La troisième lame – Ayerdhal

ayerdhallatroisiemelameJ’ai lu par le passé La Logique des essaims d’Ayerdhal et avait alors été séduit par la facilité de cet auteur pour passer d’un ton à l’autre, alors qu’il s’agissait de nouvelles de science-fiction cohérentes entre elles. Je le retrouve avec joie dans un nouvel ouvrage de science-fiction qui vient de paraître chez ActuSF où deux novellas nous sont présentées. La première, intitulée « La troisième lame » a été publiée pour la première fois dans la revue Galaxies en 1996, tandis que la seconde, « Pollinisation », se trouvait justement parmi les textes du recueil La Logique des essaims en 2001. Bien entendu, ces deux textes ont été révisés par l’auteur dans la présente édition. Ils relèvent tous deux d’un univers créé par Ayerdhal dans son Cycle de L’Homéocratie qui compte trois ouvrages qui sont dans l’ordre La Bohême et l’ivraie, Le Chant du Drille et Mytale. Hélas, je n’en ai lu aucun et vais m’appuyer sur mon expérience de lecteur de SF pour rédiger cette chronique.

Tout d’abord, il faut définir l’Homéocratie comme une organisation galactique qui rassemble des mondes. Quelques décades ou siècles après les événements des trois romans du cycle, l’Homéocratie est bien installée dans l’univers. Et si elle ne souhaite pas forcément s’étendre et mettre en danger sa taille critique, elle ne souhaite pas pour autant laisser certains mondes reprendre leur indépendance. C’est dans ce contexte que nous découvrons ces deux novellas.

Dans « La troisième lame », nous allons sur une planète appelée Melig. Un attaché du Gouverneur a été tué alors qu’il transmettait un message aux représentants de l’Homéocratie. Il n’est pas le premier mort dans cette histoire, car déjà deux de ses indicateurs avaient déjà subi le même sort. Et quand on vous dira que l’attaché en question espionnait Melig pour l’Homéocratie, vous comprendrez qu’il convient que cette dernière envoye sur place Anthelm Lax, un de ses brillants diplomates, afin qu’il tire au clair cette affaire et qu’il s’assure qu’elle ne dissimule pas quelque velléité d’indépendance de la part de Melig ou d’une de ses factions. Chose amusante, vers la moitié de la nouvelle, un échange entre certains des protagonistes fait apparaître les termes de « dessouder », de « plomber » ou d’autres expressions imagées qui nous sont lancées avec une gouaille que ne renierait pas un poulbot pur jus. Ce décalage est délicieux quand on pense que l’action se déroule sur une petite planète sans histoires et qu’à cette époque – future – c’est au phaser ou au blaster qu’on est censé refroidir ses adversaires. Ce récit se termine par de beaux rebondissements qui montrent une fois encore la maîtrise de la trame narrative dont fait preuve Ayerdhal dans ce texte plutôt classique.

Avec « Pollinisation », nous restons dans un monde sous le joug de l’Homéocratie, mais cette histoire écrite à la première personne traite d’abord d’intégration. Quand on est étranger à un pays, une société et qu’on a envie d’y vivre alors on fait de gros efforts d’intégration. Mais trop souvent tous les sacrifices que cela peut représenter pour le migrant se trouvent balayés par le mépris ou l’ignorance de ceux qui se sont contentés de naître en terre promise. Dans cette nouvelle, c’est la nature, le monde lui-même qui accorde le droit à la terre. Ce serait si beau si cela se passait ainsi. Ecrite une nouvelle fois au présent, la technique permet au lecteur de vivre au côté des protagonistes les aventures qu’eux-mêmes découvrent au fil du récit. Une belle histoire qu’on pourrait rapprocher d’un de ces contes philosophiques tels qu’on en écrivait au Siècle des Lumières. L’ouvrage se termine par une interview de l’auteur sur ce qu’il entend par Homéocratie, quelles sont ses transpositions par rapport à nos sociétés modernes. Une bonne idée.

Parce que je n’en parle jamais, je ferai une exception ici : j’aime l’objet. Oui, ce livre est dans un format de 14 sur 20 qui n’est pas trop courant, entre le poche et le broché. De plus, la police employée n’est ni trop grande, ni trop petite et s’accorde parfaitement à l’interlignage sensiblement égal à la ligne et le tout donne à cet ouvrage une sensation de texte aéré, libre et équilibré que je n’avais encore jamais connu. Bravo aux éditions ActuSF pour cette finition qui, sans être particulièrement technique, n’en est pas moins réussie et très attractive. Et non, je n’ai pas eu recours à des produits illicites pour ce paragraphe, c’est mon ressenti sincère.

La couverture évocatrice et riche de Gilles Francescano nous présente un homme en phase de construction ou de déconstruction, car faisant partie d’un collectif qui le dépasse. C’est une des thématiques de l’Homéocratie, mais également un sujet qui passionne fortement Ayerdhal, car on le retrouve dans de nombreux autres ouvrages dont l’étonnant Rainbow Warriors que j’avais apprécié lors de sa récente sortie. L’individu face aux sociétés, entre liberté individuelle et devoirs pour le bien commun est un sujet qui n’a pas fini d’être traité, mais quand il est imaginé sous la plume d’un auteur de cette envergure, c’est un pan de la réalité qui se trouve mis à nu et qui prend des dimensions insoupçonnées.

La troisième lame
Ayerdhal
Couverture illustrée par Gilles Francescano
Editions ActuSF
Collection Les Trois Souhaits
2013

12,00 €

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