Pour entrer dans l’univers d’un auteur, il faut savoir patienter jusqu’à trouver la bonne porte d’entrée. On ne fait bonne impression qu’une fois et c’est généralement lors de la première rencontre, aussi ai-je appris à attendre également pour mes lectures. Non que j’aie lu les œuvres précédentes d’Anthelme Hauchecorne, mais les titres, quatrièmes de couverture et couvertures m’ont fait hésiter, car ne relevant a priori pas de mes goûts personnels. Maintenant qu’Âmes de Verre a su me conquérir, je vais rattraper mon retard et me pencher sur ces premiers opus. Vous avouerez que cette quatrième de couverture a de quoi titiller la curiosité :
« Ce livre vous attendait. Il était écrit que vous feriez sa connaissance. Car peut-être êtes-vous, à votre insu, un(e) Éveillé(e). Auquel cas, vous êtes en grand danger. Les rues de cette ville ne sont pas sûres. Pour vous, moins que pour tout autre. Car les Streums rôdent, à l’affût d’une âme à briser. Je ne vous mentirai pas : vos options ne sont pas légion. Votre meilleure chance de survie git selon toute probabilité entre ces pages. Qui sont les Streums, demanderez-vous ? Pourquoi convoitent-ils les fragments du Requiem du Dehors ? Quel avantage espèrent-ils retirer de cette partition funeste ? Si vous ignorez les réponses à ces questions, vous vous trouvez alors face à un choix. Pour lequel il est de mon devoir de vous aiguiller. Souhaitez-vous rejoindre la Vigie, risquer votre vie et sans doute plus encore, dans une lutte désespérée pour déjouer les intrigues du Sidh ? …Ou bien demeurer parmi le troupeau des Dormeurs, à jamais ? Pareille aventure ne se présente qu’une fois. Sachez la saisir. » Enki, enquêteur et logicien de la Vigie
Même si cela fait un peu « livre dont tu es le héros », il n’en est rien. Anthelme Hauchecorne réussit grâce à un bel artifice à décoder un réel bien difficile à accepter et à comprendre pour nombre d’entre nous. Si les premiers hommes inventèrent les dieux pour expliquer une nature à laquelle ils entendaient bien peu, de nos jours, comment expliquer certains de nos maux ? Ainsi, alors que nous devrions être comblés par la technologie qui allège nos vies, il n’y a jamais eu autant de maladies de l’âme, de tueurs en série et de drames humains multiples. Ames de Verre nous ouvre les portes du Sidh, lieu mythique et monde parallèle au nôtre d’où certaines créatures ont décidé de venir à notre rencontre et causer incidemment ou pas toutes ces interférences.
Dans Lille, nous suivons deux Eveillés, ceux qui sont dotés de la Vue qui leur permet d’observer les Streums, Vincent et Camille. Vincent, le prof qui a perdu sa femme et sa fille et qui depuis n’est plus le même, va perdre son emploi et pouvoir se consacrer à sa quête. Camille, la recrue de la Vigie qui a perdu sa fille, rêve aussi de devenir une Chasseuse et de retrouver son enfant. Pour cela, elle va passer le pacte sacrilège s’il en est en s’alliant à un Streum pour détruire un ennemi commun. Chacun de son côté, Vincent et Camille sont sur les traces d’une légende urbaine, le Marchand de sable, un Streum redoutable qui essaye de son côté d’assembler une arme redoutable basée sur une œuvre musicale destructrice, à moins qu’il ne se fasse lui-même doubler.
La musique est au cœur de l’œuvre d’Anthelme Hauchecorne et elle trouve sa place ici, une fois encore, au travers du Requiem du Dehors que je vous laisserai découvrir par vous-même. L’auteur réalise un ouvrage militant où il fait passer ses idées et utilise la métaphore des Streums pour dénoncer une société devenue inhumaine à force d’individualisme forcené, de compétitivité hypocrite et de lutte permanente de l’un contre tous. Il arrive à trouver la lumière en chacun, y compris dans les Streums qui ne sont finalement que des caricatures humaines et donc des êtres pas aussi mauvais qu’on pourrait le penser de prime abord.
L’illustration de Pascal Quidault nous confirme le talent de cet artiste qui restitue parfaitement le passage des mondes par un Streum qui porte sur son corps les stigmates de son essence. Il pourrait aussi bien venir d’un monde parallèle profitant d’un lieu oublié de nos cités qu’habiter déjà notre âme, les recoins les plus sauvages de cette dernière et nous pousser aux pires crimes. L’illustrateur a aussi réalisé quelques planches intérieures qui permettent au lecteur de visualiser certains êtres décrits dans l’ouvrage. Entrecoupé d’interpellations dignes d’un sergent recruteur hargneux et d’extraits du Codex Metropolis, l’ouvrage de référence de la Vigie, le lecteur va découvrir les dessous du monde au travers des aventures de Camille et Vincent. Une belle découverte qui m’incite à m’intéresser de plus près à cet auteur talentueux.
Âmes de verre
Le Sidh T1
Anthelme Hauchecorne
Couverture illustrée par Pascal Quidault
Editions Midgard
2013
18,00 €