Sean Russell est canadien et anglophone. Ses premiers romans parus en France ont été les trois volumes de La Guerre des cygnes chez Mnemos. La fantasy est son genre de prédilection et avec Le Frère initié paru aux Editions L’Atalante il reçoit le prix Imaginales du roman étranger 2005. Vaste épopée guerrière et diplomatique, ce roman ainsi que Le Berger des nuages, qui en constitue la suite, nous plongent dans une fantasy asiatique d’une grande qualité. Je vais évoquer ici le second volume de ce dyptique – si, si, cela se dit pour une œuvre littéraire également – dont la quatrième de couverture est la suivante :
Tandis que les vents des Fleurs de Prunier annoncent la venue du printemps dans l’empire de Wa, le frère initié Shuyun, conseiller spirituel du seigneur Shonto, gouverneur de la province frontalière de Seh, reçoit des terres des Barbares du Nord une information saisissante : l’immense armée du khan aux mains d’or attend le moment propice pour passer la frontière. La guerre est proche. Faudra-t-il battre en retraite ? L’empereur prendra-t-il les mesures nécessaires pour sauver l’empire ? Alliances, trahisons, stratégies, le destin de Wa est en jeu.
Au fil du temps, l’intimité s’accroît entre Shuyun et Nishima. Si l’avenir de la fille adoptive de Shonto sera scellé dans la capitale, un chemin que nul ne devine attend le jeune frère initié. Car la fleur de l’Udumbara est éclose dans la montagne ; elle annonce le retour du Maître parfait. Un monde touche à son terme.
Le Berger des nuages prolonge et conclut Le Frère initié en une épopée poignante dans un Orient de fantasy.
Dans cette suite du Frère initié, Sean Russell nous replonge dans l’univers puissant où il avait déjà réussi à nous tenir en haleine. Le Berger des nuages est une remarquable épopée guerrière où se mêlent enjeux de pouvoirs et complots de cour. On pourrait donc craindre que de ce point de vue nous n’ayons à subir une redite du premier volume, mais il n’en est rien.
En effet, les forces barbares qui se massent à la frontière Nord s’apprêtent à attaquer la province de Seh d’abord et l’empire de Wa tout entier par la suite. Le seigneur Shonto, le gouverneur de Seh, est toujours un adversaire à éliminer pour le nouvel empereur. Mais en bon gouverneur, s’il aimerait sauver sa province, c’est à l’empire qu’il doit d’abord penser ; il devra certainement la sacrifier pour préserver le reste de l’empire. Les tensions politiques seront au plus fort quand on en viendra à soupçonner l’empereur de financer les forces barbares.
Quand le nombre terrifiant des barbares sera connu, il faudra pour Shonto rassembler les différents chefs de guerre de sa province derrière son étendard. Un certain nombre d’entre eux y verront juste une manipulation, mais devant la terrible réalité ils rachèteront leur honneur dans les combats. Les rancœurs sauront se taire pour l’objectif suprême qu’est la sauvegarde de l’empire face à l’ennemi commun.
L’empereur lui-même devra se résoudre à aider, du moins en donner l’impression, le seigneur Shonto en envoyant des troupes à sa rencontre. Shonto devra à tout prix ralentir les hordes venues du nord jusqu’à la jonction avec les troupes impériales. Le moine bohatiste Shuyun s’avérera-t-il être finalement le Maître tant attendu ? Sans parler de tous ces protagonistes en quête de l’amour impossible par la simple situation politique de l’empire, comment vont-ils traverser ce récit ?
Une épopée remarquable, passionnante qui ne nous laisse pas un instant de répit si ce n’est les petites longueurs des courtoisies et autres ronds de jambe de cour qui en font aussi le charme. C’est un réel plaisir de lire une fantasy de qualité tant le monde de Wa est fouillé et construit de façon si réaliste. Un indispensable de la fantasy que je ne suis pas prêt d’oublier tant par son exotisme que par le réalisme mis en perspective dans ce récit. Il faut néanmoins s’étonner qu’un texte d’une telle qualité soit paru pour la première fois en 1992 et n’ait été traduit en français qu’en 2005 grâce au flair des Editions L’Atalante.
Le Berger des nuages
Sean Russell
Couverture illustrée par Beet
Traduction de l’anglais par Pierre Goubert
Editions L’Atalante
Collection La dentelle du Cygne
2005
26,00 €