C’est l’histoire d’un poivrot notoire, O’Keefe, et de son meilleur pote, le féroïen Olaf, patron de l’Angle Saxon, point de chute attitré de notre « héros ». Le récit pourrait s’arrêter là, entre beuveries sans fin et quotidien insipide où les jours n’en finissent plus de se succéder, semblables les uns aux autres. Banal. Mais ce serait sans compter sur le talent de David Baudet pour bousculer cet état de fait et y introduire une composante surnaturelle qui va venir chambouler la vie, par trop établie, de nos protagonistes.
Car les dieux existent ! Et ceux-ci peuvent « arrimer » des individus, les astreignant alors aux missions confiées par leur dieu tutélaire. Certains comme Olaf luttent et si refusent, devenant des Réfractaires, d’autres, plus lâches ou moins nobles, « embrassent » leur condition bon an mal an, comme O’Keefe. Sans trop de zèle toutefois, contrairement aux Phalanges qui eux ne vivent que pour leur mission divine … et prennent en chasse les contrevenants.
C’est dans cet ordre presque établi que déboule Mehdi, ado mal dans sa peau et ignorant de tout cet arrière-plan dans lequel s’inscrit le récit. Le petit est pourchassé par d’étranges assaillants tous vêtus de noir et à l’air pas commode, ce qui est peu dire. Manquant de se faire enlever pour une sombre raison, que l’on découvrira que bien plus tard, il se trouve secouru par O’Keefe et Olaf, ces derniers alors embrigadés dans un complot qui les dépasse de beaucoup. Car les dieux ne se contentent pas d’exister ! Chacun agit pour ses intérêts propres, malmenant parfois les Jalons d’autres dieux. Et c’est dans ce charivari qu’entrent dans la danse et se découvrent nos protagonistes.
Car O’Keefe, s’il se décrit lui-même comme un pro de la fuite et cherche à s’échapper loin des problèmes à la moindre occasion, n’en fait pas moins montre d’une certaine bravoure, n’en devenant que plus attachant … Notre anti-héros de base se muerait-il alors en véritable héros, se révélant ainsi à lui-même ?
Abrupt peut-être au premier abord, le récit n’en devient que plus savoureux à mesure que l’on entre dans le monde de David Baudet, qui manie la plume avec une rare dextérité. Sa gouaille toute choisie n’en est que plus savoureuse dans la bouche des personnages et les expressions choisies avec soin et toujours une certaine dérision, contrebalançant entre humour parfois potache et mots fort bien trouvés. Pagan Pandemia, Le cloaque des dieux, âpre et beau, véritable exercice de style propose des personnages hauts en couleur, comme Mama Jérémiades, le tout servi par la verve iconoclaste et drôle à souhait de l’auteur. Les références, notamment musicales, fusent, de même que les jeux de mots et l’architecture même du bouquin s’amuse à proposer des pauses clopes et autre réclame à son lecteur.
Un régal d’ingéniosité ! On en redemande !
Pagan Pandemia, Le cloaque des dieux
David Baudet
OVNI, éditeur d’autres réalités
427 pages
19,90 €