La Compagnie Noire existe depuis toujours. Elle a traversé les époques, les territoires et les royaumes, acceptant tous les contrats, même les pires, remplissant toujours la mission confiée. C’est une armée de mercenaires, constituée au fil du temps, recrutant sans arrêt tant pour grossir ses rangs que pour remplacer les morts. Sorciers, brutes, soldats déserteurs, paysans en quête d’aventure et de richesses… Son histoire est le lien qui unit ses membres, elle façonne leur fidélité à cette famille autant que les épreuves et la fraternité du combattant. Toubib est l’annaliste du présent. A la suite de ses prédécesseurs, il tient les annales de la Compagnie, retranscrit le quotidien de ses compagnons, leur en lit des passages. Il est l’observateur, le médecin et accessoirement le soldat. En cette vie, il va toutefois être le témoin et l’acteur d’une époque faste et sombre pour les siens. Un coup du sort va offrir à la Compagnie Noire le plus dangereux et le plus retors des employeurs : Volesprit, l’un des dix Asservis de la Dame. Bon gré mal gré, la Compagnie va unir ses forces à ce sorcier aussi inquiétant que puissant et se ranger dans le camp d’une impératrice de fer dans sa lutte contre une prophétie. Car la comète est là, annonçant le retour de l’ennemie jurée de la Dame : la Rose Blanche.
Cette intégrale tome 1 regroupe les trois premiers tomes de la saga : La Compagnie Noire, Le Château Noir et La Rose Blanche.
S’attaquer à la lecture des Annales de la Compagnie Noire c’est entrer dans la famille de Toubib ! En parfait transcripteur, tout nous est conté de son point de vue, assaisonné de ses impressions propres quant aux gens, aux évènements et à son rôle qui s’étoffe au fil du temps, qu’il le veuille ou non. On comprend rapidement qu’il n’est pas né de la dernière pluie, qu’il connaît ses compagnons comme s‘il les avait faits, de leurs qualités à leurs pires défauts sur lesquels il passe souvent, laissant au capitaine en titre le soin de jouer les gendarmes.
Dès les premières pages, on sait que l’on est plongé dans un univers de Dark Fantasy. Le titre de la Compagnie n’est pas qu’un indice, il est un fil conducteur pour ce monde qui ne connaît que conflits, petits ou grands, de la bagarre de taverne à la bataille en plein champ. Assassinats, viols, pillages, arnaques, sacrifices humains, à coups dague dans le dos ou de tours de magie alambiquée, tous les coups sont permis ! Rien de surprenant en soit que les règles de ce monde nous apparaissent peu à peu mais de plus en plus sombres au fil des chapitres. Après les vices de la Compagnie et ceux de leurs adversaires, place aux magiciens sadiques qui les emploient et à leur souveraine aux accents façon Tolkien, qui fouille les cervelles à grand renfort d’œil irradiant de lumière et de chaleur pour percer tout ce qui s‘y trouve, même le plus inavouable des secrets. C’est par ce truchement peu agréable tant physiquement que moralement que notre conteur Toubib devient le malheureux chouchou de la Dame… Et son bras armé préféré lorsqu’il s’agit de régler des comptes dans le dos du reste de la Compagnie, entendez à ses propres serviteurs sorciers… Et oui, le monde de la Compagnie Noire est aussi celui de la trahison et de l’ambition.
Chaque tome relié dans cette intégrale présente un cheminement différent pour la Compagnie comme pour Toubib mais insiste bien sur les coups du sort qui n’épargnent personne. Quelques surprises sont totales et d’autres pas du tout et on regrette la sous-exploitation de protagonistes secondaires tels que Bomanz (La Rose Blanche).
La magie est omniprésente mais d’abord mise en œuvre pour des plaisanteries douteuses sources d’éternelles disputes entre les deux sorciers surdoués de la Compagnie avant de montrer un visage étonnant entre les mains de ces mêmes magiciens ou des Asservis. Êtres mystérieux entre tous, ces personnages n’en finissent plus de susciter la curiosité, et la terreur, auprès de Toubib et donc du lecteur.
Si l’action magique enfle au cours du récit, les combats menés par les soldats sont bien souvent relégués à de maigres descriptions ou échauffourées en dehors de la bataille finale des deux premiers tomes reliés dans cette intégrale 1. Glen Cook évite la difficulté de telles mises en scènes en menant son narrateur sur d’autres missions simultanées pour lesquelles Toubib officie avec un ou deux compagnons, Corbeau étant le plus fidèle à ce jeu car le plus talentueux.
Corbeau, Toubib, Gobelin, Qu’Un Œil, Tam-Tam, Chérie, Otto, Elmo, Volesprit, la Dame… Les protagonistes de l’histoire semblent uniquement porteurs de surnoms. A la première vue, on peine à les trouver attachants en raison de ces noms qui ressemblent à des plaisanteries, de leur côté très Dark Fantasy assaisonné d’un vocabulaire grossier de choc, du peu de descriptions physiques que nous offre Toubib ou de ses propres critiques. Mais, en avançant dans la lecture, on découvre que ce n’est pas une facétie de Glen Cook. Les vrais noms sont une arme dans cette histoire : ils donnent un moyen de représailles sur les proches de l’ennemi mais surtout permettent à quiconque connaîtrait le vrai nom d’un sorcier de le priver de son pouvoir. Intéressant !
Par ailleurs, on peut franchement dire, à force de partager les pensées de Toubib qu’il nous devient sympathique en dépit de son mauvais caractère et de ses faux pas. Glen Cook prend même soin de ne jamais cacher les défauts ou les bévues de son narrateur.
L’aspect tactique des actions de la Compagnie Noire est bien traité, mélange d’imagination fertile et d’astuces de bon seigneur de guerre. Les références à l’époque médiévale sont d’ailleurs nombreuses, vocabulaire technique, architectural, tactique etc… rien ne manque, sans alourdir le récit, juste de quoi lui donner corps.
En revanche, le fait est que le style de Glen Cook est parfois surprenant, déroutant même pour le lecteur. Certaines tournures de phrases cassent le rythme de lecture qui oscille entre longueurs inutiles, précipitations dans l’action et devient parfois fouilli. Il faut donc s’armer de patience car les quelques 50 à 100 premières pages de chacun des trois volumes reliés ici sont…. Longues ! Mais une fois que tout est ainsi mis en place, le démarrage est savoureux et accrocheur en diable !
L’édition en intégrale J’ai Lu est un bienvenu économique pour découvrir ce monument de la Dark Fantasy même si la finesse du papier le rend fragile. On apprécie comme toujours la qualité de la couverture souple mais cartonnée, la beauté de l’illustration de Samuel White qui donne immédiatement le ton, la traduction, la typographie et l’absence de coquille.
Les Annales de la Compagnie Noire – Intégrale 1
Glen Cook
J’ai Lu
Collection : Semi-Poche Imaginaire
Traduction : Patrick Couton et Alain Robert
Illustration : Samuel White
Sortie : 11/03/2015
16,90