Maniac – Mass Hysteria

Difficile de croire que trois ans presque jour pour jour séparent les sorties de Matière Noire et Maniac, respectivement huitième et neuvième albums de Mass Hysteria. Forts du succès inattendu de Matière Noire, Mouss Kelai et ses potes ont tourné dans des dizaines et des dizaines de villes, des petites salles aux festivals les plus en vue. Du coup, personne n’a vraiment l’impression du temps passé. Mais il était déjà temps pour les Mass de se remettre au travail, et ainsi nous parvient Maniac.

Parmi les petites phrases que Mouss aime à répéter à son public, citons celle-ci : “plutôt le bruit et la vie que le silence et la mort”, une phrase lourde de sens alors que la sortie de Matière Noire précédait de quelques jours seulement la tuerie du Bataclan. Cette dichotomie entre la ligne de conduite du groupe “positif à bloc” et la noirceur des textes de Mouss se retrouve peut-être encore davantage dans Maniac, à un niveau plus personnel. À n’en pas douter, le climat général de ces dernières années a inspiré le parolier, autant que son expérience propre ou le soutien des furieuses et furieux de France et d’ailleurs.

Pourtant, tout n’était pas gagné. Le début de l’album surprend par ses compositions très sombres et lourdes, et le chanteur évoque son état d’esprit, alors que l’inspiration le déserte (Reprendre Mes EspritsPartager Nos Ombres). Rien qu’une bonne claque dans la gueule ne puisse résoudre toutefois (Ma niaque) et le voilà de nouveau prêt à repartir, poussé par le public (“les concerts notre moteur, sans vous pas d’essence” sur Partager Nos Ombres). À partir de là, on retrouve le Mass Hysteria que l’on connaît : dénonçant les politiques (Chaman Acide, Arômes Complexes) et bourré d’énergie jusqu’à l’explosion (Se Brûler Sûrement, Nerf De Bœuf). Sans être un concept album, Maniac retrace donc une partie de l’histoire de Mass Hysteria durant ces trois dernières années, avec un certain sens poétique sombre que n’aurait pas renié Charles Baudelaire.

S’il est normal de s’attarder sur les textes de Mass Hysteria, n’oublions pas pour autant le travail admirable produit par le reste du groupe. Les parties de batterie de Raphaël Mercier, notamment, marquent chaque morceau par leur précision et leur puissance. À se demander combien de prises le musicien a enregistré jusqu’à trouver la plus parfaite ! Derrière leurs guitares, Yann Heurtaux et Fred Duquesne (ex-Watcha et également producteur) ne sont pas en reste : les riffs sont sauvages, au point d’entendre parfois de très nettes influences Slayer dont Yann est par ailleurs un grand fan. Il va sans dire que des titres comme Reprendre Mes Esprits, Ma Niaque et Chaman Acide incitent au circle pit. Quant à la basse, elle est désormais assurée par Jamie Ryan, qui s’occupe également des back vocals sur Arômes Complexes et le dernier titre de l’album, une étrangeté électro intitulée We Came To Hold Up Your Mind usant d’un sample de Pulp Fiction. D’autres éléments électro parsèment justement l’album et contribuent à introduire des ambiances sinistres aux compositions. Ce qui n’empêche pas les Mass de proposer une chanson d’amour en fin d’album avec Derrière La Foudre, dont on sent le texte encore une fois très personnel.

Ce n’est pas un hasard si nombres de chroniques et d’avis autour de Maniac résument par l’expression “enfoncer le clou”. Plutôt qu’un manque d’originalité, c’est une preuve que Mass Hysteria met à nouveau tout le monde d’accord, 25 ans après ses débuts. Comme le vin, le groupe se bonifie avec le temps, s’obscurcit aussi, dans l’attente d’offrir ses saveurs à un auditoire assoiffé. La vitesse à laquelle les dates sont annoncées complètes depuis l’annonce de la prochaine tournée n’est qu’un autre signe de l’évidence : la furia est loin d’être terminée.

Maniac
Mass Hysteria
2018

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