Jacob Kelley, ancien chercheur en physique quantique, s’est reconverti dans l’enseignement. Il mène une existence paisible en compagnie de son épouse Elena, de son fils Sean et de ses deux filles, Claire et Alessandra. Un soir, un de ses collègues anciens Brian Vanderhall, débarque à la maison, et, de manière désinvolte, pose devant eux un gyroscope sur la table. De manière impossible, comme s’il était pourvu d’une source d’énergie interne, le gyroscope se met en rotation. Puis Vanderhall sort une arme et tire sur l’épouse de Kelley. La balle, qui semble avoir diffracté de part et d’autre de la cible, s’enfonce dans le mur derrière Elena.
Dès lors, tout dérape. Après une brève altercation, Vanderhall disparaît. En compagnie de Marek, son beau-frère roumain, Kelley s’en va mener l’enquête dans le bureau de Vanderhall, qui a laissé à son intention un message crypté. Puis dans le laboratoire du scientifique, où il retrouve Vanderhall mort, un système parfaitement au point de résonance quantique, et une étrange créature issue du monde subatomique que les agresse tous deux, et que Marek s’empresse de nomme le varcolac – le démon. Celui-ci n’est pas près de les lâcher dans un monde ou le phénomène de superposition quantique s’est étendu au monde macroscopique.
En effet, il existe désormais deux Vanderhall, deux Kelley. Un Vanderhall mort dans son propre laboratoire et un bien vivant à l’extérieur. Un Jacob Kelley bientôt en prison et accusé du meurtre de Vanderhall, et un Kelley en cavale dont l’épouse et les enfants ont été assassinés, ou enlevés. La superposition quantique : deux états simultanés, en apparence incompatibles, mais néanmoins réels, et qui devraient, lorsque la fonction d’onde s’effondre, fusionner en un unique état.
Un soupçon de physique quantique, donc, avec cette notion de superposition, un peu de chat de Schrödinger, un peu de sphère de Bloch : des notions dont le lecteur de science-fiction est déjà familier. Pas véritablement de hard-science pour autant : ces notions sont abordées rapidement, simplement (une postface de Roland Lehoucq revient sur ces éléments), et aucune migraine n’est à craindre pour le lecteur. Un peu de science, une forme de vie nouvelle détentrice de connaissances fabuleuses mais pas forcément bien intentionnée, du suspense, des amis et des traîtres, de l’action, du suspense, David Walton propose avant tout un thriller mouvementé.
Si David Walton ne manque pas d’astuce – son idée d’aborder une partie de l’intrigue par le biais du procès de Kelley permet d’aborder les notions scientifiques par le biais d’une explication aux jurés, son utilisation de l’accélérateur de particules n’est pas sans rappeler les classiques du genre comme ” L’œil dans le ciel” de Philip K. Dick – force est d’avouer que bien des aspects sont soit passés totalement sous silence, soit si rapidement mentionnés, et éludés, que le lecteur se posera forcément certaines questions. Comment Vanderhall est-il parvenu à mettre au point son système de résonance quantique ? Comment a-t-il réussi à entrer en communication avec les intelligences quantiques de manière plus fine que l’échange de nombre premiers ou de formules mathématiques, en dehors de tout langage commun ? Pourquoi ces intelligences interviennent-elles dans un monde qui n’est pas le leur ? Et surtout, pourquoi ces superpositions quantiques, qui en devraient se manifester qu’à l’échelle subatomique, s’appliquent-elles soudainement aux êtres humains ? Et l’auteur se débarrasse bien trop facilement de la double existence de Kelley dans la partie liée au procès pour que cela soit un seul instant crédible.
On le voit : l’action prime sur la robustesse de l’intrigue. « Superposition » reste donc très éloigné d’un véritable ouvrage de hard-science, mais plutôt un de ces thrillers à tendances technoïdes dont les péripéties l’emportent sur l’aspect scientifique, et pour lequel quelques notions de physique fondamentale servent à la fois de moteur, de caution, et de prétextes à rebondissements. On ne peut dénier l’habileté de l’auteur à les intégrer dans ce thriller, tout comme il intègre bien d’autres éléments à la mode et «qui marchent » : le procès (thématique dont on est particulièrement friand outre-Atlantique), le héros qui devient un fugitif, les réseaux sociaux du futur dans lequel s’abîment les jeunes et que les adultes ont du mal à comprendre, les super-pouvoirs avec la tablette devenue quasiment magique dans la mesure où, grâce à des « routines » informatiques elle permet de s’affranchir des contraintes de la matière, le pathos avec les enfants du héros et la maladie chromosomique du bébé d’une de ses associées, un peu de terreur, beaucoup de péripéties et une happy end. L’auteur, on le voit, vise un très large public. Il n’est donc pas étonnant, comme nous l’apprend la quatrième de couverture, que les droits de « Superposition » aient été acquis en vue d’une adapatation en série télévisée. Ce roman contient en effet tous les ingrédients d’une bonne série, avec effets spéciaux à la clef
David Walton : Superposition
Traduction par Eric Holstein
Couverture : Jamy van Zyl
Editions ActuSF