Tout ce qui tombe du ciel – Francis Mizio

 

Initialement publié chez Mango au tout début du millénaire, repris par la suite au format numérique aux éditions de Gaulois Nomade, « Tout ce qui tombe du ciel » revient pour la troisième fois dans le ciel éditorial, chez ActuSF, sous une couverture sobre et très réussie de Mack Sztaba.

Ladislas est enlevé, transporté en hélicoptère, mis au secret, interrogé de manière musclée par de très hauts gradés russes, américains, britanniques. On ne le soupçonne pas, on l’accuse : il menace la paix dans le monde, il s’est rendu coupable d’un crime qui sème la zizanie au niveau planétaire.  Mais comment, s’interroge le pauvre diable, lui qui n’est que le modeste tenancier du café de Château-Carrois, au cœur du Limousin, pourrait-il être responsable d’un tel méfait ?

Ladislas, il est vrai, a toujours eu la guigne. Alors il revient sur les évènements récents. La météorite qui tombant du ciel a coupé sa toute nouvelle voiture en deux, la transformant en épave, et dont les assureurs lui ont refusé le remboursement. Et aussi tout ce qui en a découlé. Une histoire complexe, mouvementée, et riche en personnages farfelus.

Un chasseur de météorites légendaire qui se prend pour Indiana Jones mais surtout qui a basculé du côté obscur de la Force. Un journaliste qui pour conserver l’exclusivité de son scoop décide de couper le village du reste du monde à grands renforts de dynamite. Un gamin fondu de minéralogie. Des assureurs fous. Des notaires déments. Un piranha ne se nourrissant que de gerboises congelées et dont la survie, par clause d’héritage, est essentielle à l’exploitation de son café par Ladislas. Mamadou, un ex-étudiant côte d’ivoirien devenu loser. Imagine Ashton Smith, autre tableau classique de loser, une jeune artiste ratée rêvant de gloire et de reconnaissance, persuadée que c’est le chat du bistrot qui a déféqué la météorite. Un maire farfelu prêt à tout pour faire de Château-Carrois le haut lieu d’un tourisme particulièrement lucratif. Une auteure écossaise passablement givrée. Les Frères Dégagés, faux moins défroquées et vrais criminels, capables d’inventer tout et n’importe quoi pour exploiter le touriste. Et surtout, personnage à part entière, la fameuse météorite tombée du ciel, sorte de viagra tombée de l’espace qui transforme en bête libidineuse tous ceux qui l’approchent. Rien de linéaire, donc, dans cette intrigue irracontable qui, si elle, multiplie les approches, avec interviews et mémoires, est toujours menée tambour battant et sans aucune baisse de rythme.

Dans sa postface, Francis Mizio qualifie son œuvre de foutraque et de grand n’importe quoi, précisant qu’il s’y est autorisé de ces longueurs que l’on n’accepte en règle que dans le champ de la littérature générale. Pourtant, à y bien regarder, l’ouvrage ne souffre pas de tant de défauts. À l’exception du chapitre cinq, qui sent à plein nez le remplissage à partir d’un ouvrage façon « Tout ce qui s’est passé l’année 1957 », on n’observe pas de réel déséquilibre et le roman, malgré la multiplicité des narrations et des personnages, tient la route tout au long de ses trois-cent-quatre-vingt-neuf pages. Certains regretteront que les jeux de mots, qui passent bien dans la bouche des personnages, soient également pratiqués, avec une certaine facilité, par le narrateur. Seul défaut pour les puristes, c’est la malédiction des subjonctifs et conditionnels dont souffre le volume, aggravée par une mauvaise compréhension des formes négatives. Ainsi, au premier chapitre, « Rien qui ne lui rappela les en-têtes » pour « rien qui lui rappelât », au chapitre quatre, la condition « qu’il entretint, choya et nourrit » pour « entretînt, choyât et nourrît », et au chapitre vingt-et-un, « personne qui ne portât » grammaticalement juste cette fois-ci, mais fausse dans le contexte puisque le vrai sens est « personne qui portât » (« personne qui ne portât » signifiant que chacun portait). On l’aura compris : si l’on en vient à signaler de telles bricoles, c’est que l’on ne trouve pas à l’ouvrage d’autres défauts.

Noir mais avec humour, grotesque mais pas sans cohérence, souvent féroce, atteignant parfois la verve d’un Henri-Frédéric Blanc au meilleur de sa forme « Tout ce qui tombe du ciel » mérite donc la lecture. Amusant, délassant, sans prétention, mais non sans pertinence, Francis Mizio décrit avec une ironie grinçante des personnages « bien de chez nous », avec leurs propres délires, en y apportant un soupçon de crime et de fantastique. Réédition méritée, donc, pour « Tout ce qui tombe du ciel », et jolie trouvaille pour la collection « Hélios Noir » qui trace tout doucement son chemin éclectique en marge des autres collections dévolues au genre.

 

Francis Mizio

Tout ce qui tombe du ciel

Couverture : Mack Sztaba / Atelier Octobre Rouge

Collection Hélios Noir, éditions ActuSF

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