Simon, un orphelin de 14 ans, travaille dans les entrailles du Hayholt, palais mythique du roi d’Osten Ard, Jean Presbytère. Il travaille lorsqu’il y est forcé car la plupart du temps il préfère escalader les tours du château, se planter dans un coin du jardin, observer le ciel, les fleurs, les arbres et rêver aux fabuleuses aventures qu’il ne vivra jamais, de celles qu’il entend conter depuis son enfance. Bien que prenant des punitions en retour, il parvient à éveiller la curiosité du docteur Morgénès qui le prend comme apprenti, lui apprend à lire, à écrire et tente de lui mettre un peu de plomb dans la tête. Car le moment est plus que propice : après une longue maladie, le roi Jean semble revenir à la santé. Tout le royaume est en effervescence face à cette nouvelle. Pourtant, les évènements se succèdent et ce sursaut s’avère décevant. Dès lors, rien de va plus. Bien que le trône revienne à Elias, le fils aîné, la rivalité sourde qui l’oppose depuis longtemps à son cadet Josua prend une ampleur nouvelle tandis que les forces de la nature elles-mêmes paraissent dépérir, occasionnant famine et catastrophes en chaîne. Innocent mais trop curieux et observateur, Simon va découvrir peu à peu l’horreur du complot mené par Elias et son sorcier. Avides de pouvoir, ils ont emprisonné Josua et fait un pacte avec le Roi de l’Orage, ennemi ancestral et entité maléfique. Dès lors, Simon doit aider Josua et fuir avec ces secrets, trouver de l’aide. Mais qu’est-ce qu’un garçon trop rêveur, maladroit et hanté par la peur et d’étranges visions pourrait bien faire livré lui-même dans ce vaste monde?
Un bon classique ça fait du bien parfois, et plus encore lorsqu’il s’agit d’une saga qui reprend et use volontiers et avec finesse des codes classiques de la Fantasy.
L’Arcane des Epées intégrale T.1 se présente d’emblée comme un roman aux ficelles types : le jeune héros novice à souhait, innocent et rêveur, mal compris, mal considéré, vivant au sein d’une cour en proie à une sorte de malédiction qui va s’aggravant jusqu’à un point culminant annonçant le non-retour possible pour le héros. Livré à lui-même, Simon part donc, porteur d’une mission cruciale, rencontre des alliés improbables, affronte ses peurs et les surmonte pour finalement échouer à l’endroit voulu, en piteux état mais fidèle à sa promesse… Et ce monde vaste et merveilleux est composé de plusieurs royaumes autrefois rivaux, menés à l’époque du récit par une grande figure dont la disparition provoque le chaos, l’apparition d’êtres magiques, maléfiques, d’elfes honnis, de nains, de sorciers, de mercenaires… Une pléiade sans surprise.
Ces bases sont certes vues et revues mais Tad Williams se les approprie, les modèle pour mieux les plier à son histoire, à l’univers qu’il a créé.
Ainsi, Simon rappelle effectivement le héros type mais il est un adolescent mal dégrossi, tête en l’air, plus que maladroit, ne sachant pas tenir une arme, peureux, qui se rend vite compte que cette soif d’aventure qui l’animait était bien faussée par une vision onirique des récits entendus car une fois plongé dans une de ces aventures périlleuses, livré à lui-même dans un monde qui lui est inconnu puisqu’il a grandi dans le confort et l’ignorance des murs du palais, ressemble à l’enfer. Sa quête est d’abord une fuite en avant, pour sa vie plus que pour la mission que lui confient Morgénès et Josua et s’il ne rencontrait pas des alliés inattendus, il serait voué une mort lente mais certaine.
Pour autant, Simon n’en est pas un héros détestable. Ses défauts le rendent crédible, attachant et attirent le lecteur dans ses pas. Il est un tel mélange d’incertitudes, de peur, de courage surprenant quand il choisit d’intervenir dans ce qui sera évidemment des actions qui lui retomberont dessus, de mystères car son sommeil est souvent la proie de visions et de cauchemars terrifiants… Sans oublier que sa nature d’orphelin laisse présager de belles révélations !
Dans ce premier tome de l’intégrale regroupant les deux premiers volumes de la saga (Le Trône du Dragon et Le Roi de l’Orage), on suit donc les mésaventures de Simon, ses découvertes, ses épreuves, ses rencontres. Le schéma est assez simple si ce n’est que certains passages sont…longs. La prose de Tad Williams, bien rendue par le travail de James Collin, est riche, dense, elle n’est pas de celles qui plaira à tout le monde car elle allonge pas mal le récit. Il faut aimer la Fantasy dans toute sa dimension pour apprécier ce tome car les éléments qui font avancer l’intrigue ne se succèdent pas systématiquement, essentiellement en raison du fait que le point de vue le plus privilégié est celui de Simon. On découvre littéralement l’univers de la saga, son environnement, la personnalité de chaque protagoniste, on suppose les enjeux, on suppose beaucoup, en rythme avec les doutes que nourrit peu à peu Simon. Cette narration implique une certaine longueur qui pèse surtout pendant la fuite de Simon, jouant la carte de la forme servant le fond : le lecteur assimile la douloureuse expérience du héros d’autant plus qu’elle dure des mois !
Les personnages secondaires sont intéressants et sortent du cadre attendu. Les princes comme chien et chat, le sorcier royal inquiétant, les créatures et entités maléfiques inédites d’apparence, la sorcière des bois qui n’est pas toute puissante, le nain au parlé rocambolesque et poétique, les elfes sauvages et agressifs… tous ont un rôle défini, un destin particulier et cette manière de mouler les créatures de la Fantasy aux besoins de son univers fait de Tad Williams un très bon auteur du genre.
Développant une histoire autour de plusieurs secrets qui, on le pressent, finiront par se croiser, Tad Williams mène un récit plaisant, palpitant, porté par un anti-héros qui grandit doucement, mêlant la fantasy au roman initiatique.
Pocket a soigné la mise en page, la typographie, la traduction et l’illustration de couverture (œuvre d’Elian Black’mor) néanmoins, la finesse du papier, l’épaisseur du tome (960 pages) et la trop grande souplesse de la couverture rendent le volume fragile, malaisé à transporter ce qui est bien dommage pour un poche… En revanche, le prix est raisonnable et franchement attrayant.
L’Arcane des Epées intégrale T.1 permet agréablement de (re)découvrir les premiers épisodes d’une saga de haute volée, un classique du genre.
L’Arcane des Epées – Intégrale 1
Tad Williams
Pocket
Collection Pocket science-fiction fantasy
Traduction : James Collin
Illustration : Elian Black’mor
22 novembre 2012
13,90