Choquée par l’agression dont elle a été victime au Caire, sauvée in extremis par Arsène, Jade exige des réponses de la part de Morlon. Son corps porte les stigmates de la chose qui s’est éveillée en elle, de cet être vorace qui a tué et englouti nombre de gens présents lors du rituel qui l’a éveillée. Jade sent encore sa dangereuse présence tout au fond d’elle, prête à jaillir sous l’impulsion de sa colère ou de son désir, faisant d’elle sa prisonnière. Car si elle ne lutte pas à chaque instant, Jade perdra la contrôle et sera perdue ainsi que ceux auxquels elle tient, ses nouveaux amis et celui qu’elle aime, Arsène. La vérité surgit telle une claque : Jade serait la réincarnation de la femme parfaite créée par les Anciens, la source de vie pour les Humains, le parfait mélange génétique du savoir des Anciens et donc la clé permettant d’ouvrir la seule vraie Brèche ouvrant l’accès de la Terre aux Dévoreurs. Morlon fait lire à Jade le récit de sa première rencontre avec l’ennemi, avec Yasmina, 700 ans auparavant, alors qu’il était en Terre Sainte dans l’armée du roi de France. En dépit du fabuleux récit, Jade peine à envisager que son hôte soit plusieurs fois centenaire. Mais il insiste et lui révèle pourquoi les Anciens auraient créé un être vivant permettant d’ouvrir la Brèche à leurs ennemis jurés. Ce risque serait calculé car s’il permettrait aux Dévoreurs d’envahir la Terre, il serait à double tranchant car cette porte ouverte sur leur monde permettrait de leur envoyer une arme ultime mise au point par les Anciens pour les exterminer définitivement. Grâce à Jade, les Chevalier de Saint-Michel ont une chance de vaincre. Mais Jade, tourmentée par les appétits de l’Autre, par tant de secrets, par son amour et son désir grandissants envers Arsène, n’a plus confiance. Schwartzkonig en profite pour la piéger et lui fait abaisser le bouclier protecteur de la forteresse de Morlon. La bataille s’engage mais semble désespérée. Seule Alice, rescapée de la guerre millénaire, pourrait les sauver, à moins que Jade ne laisse l’Autre la prendre… Au risque de tuer tout le monde sans distinction, amis et ennemis, humains et créatures !
Ce tome 3 fait immédiatement suite aux évènements du second volume des Enfants d’Erebus.
Plus encore que dans les deux premiers tomes, l’action se précipite dans Imago, laissant peu de temps aux personnages pour souffler ou se morfondre, juste de quoi présenter leur état d’esprit et affirmer leur personnalité.
On retrouve une Jade moins sûre d’elle, déchirée entre son amour naissant pour Arsène, ses sentiments, son désir pourtant bien humain, naturel et cette nature extra-terrestre qui l’habite, vit en elle et fait d’elle quelqu’un d’autre, une entité mortelle pour quiconque l’approcherait de trop près. Cette lutte transforme Jade physiquement et psychologiquement. Jean-Luc Marcastel n’épargne rien à son héroïne, insiste sur la naissance pure et simple de sa féminité dans son essence la plus naturelle. Comme une superbe plante vénéneuse, Jade sait qu’elle s’achemine vers une fatale destinée. Son rôle fait d’elle une sorte d’otage au sein d’une guerre qu’elle n’a pas choisi. Certes, elle veut venger son père mais les évènements aidant, les révélations sur ce père se multipliant, Jade finit par douter de tout et de tout le monde. La force lui revient quand elle apprend que ses sentiments sont partagés, que ses amis, Alice en tête, la comprennent et ne la jugent pas aussi sévèrement qu’elle-même.
Les personnages secondaires affirment plus encore l’importance de leur rôle dans cette histoire riche et surprenante. Parmi eux, anges salvateurs pour la cause des Anciens, Alice et Arsène se révèlent pleinement. Soldat au service d’une cause, d’une revanche pour le chagrin et la perte supportés, Arsène évolue grâce à son amour pour Jade. Prêt à tout pour la soutenir, il est celui qui lui ouvre les yeux sur le secret et la véritable force de cette Autre qui la tourmente. Grâce à lui, Jade accepte cette nature hideuse et dangereuse et parvient à accomplir ce qu’elle doit. Alice, sylphide devenue incarnation d’une robotique pulpeuse et métallique aussi savoureuse que les visions offertes par Metropolis, l’imaginaire d’un Leiji Matsumoto ou d’un Roger Leloup (Yoko Tsuno), sévère de par sa tragique expérience, devient une amie, une confidente, un modèle de caractère pour la jeune fille.
Morlon et Armand s’étoffent également sous la plume de Jean-Luc Marcastel. Le passé d’Armand, ses propres mystères, le rendent à la fois plus attachant et plus dangereux. Son vécu, sa traversée de l’enfer des tranchées, la tragédie de son amour perdu, son propre combat pour protéger Jade du monde, sachant ce qu’elle est, rien n’est épargné à ce surhomme dont l’âme n’en est pourtant pas plus noire ni plus forte. Face à lui, Morlon, sorte de double absolu, ne renonce pas, s’accrochant à ses convictions, à ses illusions propres, il exprime ses choix, assume ses errances mais refuse tout autant d’écouter, d’accepter qu’il existe d’autres moyens d’agir que par la force brute, la mise en danger de ses alliés, la volonté de tout sacrifier pour sa cause, même ses amis et la femme qu’il aime.
Riches, tous les personnages des Enfants d’Erebus le sont, du moins ceux qui en sont les héros. En dehors d’Armand qui joue double jeu, les grands méchants, leurs ennemis, que ce soit les Dévoreurs ou leur serviteurs, Shoggoths et humains, sont esquissés mais jamais aussi bien fouillés. On connaît leur allure, leur but concret mais guère ce qui couve en-dessous. Peu de convictions profondes, de raisons propres. Ils sont des ennemis de l’humanité, point final. C’est suffisant mais l’équilibre est fragile et si le récit n’était pas aussi bien mené, avec une maîtrise du suspense, de l’action, une attention délibérément appuyée sur les principaux protagonistes très attachants, on regretterait ce flou.
Jean-Luc Marcastel enveloppe son récit dans un environnement décoratif et ornemental mêlant années 30, époque médiévale et futuriste, fantastique, étendues glacées immuables. Pour autant, tous ces artifices se marient idéalement à l’histoire.
Un zest de Jules Verne, une pincée de Ligue des Gentlemen Extraordinaires, le tout assaisonné d’une sensualité qui rappelle les grandes envolées d’Anne Rice (Maléfique), l’écriture de Jean-Luc Marcastel est vive, directe, haletante. La mise en place des grandes lignes et du déroulement du récit ne laisse rien au hasard et si la théorie scientifique autour de la lutte Anciens-Dévoreurs laisse un peu pantois ou songeur, on s’en arrange très bien, emporté que l’on est au cœur de l’action et la description horrifique et précise des créatures voraces de chair humaine ! Les tactiques visant à présenter le passé de Morlon puis d’Armand sont intéressantes et agréables. Ainsi, on ne se retrouve pas à lire un laïus sans fin et barbant. Le dénouement est un vrai plaisir puisque tout est bien qui finit bien, ou presque, et qu’il respecte une logique pourtant pas si évidente compte tenu de la complexité de l’intrigue.
J’ai Lu confirme son attachement à une trilogie et un auteur de qualité. La ligne éditoriale de sa collection Semi-Poche Imaginaire est vraiment appréciable avec une belle qualité papier, impression (une seule coquille lue), typographie et couverture pour un prix raisonnable (surtout pour plus de 500 pages !).
Les Enfants d’Erebus se clos avec superbe dans Imago, affirme que Jean-Luc Marcastel est un auteur à suivre, à lire dont l’imaginaire n’a d’égal que sa capacité à créer de très bonnes histoires et de merveilleux personnages.
A lire, à dévorer, absolument !
Imago – Les Enfants d’Erebus T.3
Jean-Luc Marcastel
Collection : Semi-Poche Imaginaire
Illustration : Fotolia/Editions J’ai Lu
J’ai Lu
14,90