Connaissant Laurent Genefort, et son œuvre, depuis le cycle d’Omale, j’ai été très intrigué quand j’ai découvert qu’il s’était lancé dans un roman de Steampunk, genre dans lequel je ne l’aurais absolument pas vu. Et pourtant sa plume talentueuse s’est posée sur la page et Les Temps ultramodernes en sont ressortis. Un roman étonnant, empli de bonnes idées et d’un sens de l’aventure bien senti que j’ai pris grand plaisir à dévorer.
En débarquant à la capitale en quête d’un emploi d’institutrice, Renée est loin de se douter qu’elle va tomber sur un Martien blessé. Mais ce Paris-là n’est pas le nôtre. Grâce à la découverte de la cavorite, un métal miraculeux, les voitures volent, des paquebots transcontinentaux appontent aux quatre tours Eiffel parisiennes, et Mars est une destination comme une autre. Quand Marie Curie découvre que la cavorite a une durée de vie limitée, elle ignore à quel point le monde va en être bouleversé. Deux ans après le « vendredi noir » de 1923, les empires occidentaux bataillent pour récupérer les dernières miettes de la si précieuse manne. Contre vents et marées, Renée soigne son protégé et décide de le ramener sur sa planète natale. Comme elle, Marthe, une intrépide journaliste, et Georges, un jeune artiste pris dans un mouvement politique qui le dépasse, seront les témoins, mais aussi des acteurs de premier plan, de cette époque-charnière pleine de bruit et de fureur.
Le scénario proposé par Laurent Genefort est étonnant et recèle de plus d’un tiroir pour nous surprendre. On débute avec différents narrateurs qui ont chacun leurs ambitions, leurs passés. Et on les observe évoluer dans ce Paris steampunk, ultramoderne. Le roman porte particulièrement bien son nom et la découverte de la ville par Renée au début du roman, nous permet nous aussi de nous émerveiller devant la créativité dont l’auteur fait preuve. Son Paris des années 1930 est hallucinant de détails techniques, de foisonnance de petites choses qui donnent littéralement vie à cette ville. Et l’histoire qui nous est proposée, entre Paris et Mars, à la poursuite de la cavorite, est juste géniale de bout en bout. On suit les aventures de l’inspecteur et de Marthe, de Renée et de Georges, mais également du détestable docteur. Chacune des ficelles qui dirigent ce petit monde va à un moment s’imbriquer dans une toile plus large que tout ce à quoi le lecteur peut s’attendre. Et les destins de chacun des protagonistes vont s’en trouver bouleversés. De la première à la dernière page on se prend au jeu de cette enquête qui est également une découverte d’un univers.
Laurent Genefort ajoute à son scénario la notion d’une lutte sociale, de ce petit quelque chose qui raccroche le lecteur aux véritables années 30, agitées par les mouvements populaires. Cela démontre qu’il est capable à la fois de nous produire un imaginaire foisonnant mais également de le caler dans un environnement uchronique très réussie.
Chacun des protagonistes cités plus haut a son rôle à jouer et leurs caractères sont parfaitement définis. On s’attache à chacun d’entre eux pour des raisons différentes. Renée est humaniste, Georges dépassé par les évènements et utopistes, Marthe tente de comprendre ce qu’il se passe. Ces différents narrateurs sont le point d’attache du lecteur, lui permettent de s’investir dans l’histoire. Laurent Genefort est un auteur habitué à gérer une multitude de personnages et il récidive avec sa maestria habituelle. A aucun moment ils ne ressemblent à un quelconque archétype, ils sont parfaitement à leur place et vivants sous les yeux du lecteur.
Petit bonus, avec ce livre un Abrégé de Cavorologie qui explique au lecteur ce qu’est la cavorite dans le monde de Laurent. Gratuit, ce petit ajout est fort agréable et, même si sa lecture intégrale ne séduira que les plus hardcore des fans, il vient fournir une immersion supplémentaire au lecteur.
Les Temps ultramodernes est un roman surprenant, immersif et terriblement addictif. On a envie de découvrir la cavorite, d’explorer les rues de Paris, de découvrir toutes les merveilles que Laurent Genefort pose devant nos yeux. Albin Michel a encore trouvé le moyen de sortir un roman de grande qualité et les fans à la fois de steampunk et d’uchronie vont se régaler !