La Cité à la Fin des Temps – Greg Bear

81v+MW-clELJack, Ginny et Daniel ne se connaissent pas encore. Pourtant, ils partagent sans le savoir un don étrange : ils sont des Changeurs de temps, des rêveurs qui visitent d’autres corps à d’autres époques et explorent parfois non seulement la vie d’autres êtres mais plus encore un futur très lointain. Dans ce futur, l’humanité a pratiquement disparu, elle ne survit qu’à travers une structure sociale qui fabrique les êtres vivants, contrôle leur vie de leur conception à leur mort, les garde cloisonnés dans la dernière cité des hommes, la Kalpa. Au-delà règne le Chaos mené par le Typhon, entité qui grignote peu à peu le dernier espace de l’humanité et n’offre à ceux qui s’aventurent dans ses entrailles que la mort. Au sommet de cette société, le Bibliothécaire que personne ne peut jamais voir ni rencontrer, les Eidolons, mi-dieux mi-hommes, indifférents au sort des humains et entre eux, le Conservateur qui tente vainement d’enrayer la disparition annoncée de la Kalpa. Les intrusions des Changeurs de temps pourraient-elles enrayer l’inévitable fatalité ? Rien n’est moins sûr puisque aucun d’eux ne comprend ce qui lui arrive. Pire, ils sont poursuivis par des chasseurs à la mystérieuse perspective…

Greg Bear est connu pour un style propre à la SF dite « hard-science » autant dire que lire un de ses romans ouvre sur des récits axés sur une mise en exergue de principes fondamentaux de la science. Pour autant, il est reconnu pour savoir mêler cette ambition à des histoires de haute volée (cycle Eon). La Cité à la Fin des Temps affirme une continuité dans l’écriture mais aussi une ambition : s’attacher au parti pris récurrent dans les romans fantastiques au sens large, l’exploration du mystère des rêves.
Pour s’approprier cette thématique, Greg Bear entend mêler le thème du rêve à une structure SF hantée par des principes scientifiques auxquels s’ajoutent les mythes, une structure sociale hérités de l’Antiquité grecque.

La quatrième de couverture est plutôt attrayante, elle promet une histoire centrée sur un trio au pouvoir étrange qui leur apporte plus d’ennuis que prévu et une grande mission.
Une fois les principaux protagonistes installés, d’autres viennent s’ajouter, du futur, de leur présent, des êtres dont les buts sont vagues et ne se définissent pas vraiment au fil des pages. A mesure que l’on avance dans la lecture, le fait est que ces héros demeurent longtemps, et peut-être tout le long du récit, incertains de ce qui leur arrive, perdus et même ignorants de cette fameuse mission. Plus de 300 pages défilent sans que les héros ne se croisent véritablement. Au final, on suit, chapitre après chapitre, les pas de l’un ou l’autre des protagonistes, un héros après l’autre, un ennemi après l’autre, un être du futur après l’autre. Seuls les alter-ego futuristes de Ginny et Jack se rencontrent assez rapidement. Les autres demeurent de leur côté, nous laissent explorer leur quotidien mais peu voir rien du tout de leur passé, de leur existence, de qui ils sont réellement.
La réalité saute rapidement au regard du lecteur : cette profusion de personnages laissés à l’état d’ébauche ou presque, se perd dans le propos très (trop) scientifique de Bear qui s’entête à décrire des mondes, des époques, des systèmes de passages de l’un à l’autre, semant ici et là des pistes qui, en dépit du pavé de plus de 800 pages, resteront inexplorées. On frôle l’idée d’une intervention fantastique de certains protagonistes qui au-delà de leur don de rêveur agissent sur les éléments extérieurs, provoquant quelque orage, décès, mouvement bienvenu d’objets… On croit aussi comprendre que les chasseurs, personnifiés par Glaucous, voient leur vie prolongée au-delà du centenaire par l’intervention mystérieuse de leur commanditaire tout aussi mystérieux. On tente de cerner le principe du mécanisme qui permet aux rêveurs d’incarner, de visiter d’autres corps et d’autres temps. Mais plus on avance dans le récit plus on se sent perdu et sans vraie réponse à cette profusion de questions qui s’installe.
L’écriture de Greg Bear est fluide, épurée mais elle insiste tant sur une vision à la fois trop large et insuffisamment précisée que les protagonistes comme le lecteur sont perdus en cours de route.
Au final, le monde construit par Greg Bear dans La Cité à la Fin des Temps demeure impalpable, insaisissable et échappe au lecteur qui s’égare, s’ennuie et attend vainement que « quelque chose » se passe.
L’illustration de couverture de cette édition du Livre de Poche, œuvre de Manchu, reflète merveilleusement cette ambiguïté du récit prometteur mais finalement hors de portée.

La Cité à la Fin des Temps est d’abord un roman pour les connaisseurs de Gred Bear, ses fans, mais demeure abstrait pour tous les lecteurs et qui, en dépit de son ambition affichée, ne se défait pas des défauts récurrents de l’auteur : des personnages à peine esquissés au profit d’un propos scientifico-futuriste qui dépasse le simple cadre de la fiction.

La Cité à la Fin des Temps
Greg Bear
Le Livre de Poche
Collection : Science-fiction
Traduction : Nenad Savic
Illustration : Manchu
18 mars 2015
8,90

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