Jusqu’au bout de la terre – Histoires de Bretagne T1 – Debois-Sandro-Lacroix

J’ai toujours été friand des grandes siestes en barque, au large de la terre. Jamais je n’ai mieux travaillé qu’à ce lent bercement des houles, qui communique à la pensée quelque chose de sa puissance et de son ampleur.
J’avais fait un marché avec un patron de l’endroit pour prendre la mer, chaque après-midi, lorsque vents et marées seraient favorables. Si vous voulez son nom, il s’appelait Jean-René Guilcher. C’était un homme de moyenne taille, avec une figure fruste, des muscles épais et des mains énormes. Il avait de petits yeux clairs, des yeux de jeune fille, derrière une broussaille de sourcils grisonnants.
Nous devînmes tout de suite une paire d’amis. Mais chaque jour, depuis le lever du soleil jusqu’à son zénith, Jean-René, comme tant d’autres, pêchait la sardine… ce qui nous laissait, sa femme et moi, dans le trouble des personnes désœuvrées.
Telle est la quatrième de couverture de ce premier volume des Histoires de Bretagne, sous-titré Jusqu’au bout de la terre. Telles sont également les paroles d’André Rio, ce littérateur qui, en ce début du XXe siècle, vient chercher l’inspiration dans le Morbihan, du côté d’Etel. Comme vous l’avez compris, cet écrivain de la ville ne trouve rien de mieux à faire que de profiter de l’absence de son seul ami pêcheur pour coucher avec la femme de ce dernier.Il a besoin de Jean-René Guilcher, ledit pêcheur, pour faire des sorties en mer qui lui permettent de trouver une certaine sérénité, propre à l’aider dans son écriture. Lors d’une de ces sorties, ils se trouvent obligés de rentrer tard et devraient attendre, selon la tradition, un certain horaire pour retourner à Etel. En effet, il convient de ne pas passer la Barre d’Etel à certaines heures de crainte de mécontenter l’esprit des noyés de la Barre.

Rio n’en a que faire et décide de forcer l’interdit et ils rentrent à Etel. Une Etel déserte les y attend. Que sont devenus les habitants ? Mystère. Un message à la poste laisse à penser qu’ils pourraient retrouver d’autres gens à Vannes. Aussi, et malgré le manque de nourriture, les deux hommes décident de partir à la recherche d’autres hommes au travers du département.

Librement inspirée d’un récit du folkloriste et écrivain breton Anatole Le Braz, cette histoire entre dans le cadre de cette série des Histoires de Bretagne que les Editions Soleil ont décidé, sous l’impulsion de Jean-Luc Istin, de consacrer aux contes et autres récits fantastiques d’Anatole Le Braz. Cet auteur a consacré sa vie à promouvoir la Bretagne, mais également sa langue. S’inspirant lui-même des légendes et mystères dont cette terre est riche, il a également assisté aux transformations qu’elle a subie avec le passage du XIXe au XXe siècle. Mort en 1926, il aura accompli son œuvre en utilisant tout ce patrimoine imaginaire dans ses contes modernes.

C’est François Debois (Les contes de Brocéliande, Les contes de l’Ankou…), lui-même originaire de Bretagne, qui s’est vu confié l’adaptation et le scénario de cette histoire. Il a réussi à en garder tout le côté fantastique tout en nous réservant une conclusion particulièrement inattendue. A ses côtés, Sandro (Ectis, 7ème tome des Contes du Korrigan) s’est chargé du dessin. Ayant fait ses armes dans la publicité, il a trouvé avec ces récits de Le Braz un thème qu’il prend visiblement plaisir à explorer. Le graphisme est très réaliste et les lieux sont très fidèles à la réalité, même si l’exercice n’est jamais aisé. On prendra plaisir à ces grands espaces tant maritimes que terriens qui sont d’une grande poésie tout en ramenant l’humain à sa vraie dimension de simple passager du temps et des lieux. Enfin, les couleurs de Christophe Lacroix donnent l’ambiance générale de cette bande dessinée. Ses dégradés tant du ciel que de l’élément liquide renforcent le réalisme de cette histoire. Une série qui nous permet de découvrir l’œuvre de ce grand homme que fut Anatole Le Braz sous les plumes et les pinceaux talentueux d’artistes passionnés. Le deuxième volume intitulé Le Sang de la sirène est paru également en avril 2012.

Jusqu’au bout de la terre – Histoires de Bretagne T1
Scénario : François Debois
Dessin : Sandro Masin
Couleurs : Christophe Lacroix
Editions Soleil Prod
Collection Soleil Celtic
2012

13,95 €

Titre :
Série :
N° du tome :
Auteur(s) :
Illustrateur(s) :
Traducteur(s) :
Format :
Editeur :
Collection :
Année de parution :
Nombre de pages :
Type d'ouvrage :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Revenir en haut