Les Loups d’Uriam – Les chroniques hérétiques livre 1 – Philippe Tessier

L’auteur attise la curiosité des lecteurs dès le prologue où l’on assiste ni plus ni moins qu’à la création de Tire-d’Aile, un pantin qui prend vie. Difficile de ne pas penser immédiatement à Carlo Collodi et à son Pinocchio bien qu’ici l’histoire se démarque nettement de sa version ou de celle de Disney. Contrairement à Pinocchio, Tire-d’Aile possède des ailes, et malgré sa constitution de bois, est aussi vivant que vous et moi. Il a ainsi la capacité de ressentir les émotions qu’elles soient positives et joyeuses ou négatives et douloureuses. Il fera d’ailleurs très vite l’expérience de la peine en étant brutalement séparé de son créateur, le très énigmatique magicien maître Saule. Celui-ci aura néanmoins le temps de lui confier la  mission de veiller sur une flamme très particulière.

Condamné à partir sur les routes avec de nombreuses questions en tête notamment sur ce qu’il est, ce qu’il doit faire et ce qui est arrivé à son créateur, le jeune garçon sera fort heureusement épaulé par différents personnages qu’il croisera tout au long de son aventure. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’auteur a laissé libre court à son imagination avec des personnages aussi variés qu’originaux et complexes : une araignée de cristal, une flamme vivante qui, si elle ne parle pas, est pourtant des plus expressives, une fée de la rosée enjouée et pleine d’un optimisme qui sera fort utile dans les moments les plus sombres de l’aventure, un loup répondant au nom poétique de Nacre, un trappeur ayant la capacité d’emprunter des aptitudes aux loups, une femme mystérieuse dont le prénom Ombre exprime en un seul mot sa personnalité, un esprit émanant des souvenirs d’un personnage quelque peu grincheux… Cette équipe hétéroclite et originale perdra ou gagnera des membres au cours de l’histoire mais elle ne passera jamais inaperçue. L’auteur inclut également bon nombre d’autres créatures dans son roman, certaines plus connues que d’autres : hommes-loups, licornes, sylphides, pégases, dragon… Si comme moi, vous adorez les romans riches en créatures fantastiques, vous serez donc certainement séduits par ce bestiaire.

D’abord assez naïf, Tire-d’Aile évolue et grandit au gré des péripéties et des amitiés qu’il se forge. Il faut dire que plutôt attachant et courageux, il n’a pas trop de mal à se faire de nouveaux amis. Certains d’entre eux lui seront précieux pour l’aider à apprendre, non sans peine, à maîtriser ses pouvoirs magiques et à contrôler les éléments. Ses capacités sont telles qu’on entrevoit assez rapidement que son rôle dans l’histoire est peut-être bien plus important qu’il n’y paraît… Même si l’auteur laisse planer le mystère sur les raisons de sa création par maître Saule, je n’ai pas été surprise par la révélation finale. Cela ne m’a pas empêchée, à l’instar de Nacre, d’espérer très fortement qu’une autre solution soit trouvée afin que Tire-d’Aile n’ait pas à faire ce que l’on attend de lui. Mais pour en être certain, il nous faudra attendre le deuxième tome qui devrait fort heureusement être publié en 2018.

Tire-d’Aile est courageux et attachant, mais j’avoue néanmoins lui avoir préféré Nacre, un loup qui n’a pas sa langue dans sa poche. Si tous les personnages aideront à leur manière Tire-d’Aile, Nacre se comportera presque comme un père de substitution, et se montrera très protecteur envers lui en mettant tout en œuvre pour assurer sa sécurité.  Tour à tour drôle, mélancolique et combattif, Nacre est pour moi le personnage le plus humain de l’équipe d’aventuriers, et incontestablement mon personnage coup de cœur de ce roman. J’ai adoré son humour et ses digressions qui ont le mérite d’amuser le lecteur et de faire tomber la pression. Cela lui permet également de supporter la vie malgré le fardeau qu’il semble porter et que l’on commence tout juste à effleurer dans ce premier tome. Il semble donc plus complexe que ce que sa bonhomie ne laisse présager…

L’histoire de Tire-d’Aile, jeune homme qui, vierge de tout souvenir, découvre le monde, sa beauté mais aussi sa cruauté, peut donner le sentiment que l’auteur fait quelques incursions dans le domaine du conte initiatique voire philosophique. Que ce soit le cas ou non, j’ai apprécié qu’à travers l’imaginaire, l’auteur aborde des thèmes difficiles qui sont, quant à eux, bien réels : la guerre et ses exactions, le pouvoir, la religion, le fanatisme… A cet égard, j’ai particulièrement apprécié un passage où Tire-d’Aile découvre le massacre perpétré par ses alliés, les hommes-loups, contre leurs ennemis. Cet épisode, qui va profondément l’affecter, le poussera à observer avec des yeux nouveaux ce peuple allié et à reconsidérer ses actes. En découlera de sa part une vraie réflexion sur l’absurdité de la guerre qui conduit deux ennemis à s’entretuer et à commettre les pires atrocités au nom de leurs idéaux et du passé. Dans ces conditions, peut-on vraiment parler de gentils et de méchants ou juste de deux ennemis emprisonnés dans le cercle vicieux de la haine et de la barbarie ?

Le livre fait un peu plus de 400 pages, mais il se lit relativement vite. Il y a bien quelques temps morts permettant aux personnages de souffler entre deux dangers ou deux révélations, mais dans l’ensemble, le rythme du récit est plutôt soutenu. Pour ma part, je ne me suis pas ennuyée un seul instant retrouvant toujours avec un plaisir certain Tire-d’Aile et ses amis. Il faut dire qu’en plus d’une histoire prenante, l’auteur laisse planer une aura de danger et de mystère permanente propice à vous donner envie de vous plonger dans son roman. J’ai donc adoré ce roman, mais il m’a toutefois manqué ce petit quelque chose pour qu’il se transforme en coup de cœur. Je n’ai ainsi pas retrouvé le côté page-turner qui m’aurait poussée à me jeter sur ma lecture presque de manière compulsive. Est-ce un défaut ? Pas à mon sens d’autant que cela me paraît plutôt logique. La densité du livre, les nombreuses informations, les enjeux parfois complexes de l’intrigue, l’évolution des personnages, la plume poétique de l’auteur… sont tout autant d’éléments qui vous poussent non pas à dévorer le roman, mais plutôt à le savourer.

Enfin, j’aimerais souligner le gros point fort du roman, du moins en ce qui me concerne, le style de l’auteur. Dès les premières lignes, j’ai été séduite si ce n’est complètement conquise par l’élégance et la finesse de sa plume sans oublier son côté immersif qui vous plonge corps et âme dans cette histoire teintée d’onirisme. Le récit dégage en outre une poésie qui confère au roman un côté enchanteur qui est d’ailleurs parfaitement retranscrit dans la sublime couverture de David Cochard.

En conclusion, Les Loups d’Uriam offre une magnifique plongée dans la toute jeune vie d’une création de bois qui se révèlera bien plus humaine que certains hommes, et qui semble vouée à une grande destinée. Quant à savoir laquelle, il vous faudra le découvrir en parcourant le livre de Philippe Tessier qui mêle actions, mystères, amitiés, personnages complexes, magie et sorciers aux sombres desseins, créatures fantastiques en tout genre, guerre, trahisons… Très riche, le récit se révèle pourtant d’une grande fluidité grâce au style de l’auteur qui saura conquérir les amateurs de belles plumes poétiques et d’histoires complexes, mais immersives. Vivement la suite !

Les chroniques hérétiques livre 1 : Les Loups d’Uriam
Philippe Tessier
Édition Leha
19€

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