Deuxième jour de traque. Depuis le départ du château, la pluie n’a pas cessé de tomber. Je profite d’une roche en surplomb pour abriter le journal et écrire ce premier compte-rendu. Arrivés sur les alpages, nous avons suivi la crête pour trouver des indices. Rien ne nous avait préparés à ce que nous avons trouvé là. Un autre campement avait été édifié à cinquante pas à vol d’oiseau du premier et tout indique qu’alors que nous pensions notre retard considérable, ses occupants s’en étaient allés quelques heures auparavant.
Le sergent Orville occupe un poste pour le moins routinier et sans grand danger au château de Hautterre, un petit marquisat sans prétention. Pourtant, un jour, son destin bascule. Deux enfants ont été enlevés et, sur leurs couches, des bourses remplies d’argent ont été découvertes. De la monnaie frappée d’étranges symboles. Orville se retrouve alors promu capitaine-ambassadeur-militaire, un grade qui lui donne droit de vie ou de mort sur de nombreuses personnes. Sa mission est simple : poursuivre les ravisseurs sans jamais les affronter et tenir un livre détaillé de ses actions. S’il doit abandonner sa traque, il finira sur l’île du Goulet. Une tâche qui se révèle bientôt aussi complexe que dangereuse…
L’histoire est sans conteste le point fort de ce roman, premier tome d’une série de sept. Complexe, dotée d’un savant mélange de politique, de guerre et d’appétits humains très variés, elle est pourtant parfaitement maîtrisée par l’auteur qui parvient à la distiller de manière passionnante au gré des pages. Il réussit le tour de force de raconter par le détail des éléments parfois secondaires pour l’intrigue tout en leur donnant une intensité qui permet au lecteur de ne pas s’y ennuyer. Le suspens est aussi de la partie et, lorsqu’on referme ce livre, on ne peut s’empêcher de se poser tout un tas de questions sur la suite, sur ce que l’auteur compte mettre dans les six prochains volumes. De quoi s’interroger, croyez-moi !
L’univers créé par l’auteur est assez classique en Fantasy : médiéval teinté de magie. Par contre, nulle trace de créatures fantastiques (pour le moment, du moins). Tout repose donc sur l’histoire en elle-même, servie par ce monde sans nom qui ressemble presque à un décor pour que puisse y vivre l’intrigue. Pas de descriptions à rallonge, de races multiples, de créatures étranges à foison, de complots politiques et autres guerres multiples. Ici, on a un continent de forme circulaire autour d’une mer intérieure qui comporte sept royaumes aux relations plutôt stables. La seule dissonance vient de deux factions opposées, deux courants de pensée qui ne peuvent s’accorder sur une possibilité de trêve : c’est autour de cela que tourne toute l’histoire et cela ne lui donne que plus de force.
Les personnages principaux ne sont pas nombreux (surtout pour un roman de Fantasy) et cela permet à l’auteur de les développer de manière très approfondie. Il est d’autant plus facile pour le lecteur de se les approprier. Orville, le héros d’une grande partie de ce tome, est un militaire plutôt « classique » qui va se retrouver dans une situation exceptionnelle. On suit sa progression avec intérêt, on évolue avec lui tout au long de l’histoire, partageant ses doutes et ses questions. C’est un vrai plaisir ! Rosa, un personnage plus en nuances qui apparaît à la fin du tome, est aussi très réussie. L’auteur parvient à merveille à restituer son caractère si particulier, d’un calme surnaturel, tout en la rendant attachante. On se pose de nombreuses questions sur Orville comme sur Rosa (je ne vais pas détailler pour ne pas spoiler), surtout en ce qui concerne leurs origines.
Le style de l’auteur est plutôt efficace, dynamique et suffisamment détaillé, même si j’ai parfois regretté l’usage un peu trop intensif des verbes faibles. Les combats sont bien rendus, pas trop longs (ce qui m’a arrangée, vu que je n’aime pas quand ça prend plusieurs pages) ; les descriptions sont bien faites, surtout en ce qui concerne les bâtiments, ce qui permet au lecteur d’avoir une bonne vision du paysage dans son ensemble. Les pérégrinations des différents personnages sont elles aussi détaillées avec soin sans pour autant paraître lourdes et l’on imagine sans peine toutes les difficultés auxquelles ils sont confrontés, que ce soit du point de vue géographique, météorologique ou purement matériel. On ne s’y ennuie pas, ce qui, à mon sens, mérite d’être relevé !
J’ai noté quelques coquilles, mais sans grande gravité.
Bref, voici un roman Fantasy plutôt classique qui m’a convaincue, tant par le fond que par la forme. J’ai vraiment beaucoup apprécié le traitement de l’histoire et j’attends avec impatience de connaître la suite des aventures d’Orville et Rosa. Si, comme moi, vous aimez la Fantasy « épurée » (entendez par là : sans une montagne de races et autres créatures aux noms imprononçables), n’hésitez pas à vous lancer dans cette saga, vous ne serez pas déçus.
Le sang des 7 rois, tome 1
Régis Goddyn
Éditions l’Atalante
416 pages
21 euros