tueuse de xénomorves, ou encore l’extra-terrestre Yar Yar Binski.

La structure de l’ouvrage suit en sept parties le plan méthodique de ce qui pourrait être un vrai guide de voyage : les généralités sur le pays, puis Stalingrad, la capitale, puis le reste de l’union, et enfin les zones frontières. Avec une cinquième partie intitulée « cimetière », consacrée à une sorte de vaste zone poubelle de l’URSSS, et une septième baptisée « les inlocalisables », on échappe aux classiques Baedeker, Guide Bleu ou Guide du Routard pour entrer de plain-pied dans d’autres dimensions, dans lesquelles, il est vrai, on s’est déjà engagé sans peut-être s’en rendre compte. Enfin, ultime section, les indispensables « annexes » consacrées au ciment des fondations de l’Union des Républiques Sidérales, Soviétiques et Socialistes à savoir le Goulag, élevé aux dimensions cosmiques et s’étendant à des planètes entières en autant de variantes évoquant les cercles de l’enfer.

« Star Marx », plus qu’une charge contre un système politique dont les boulons ont depuis longtemps sauté mais dont les rhétoriques fumeuses, sous d’autres masques, n’ont pas été longues à réapparaître, est aussi une promenade goguenarde à travers un univers qui s’est développé, précisément, durant la période où le système communiste commençait à s’effondrer : celui du jeu de rôles. Comme si, alors que les journalistes appointés et les commissaires politiques de l’union soviétique abandonnaient leurs descriptions et discours d’un communisme victorieux qui n’était rien d’autre qu’une gigantesque fiction plaquée sur un décor branlant, comme si, alors qu’ils revenaient timidement au réel sous l’influence de Mikhail Gorbatchev et de la perestroïka, cette formidable quantité d’imaginaire ne pouvait entièrement disparaître et renaissait ailleurs, dans le monde dit libre, sous d’autres masques et d’autres formes. On pourra difficilement d’en étonner. Réécrire non seulement l’histoire passée mais aussi le présent comme un monde alternatif, et forcer ses pions à jouer le jeu, tel était l’un des objectifs de la propagande soviétique. Rien d’autre, en somme qu’un gigantesque jeu de rôle.

Cette rhétorique politique qui durant des dizaines d’années s’est exercée à l’encontre de tout respect pour le réel est particulièrement bien rendue dans les chapitre des « inlocalisables » qui aborde certes des endroits improbables comme un Cuba et un Guantanamo parallèle, mais aussi, et surtout, où les auteurs du guide, qui en l’espace de quelques pages glissent sur la pente savonneuse de la dissidence, évoquent un autre univers aux confins de l’espace, un univers capitaliste bien entendu barbare et ridicule. Mais des mondes aussi grotesques existent-ils réellement ? Sont-ils des mythes ? Sont-ils seulement possibles ? Un bel hommage à ceux qui, même sous l’œil de Moscou et avec le Goulag en ligne de mire, ont refusé, au péril de leur vie, de se laisser museler et de laisser périr la satire dans sa grande tradition.

« Star Marx, le Guide de voyage de l’Aventurier des Mondes Imaginaires », n’est pas seulement truffé d’allusions aux errances politiques passées et présentes, et à vrai dire aussi bien communistes que capitalistes, mais également au cinéma et à la littérature, qu’ils soient classiques ou de genre, à la bande dessinée, aux séries, aux jeux, aux marques, en tel nombre qu’il faudrait sans doute un « Guide du Guide » pour les saisir toutes. Comme le communisme se vantait autrefois de tout englober et de tout remplacer, « Star Marx », lui, a décidé de tout passer à la moulinette.  Et que ce guide soit construit non seulement sur les fondations déliquescentes d’un système politique obsolète, mais aussi d’un véritable jeu de rôle méthodiquement développé, dont on trouvera sans peine sur le réseau des fascicules déjà nourris, expliquera sans doute son aspect par moments un peu potache : s’il y a certes de jolies trouvailles, les allusions ne sont pas toujours très fines, et les jeux de mots ou les transformations « à la russe » des noms propres sont souvent un peu faciles. Qu’importe : comme tout ouvrage à prétention humoristique « Starx Marx », pour amuser au mieux, ne doit pas surtout être lu comme un roman sous peine de lasser, mais au contraire à petites doses, chapitre par chapitre. De par ses doubles fondations, il devrait amuser non seulement les nostalgiques de l’humour involontaire de Georges Marchais ou ceux qui se sont amusés d’ouvrages fameux comme « Le Communisme est-il soluble dans l’alcool » de Philippe et Antoine Meyer mais aussi ceux qui ont biberonné au jeu de rôles depuis leur plus tendre enfance. Premier « beau-livre » d’une jeune maison d’édition, solidement relié, imprimé sur de papier glacé, richement illustré par David Cochard, présenté sous une belle couverture politiquement « vintage » et dans un format moins encombrant que les beaux livres classiques, « Star Marx, le Guide de voyage de l’Aventurier des Mondes Imaginaires », qui combine les couleurs écarlates de la propagande et de la houppelande du père Noël, pourrait faire un joli cadeau pour les fêtes de fin d’année.

Star Marx, le Guide de voyage de l’Aventurier des Mondes Imaginaires

Maximilien et La Moitié

Illustrations De David Cochard

Éditions Léha

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