Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il s’agit d’un exemplaire des épreuves non corrigées, puisque la sortie de ce roman est prévue pour le 8 novembre 2012.
Dans un premier temps, j’ai été conquise par la couverture : paysage sombre et fantomatique en arrière-plan, héroïne guerrière (tatouée, rousse et avec une épée, tout ce que j’attends d’une vraie héroïne) au regard particulièrement accrocheur (et impitoyable). Néanmoins, au fur et à mesure de ma lecture j’ai compris que la couverture ne collait pas du tout avec les personnages que l’on suivait. Marie n’est pas rousse mais brune et on apprend bien vite qu’elle n’est jamais à visage découvert. Hors, le personnage qui semble être représenté ici (et encore, ce n’est vraiment pas évident à deviner du fait de certaines descriptions contradictoires) apparaît dans la troisième partie de l’ouvrage et franchement, l’illustration ne correspond pas au texte.
Une couverture très sympathique donc mais en décalage avec le texte. Est-ce prémédité afin de perturber le lecteur ? Je l’ignore mais j’avoue que pendant toute ma lecture je me suis demandée quand est-ce qu’allait apparaître ce personnage (ou si Marie allait changer/muter) pour finalement découvrir qu’il n’existait pas. Petit bémol donc pour l’illustration qui, bien que très belle, donne à penser qu’elle n’a pas été réalisée pour ce livre mais juste récupérée et posée là. Notez que j’ignore totalement s’il s’agit de la couverture définitive et que celle de mon épreuve non corrigée est légèrement différente des visuels qui circulent sur Internet (et donc de celle qui accompagne cet article).
Un monde qui ressemble à notre Renaissance, menacé par la montée des océans grouillant de créatures maléfiques, où règne la violence, la famine et la misère. L’Église des Cendres prospère sur tout ce désespoir, menée par la mystérieuse Marie aux yeux verts. Dans une des dernières villes émergées, Joad tente d’apaiser les souffrances et se prépare à affronter l’Armée des Cendres. Joad et Marie vont s’engager dans une course dont l’enjeu n’est rien de moins que le sort du monde.
Estelle Faye, née en 1978, est un jeune talent du cinéma français (scénario et réalisation). Elle livre ici son premier roman.
« Elle est belle, courageuse, respectée. C’est sa malédiction »
L’histoire
Le lecteur est plongé dans un monde très différent du nôtre et qui rappelle l’univers du film Waterworld. La survie de l’espère humaine est menacée par la Crue soit la montée inexorable des eaux qui recouvrent les terres. Ce contexte m’a séduite car il est rare de découvrir un univers aquatique dans la fantasy. Néanmoins, si Estelle Faye emporte rapidement le lecteur dans son monde grâce à des descriptions riches et visuelles, je déplore (à titre personnel) l’absence de notes de bas de page pour expliquer un vocabulaire spécifique à la mer. En effet, j’ignore ce que sont les clams (pour ne citer qu’un exemple) et je pense qu’il serait très intéressant de définir tous les termes spécifiques qui sont employés, d’autant plus qu’il s’agit d’une collection Young Adult et que c’est vraiment dommage qu’on ne profite pas de cette occasion pour faire découvrir aux jeunes lecteurs (et aux moins jeunes) de nouveaux termes.
L’histoire est riche et le lecteur ne s’ennuie jamais. Peut-être est-ce l’expérience dans le cinéma de l’auteur qui transparaît à travers un scénario solide et complexe, bien plus que certaines séries du genre où, finalement, l’histoire se résume en deux lignes. Cette densité de l’intrigue est très appréciable, surtout pour une collection YA. J’émets cependant une certaine réserve pour la fin qui n’est pas très claire sur certains points, tout va très vite et le lecteur se perd parmi les divinités, les prophéties et qui est qui (je ne peux en dire plus sans spoiler).
La religion a une place prépondérante dans le roman et ce qui s’apparente de prime abord à un monothéisme proche du catholicisme devient (après avoir lu la fin et porter un regard global sur l’histoire) un élément d’un univers polythéiste (je crains que ce ne soit pas le but de l’auteur qui semble avoir voulu représenter l’affrontement de deux forces principales mais le manque de clarté de la fin prête à débattre la question).
La violence est très présente, que ce soit à travers les combats et la violence physique (des tripes et du sang), la violence de la misère (les bassesses humaines quand on n’a plus rien) ou la violence de l’inhumanité (celle de Marie qui ne preuve d’AUCUNE pitié). Pas d’excuse, de justification, de remords ou de regrets, la violence est là et l’on n’essaye pas de l’atténuer de l’amoindrir ou de l’excuser, et c’est très rafraichissant !!!
Les personnages
Un gros coup de cœur pour Marie alias Lady Marie des Cendres. Enfin, un personnage féminin fort, puissant et impitoyable !! Une guerrière, une vraie, sans état d’âme, sans histoire d’amour et moments de faiblesse où elle pleurniche et se lamente sur son sort. Un personnage cruel et sans cas de conscience, mais charismatique et convaincu de sa cause : merci à Estelle Faye pour ce personnage qui montre que, oui, les femmes peuvent être aussi dangereuses et mauvaises que n’importe quel tyran psychopathe. Mention très bien donc pour Marie qui reste tout au long du roman un personnage mystérieux et sombre, charismatique et attractif. On aimerait en savoir plus sur elle, sur son histoire, ce qu’elle pense au plus profond de son être (peut-être une possibilité d’écrire un autre roman dans cet univers ?) mais c’est très bien qu’Estelle Faye ne nous en dise pas plus, entretienne l’aura énigmatique autour de son personnage sans en montrer les failles ; c’est un point fort du roman.
Autre point fort, le personnage de Joad de Vorastburg médecin-savant. En effet, ce personnage masculin (qui est, avec Marie, le héros) rompt avec une tradition de guerrier viril, puissant, fort et séduisant puisqu’il est infirme. Et il ne s’agit pas ici d’une légère infirmité qui pourrait renforcer un côté brute-qui-a-tout-vu, non, Joad est amputé d’un bras et d’une demi jambe. En tant que lectrice habituée à des héros qui voudraient nous faire fantasmer, Joad a été un personnage qui, par son physique, m’a tout de suite placée dans une position différente. J’entends par là qu’il n’a pas eu l’adhésion immédiate et spontanée qui accompagne certains héros (et qui n’est pas forcément liée uniquement au physique mais dépend également du caractère). Il a dû éveiller mon intérêt par ses actes et sa psychologie. Et il a clairement réussi : ce personnage est particulièrement crédible et vraisemblable dans son humanité, ses erreurs, ses choix.
Autres remarques : l’écriture
En ce qui concerne le style, j’avoue que j’ai été gênée régulièrement par la ponctuation qui est marquée par la présence de trop nombreuses virgules. Dans plusieurs cas, cela fait des phrases beaucoup trop morcelées, où l’on se perd et dont le rythme est cassé par des pauses mal placées. Quelques fautes d’orthographes et des répétitions sont aussi à signaler, elles seront sûrement corrigées dans la version finale. Enfin, j’avoue que je ne suis pas une grande amatrice des phrases nominales à visée descriptive. Exemple (non issu du roman) « En bas, des petites maisons recouvertes de coquillages et d’algues en décomposition ». Ce genre de phrase me laisse haletante, à la recherche d’un verbe qui ne vient pas, et rompt le flux de lecture. Je pense que dans le cas présent il s’agit d’un trait propre au style de l’auteur qui pose le décor par ces phrases néanmoins, si je conçois que d’autres puissent apprécier ce trait, ce n’est pas mon cas.
La Dernière Lame
Estelle Faye
Éditions Le pré aux clercs
Collection Pandore
Sortie le 8 novembre 2012